LES VISIONS DE LA BIENHEUREUSE
CATHERINE DE MILAN

 


6 La fuite en Égypte


 

La nuit qui suivit la fête de l'Épiphanie, la bienheureuse Véronique fut prise dans une extase mystique. Elle fut conduite par un ange dans une certaine maison, où la Sainte Vierge et saint Joseph étaient tous deux présents. Elle vit que Joseph dormait, mais elle aperçut aussi en songe un ange (différent de celui qui était son compagnon). L'ange lui parla ainsi : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte ! Car Hérode est furieux et veut le tuer. »

Immédiatement, saint Joseph se leva de son lit. Très vite, il prépara leur âne, et y fit asseoir la Vierge et son fils enfant. Il prit avec eux trois servantes comme compagnes pour Marie, ainsi qu'un bœuf et trois autres ânes et un certain nombre de serviteurs pour les soigner. Les ânes et le bœuf étaient chargés de provisions pour le voyage, ainsi que de diverses nécessités domestiques. Puis ils se mirent en route promptement, prenant une route qui les conduisait par une certaine forêt. Pendant tout ce temps, l'ange (qui n'était perçu que par Joseph et Véronique) le conduisait sur le chemin qu'ils parcouraient.

Véronique se sentait faire partie de la partie de la fête qui accompagnait la Sainte Famille. Elle semblait marcher avec eux et pouvait voir et entendre ce qu'ils faisaient ou disaient. L'ange qui conduisait Joseph les conduisit maintenant dans les bois. Là, Véronique aperçut une grande multitude d'animaux sauvages de diverses espèces. En voyant cela, la Sainte Vierge fut d'abord surprise et effrayée. Mais ensuite, chacun des animaux s'abaissa à terre devant l'enfant Jésus, comme en adoration respectueuse ! Lorsqu'ils furent témoins de ce miracle, toute la compagnie fut remplie d'une joie et d'un émerveillement indicibles.

Parfois, la Vierge Marie s'adressait directement à Véronique, comme si elle était sa compagne proche. Et la Mère de Dieu partageait avec elle divers mystères divins et célestes, lui faisant promettre, cependant, qu'elle ne les révélerait à personne.

Combien de fois le cœur compatissant de Véronique fut-il touché de voir la Sainte Vierge fatiguée de leurs longs voyages ! Combien de fois a-t-elle vu le Fils de Dieu et la Mère de Dieu tous deux affligés par la rigueur de la chaleur du jour, ou le froid de la nuit, ou le manque de nourriture et d'eau en quantité suffisante. Un jour, au milieu de la journée, alors qu'ils traversaient une région désertique, elle vit Marie et Jésus se réfugier sous un palmier contre les rayons brûlants du soleil. Mais les branches de l'arbre étaient trop petites pour leur fournir de l'ombre. Mais alors, sur le signe de tête de l'enfant Jésus, ils poussèrent soudain en profusion verdoyante, comme s'ils eussent voulu servir leur Seigneur et sa Mère en les mettant à l'abri du soleil cruel.

Et non seulement cela, mais le sol à proximité s'est soudainement ouvert et l'eau fraîche et cristalline a coulé en abondance ! C'était suffisant non seulement pour étancher leur soif désespérée, mais aussi pour remplir les diverses jarres d'eau qu'ils avaient emportées avec eux pour leur voyage. Cette nuit-là, alors que le saint Enfant dormait, Marie a pu épargner une partie de leurs précieuses réserves d'eau pour laver tendrement les membres de son Fils de la poussière du désert.

Bien d'autres fois, Véronique a vu Marie demander à Joseph s'ils pouvaient s'arrêter un moment pour se reposer à l'ombre d'un arbre. Et Joseph était toujours d'accord, lui obéissant avec une bonté et une patience infinies.

Après cela, l'esprit de Véronique revint de sa transe et elle retrouva ses sens habituels. Mais elle était extrêmement fatiguée de corps et d'esprit, comme si elle avait vraiment entrepris un long voyage. Pourtant, tout ce voyage qu'elle avait perçu dans sa vision, qui aurait duré plusieurs semaines, ne s'est réellement produit qu'en l'espace d'une seule nuit pour Véronique.

Le lendemain, Véronique éprouva une continuation de la même vision. Cette fois, elle marchait à côté de l'âne qui portait Marie et l'enfant Jésus. L'ange qui l'accompagnait était également là. Marie et l'ange lui ont dit beaucoup de choses merveilleuses, mais Véronique ne les a pas révélées à cause de la promesse de secret qu'elle avait faite. Cependant elle gardait toujours dans son cœur les paroles que la Reine du ciel lui avait dites, et elle était remplie d'une joie ineffable chaque fois qu'elle y pensait.

Alors que le voyage vers l'Égypte se poursuivait, la bienheureuse Véronique vit la Sainte Famille et ses compagnons attaqués par un groupe de bandits. Pourtant, une chose vraiment miraculeuse s'est produite à ce moment-là. Car une multitude d'animaux féroces de diverses espèces apparurent soudain de leurs cachettes dans le désert et attaquèrent les bandits ! Ces voleurs se sont alors enfuis horrifiés, la plupart d'entre eux grimpant aux arbres pour se mettre à l'abri. Mais il y en a un seul qui n'a pas échappé. Les animaux ne l'ont pas déchiqueté, mais l'ont laissé recroquevillé de peur, seul et sans armes. Mais Joseph s'approcha de lui avec bravoure et bonté, et il le traita avec gentillesse comme s'il était un invité. Il appela de même les autres bandits qui avaient grimpé aux arbres, leur offrant une promesse de sécurité et d'hospitalité, s'ils s'engageaient solennellement à ne faire de mal à Jésus ou à Marie.

À ce moment-là, la vision de Véronique prit fin et elle revint à sa conscience normale. Bien que, comme on l'a dit, elle n'ait pas partagé les divers mystères divins que lui a révélés la Sainte Vierge, il lui a été permis de rapporter les paroles suivantes que Marie lui a dites : « Tu vois, ô Véronique, ma fille bien-aimée, toutes les contraintes, les difficultés et les périls que j'ai endurées dans ce voyage ! Pourtant, je dois supporter des chagrins et des angoisses bien plus grands à l'avenir. Sache ceci, ma douce et pieuse fille, il est impossible d'obtenir aucune grâce de Dieu à moins d'éprouver des souffrances de l'esprit, du cœur et du corps, et de travailler avec ferveur et ardeur pour accomplir sa sainte volonté. »

À SUIVRE ...