Pourquoi les scandales sont inévitables – et sont particulièrement mauvais dans le clergé
P. Henry James Coleridge S.J.
Personne ne devrait avoir plus peur de provoquer un scandale que ceux qui sont dans les ordres sacrés, dit le père Coleridge.
P. Henry James Coleridge S.J.
Dans cette partie, le P. Coleridge nous dit...
Il nous montre que le chrétien ne doit jamais cesser de pardonner aux autres, ni jamais faire tomber l’autre.
« Et il dit à ses disciples : Il est impossible qu’il n’y ait pas de scandales, mais malheur à celui par qui ils viennent ! Il vaudrait mieux pour lui qu’on lui pendît au cou une meule de moulin et qu’il la jetât à la mer, plutôt que de scandaliser l’un de ces petits. Prenez garde à vous-mêmes.
Si ton frère pèche contre toi, reprends-le, et s’il fait pénitence, pardonne-lui. Et s’il pèche contre toi sept fois en un jour, et qu’il se convertisse sept fois en un jour à toi, en disant : « Je me repens, pardonne-lui. »
Ce qui est raconté ici est presque une répétition de ce qui avait déjà été dit en Galilée, comme le rapporte saint Matthieu. Ces paroles s’adressent ici, comme là-bas, aux disciples, c’est-à-dire, semble-t-il, aux Apôtres. Il y a donc une certaine rupture de continuité directe entre ce paragraphe et celui qui le précède immédiatement, car le dernier discours enregistré s’adressait aux pharisiens.
Dans les deux occasions précédentes où Notre-Seigneur avait parlé du danger du scandale, ses paroles avaient été liées à d’autres où il avait parlé des petits du troupeau, qui sont toujours plus en danger que tous les autres d’apprendre le mal ou de s’offusquer de ce qu’ils voient et entendent.
Saint Marc nous dit que les paroles sur le scandale ont suivi immédiatement d’autres où Notre-Seigneur s’était attardé sur la grandeur de la récompense de ceux qui donnent un verre d’eau froide en son nom à l’un des petits. Et le même évangéliste continue son récit en ajoutant quelques phrases sur la main, l’œil ou le pied, qui peuvent être une occasion de scandale, et qui sont plutôt à arracher ou à retrancher qu’à nous faire encourir les châtiments de l’enfer, où leur ver ne meurt pas, et où leur feu ne s’éteint pas.
De la même manière, saint Matthieu parle de la main, du pied ou de l’œil qui doivent être sacrifiés dans de telles circonstances, et il fait suivre tout l’enseignement sur le scandale des paroles sur l’accueil des petits enfants au nom de notre Seigneur.
Saint Luc, en parlant d’autres occasions, ne marque pas le lien, si ce n’est par la simple mention du scandale aux petits. Ce qui précède immédiatement cet enseignement dans son Évangile, comme nous le voyons, c’est l’histoire de l’homme riche et de Lazare. Le sujet du scandale peut en effet être lié à cette histoire, dans la mesure où l’homme riche a pu donner du scandale à ses frères, et a pu être passible de plus grands châtiments dans l’autre monde à cause de cela. Cependant, cela n’est pas dit dans l’histoire.
De plus, la doctrine de la correction fraternelle et du pardon est exposée plus complètement par saint Matthieu que par saint Luc, et avec quelques petites différences qui méritent d’être notées. En premier lieu, saint Matthieu donne les trois étapes, pour ainsi dire, de la correction, qui sont omises par saint Luc. Dans saint Matthieu, il est dit aux disciples de faire d’abord des remontrances au frère fautif, puis, si cela n’est pas fructueux, de prendre deux ou trois témoins, et enfin de faire part de la plainte à l’Église.
Saint Luc rapporte donc une occasion où Notre-Seigneur a donné la même doctrine d’une manière plus sommaire et plus concise, comme cela pourrait être naturel lorsqu’il parlait principalement de questions de direction privée et personnelle, et ne légiférait pas pour toute la communauté. Les sept fois par jour où le pardon doit être pratiqué, et qui signifient que le pardon ne doit jamais être refusé, sont une réminiscence de la question qui avait été posée en Galilée par saint Pierre, à laquelle notre Seigneur avait alors répondu qu’ils devaient pardonner à leurs frères jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
Cette référence réveillerait dans l’esprit des Apôtres les paroles prononcées la première fois, et la parabole du Serviteur impitoyable, qui fut ensuite ajoutée par notre Seigneur.
Si nous considérons ces instructions dans leur rapport avec d’autres qui les précèdent dans cette partie de l’Évangile de saint Luc, formant une série qui a été en quelque sorte interrompue par les paraboles dont nous avons eu à parler dernièrement, celles de la brebis perdue, du gruau perdu, du fils prodigue, de l’intendant injuste, et l’Homme riche et Lazare, nous pouvons difficilement éviter de penser qu’ils s’adressaient principalement à la même classe d’auditeurs que celle à laquelle, après un court intervalle de temps, Notre-Seigneur devait donner l’enseignement sublime concernant ce que nous appelons les grands conseils de la perfection, de la pauvreté, de la chasteté, de l’obéissance. et de la renonciation non seulement dans le cœur, mais aussi dans les faits, à toute propriété terrestre.
Si c’est le cas, nous pourrions trouver quelque chose qui nous surprenne dans le fait que les apôtres et les hommes apostoliques ont été si sérieusement mis en garde contre le péché de scandale, contre l’impitoyable, et ainsi de suite.
Il est vrai que nous trouvons parmi les vertus caractéristiques des saints l’évitement le plus attentif de tout ce qui peut causer du scandale, et aussi une grande indulgence. On a dit que, parmi ceux qui ont été considérés comme de grands serviteurs de Dieu, on peut trouver, ici et là, presque tous les défauts à un petit degré, les uns chez l’un, les autres chez les autres, mais que le défaut d’un tempérament impitoyable est tout à fait incompatible avec tout haut degré de vertu.
Et l’on peut penser que les personnes apostoliques sont souvent en danger de donner quelque scandale aux faibles, sinon aux autres, parce qu’elles sont si soigneusement surveillées et scrutées, et parce qu’un petit défaut de laxisme chez elles fait beaucoup plus de mal que de plus grands défauts chez les autres.
La nature humaine est merveilleusement prompte à voir les petits défauts de caractère ou de négligence qu’on trouve quelquefois chez ceux à qui les hommes sont habitués à donner un grand exemple, et qui ont l’office de prêcher aux autres la morale élevée et parfaite de l’Évangile. Les hommes découvrent leurs incohérences, ils les dénigrent comme des hypocrites lorsqu’ils ne se montrent pas meilleurs que leurs voisins en matière de retenue et d’absence de mondanité, et peut-être s’apercevra-t-on au dernier jour que beaucoup de ceux qui ont été le plus gravement blessés par des exemples scandaleux, ont vu ce qui les a offensés dans la vie des prêtres et d’autres spécialement tenus de tenir la norme la plus élevée à tous égards.
De même que la vie et l’exemple des saints de Dieu ont été de la plus grande puissance pour faire progresser la croissance du Royaume, et la stabilité et la persévérance de ses enfants, de même, presque plus puissamment que toute autre influence du côté du mal, le relâchement général et l’indifférence de la majorité des chrétiens ont agi, génération après génération, du côté des ennemis de l’Église.
Partout où l’accès aux populations païennes est ouvert à toutes les nations, les efforts missionnaires de l’Église sont à moitié paralysés par la vie des chrétiens et par la multitude des sectes diverses qui se disent les ministres autorisés de l’Évangile. C’est l’effet de l’exemple, donné dans le monde entier, de l’indifférence à l’égard de la loi d’unité et de l’autorité divine établie dans le but de maintenir cette loi.
Le niveau chez beaucoup de chrétiens, même ceux qui sont fidèles à la loi de l’unité, est déplorablement bas dans beaucoup de questions de moralité et dans le grand péché de la mondanité, et c’est encore un effet du scandale de l’exemple de tant de gens qui passent pour des enfants fidèles de l’Église. La grande décadence des mœurs dans toute l’Europe, qui conduisit à la grave calamité de la révolte du XVIe siècle, ne peut être équitablement séparée par l’étudiant en histoire de certains grands scandales largement répandus parmi le clergé.
Tout homme vit deux vies, l’une dans son propre cœur dont Dieu est témoin, l’autre dans les yeux de ses semblables avec lesquels il a affaire dans le cadre de ses occupations quotidiennes. Toute son attitude et son attitude, toutes ses paroles et ses œuvres, doivent soit édifier ses voisins pour qu’ils fassent le bien, soit les confirmer dans ce qui est bas et mondain, et il peut même les aider positivement dans le cours descendant de leur vie.
C’est ainsi que nous voyons les saints dans les communautés religieuses demander souvent pardon sur leur lit de mort pour le mauvais exemple qu’ils ont donné, car ils sont conscients que chaque petit acte d’indifférence à leur sainte règle et à ses exigences, ainsi que toute indulgence de l’esprit purement humain, et ainsi de suite, peut leur avoir été imputé dans le livre de Dieu comme ayant fait quelque tort à l’âme de leurs frères.
Quand notre Seigneur béni dit qu’il est impossible qu’il n’y ait pas de scandale, et qu’il dit ces paroles encore et encore à ses propres apôtres choisis, il ne peut pas vouloir dire qu’il y a une loi divine par laquelle le scandale doit être donné. Il veut dire que, compte tenu de l’état dans lequel les hommes vivent ensemble dans la société, et de la grande puissance de l’exemple, il est inévitable que les leçons que nous apprenons les uns des autres doivent souvent être des leçons de moindre bien ou de mal positif.
Et cette vérité est vraie universellement, même parmi les serviteurs de Dieu eux-mêmes, jusqu’au moment où vient toute possibilité de mal est écartée dans les foyers heureux de l’éternité. Heureux ceux qui marchent avec Dieu et avec l’homme de telle sorte que leur vie ait pu être une leçon continuelle d’édification ! Et notre Seigneur semble vouloir que nous nous aidions dans cette pratique en considérant les jugements sévères qui doivent être infligés à ceux qui sont d’une manière ou d’une autre les auteurs de la ruine spirituelle d’autrui, ou de l’injure de leur âme, même à un faible degré, comme s’il voulait nous faire comprendre qu’il serait vraiment très facile de faire cela, et qu’on exigerait de nous un compte très strict dans cette affaire.
S’il en est ainsi, il n’est pas difficile d’établir un lien entre l’avertissement de ne pas offenser les autres et celui de prendre garde en matière de pardon aux autres. Notre Seigneur nous a enseigné à prier, à nous pardonner nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Et c’est ainsi que la méthode naturelle pour annuler les dettes que nous contractons quotidiennement envers la justice de Dieu, c’est la pratique continuelle du pardon de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, contractent des dettes envers nous. Les hommes peuvent nous offenser même sans le vouloir ou sans le savoir, aussi bien que délibérément et consciemment, et nous avons, au cours d’une journée où nous nous sommes beaucoup mêlés à nos frères, une vingtaine d’occasions où ils deviennent d’une manière ou d’une autre nos débiteurs, ou dans lesquelles nous pouvons devenir débiteurs envers eux.
L’habitude du pardon perpétuel et prompt est donc la contrepartie naturelle de l’habitude d’offenser, consciemment ou inconsciemment, dont nous ne pouvons jamais espérer être parfaitement exempts. Car nous pouvons offenser aux yeux de Dieu et faire du mal à notre prochain, même par le silence, lorsqu’une parole était due de notre part pour défendre la vérité et le droit, et en nous abstenant ou en cachant une bonne action qui aurait pu sauver une âme faible de l’influence du mal tout autour d’elle.
C’est pourquoi la charité universelle dans la pensée, dans l’interprétation de ce qui est fait ou dit par nos frères, ainsi que le prompt pardon lorsqu’il y a eu un tort réel qui nous a été fait, est une sauvegarde très précieuse contre le danger que nous courons si constamment de leur faire du mal par notre exemple. Les paroles de notre Seigneur ne vont pas en elles-mêmes au-delà des occasions où il y a offense consciente et demande de pardon. Mais l’esprit qui anime la conduite qu’il prescrit dépassera certainement la stricte limite de ses paroles.