Comment Marie a uni à la fois la douleur parfaite
et la paix pendant la Passion
La douleur de Notre-Dame à la Passion n’était pas une douleur aveugle, mais une participation consciente à la volonté salvatrice de Dieu.
P. Henry James Coleridge S.J.
Notes de l’éditeur
Dans cette première partie, le P. Coleridge nous raconte...
Il nous montre que le chagrin de Marie n’était pas un chagrin aveugle, mais une participation consciente et volontaire à l’expiation.
L’intelligence de la Passion par la Vierge
Il existe un grand nombre de belles méditations et contemplations sur les douleurs de la Sainte Vierge pendant la Passion de Notre-Seigneur, dont beaucoup sont fondées sur diverses révélations de saints et d’autres personnes, qui ont pu avoir des communications surnaturelles sur ces grands sujets.
Il serait impossible, dans les limites de l’espace dont nous disposons, d’en donner un résumé qui soit dans beaucoup de cas extrêmement frappants. Il doit nous suffire de nous rappeler certaines grandes lignes qui, en tout cas, doivent être suivies dans nos considérations sur cette partie de l’histoire de la Sainte Mère. Lorsque nous avons établi certaines choses qui doivent toujours être retenues comme les fondements de la contemplation sur ce sujet divin, la manière dont les détails sont remplis peut être laissée beaucoup au caractère du contemplatif que nous pouvons suivre.
L’intelligence de la Sainte Vierge a été élevée, par les grâces qu’elle avait reçues en si grande abondance dès le tout début, et qui avaient été si continuellement enrichies pendant sa longue vie, à la fois par la générosité gratuite de Dieu et par ce qu’elle pouvait gagner par sa propre coopération la plus fidèle à celle-ci, à la compréhension la plus parfaite qui puisse exister dans un être créé de toutes les grandes vérités qui se trouvent au fondement de toute contemplation sérieuse sur la Passion de Notre-Seigneur.
C’est-à-dire qu’elle avait une intelligence très parfaite de la grandeur et de la majesté de Dieu, ainsi que des autres attributs qui étaient appelés à s’exercer dans le mystère de la Passion sacrée, de son ineffable sainteté, et des injures qui l’avaient accablée par les péchés de tout le monde, de son inexorable justice, qui exigeait une satisfaction digne de ces péchés, de la plénitude absolue de l’expiation qui devait être opérée par les souffrances de son Fils, et de l’amour infini de Dieu qui a fourni un remède si merveilleux, une rédemption si abondante aux outrages commis contre lui-même.
Restauration de toutes choses
De plus, c’était la volonté de Dieu, comme le dit saint Paul, de « rétablir toutes choses » en notre Seigneur, et donc les questions de ses souffrances ne devaient pas se limiter à la satisfaction due au péché seul. Ils devaient réparer les espaces vacants dans le ciel, ainsi que rénover la terre. Ils devaient guérir cette vie et nous assurer la suivante. Ils devaient manifester Dieu comme Il n’avait jamais été connu auparavant, ils devaient élever les hommes à un niveau plus élevé que celui qu’ils avaient perdu, ils devaient être le fondement d’un nouveau Royaume plus beau que tout ce qui aurait pu exister au Paradis. Ils devaient s’étendre à travers toute l’éternité et être ressentis dans toute la création de Dieu.
L’esprit de la Sainte Vierge a été élargi par la grâce de Dieu jusqu’à cette pleine compréhension de ces grandes vérités qui était possible chez n’importe qui en dehors de Dieu Lui-même. Il est naturel de penser qu’au-delà de tout et par-dessus tout, ses pensées s’arrêtaient et étaient absorbées par ces vérités de la majesté de Dieu, de Sa Sainteté outragée par le péché, de l’énormité de la culpabilité ainsi contractée, de l’immensité de la satisfaction et du prix à payer pour l’exiger, ainsi que de la bonté et de l’amour incompréhensibles qui fournissaient un tel remède et du système merveilleux, l’invention du Sacré-Cœur, dans lequel ce remède devait être emmagasiné pour le bénéfice d’innombrables générations.
Elle a su suivre pas à pas la sagesse et la miséricorde de Dieu, dans les moindres détails de la Passion, ainsi que son ineffable justice et sa haine intense du péché, ce qui ne l’a pas empêché de montrer un amour si merveilleux aux pécheurs.
Sa connaissance de l’humanité sacrée
À côté de ses pensées concernant Dieu viendrait sa connaissance la plus merveilleuse de notre Seigneur béni dans Son humanité sacrée, la dignité royale de Sa Personne, avec tous les trésors de connaissance, de puissance et de grâce qui y sont emmagasinés, la beauté et la valeur de Son âme et de Son corps, l’intensité des souffrances dont ils étaient capables, l’acuité de sa sensibilité à la douleur, qu’elle soit mentale, morale ou physique, la plénitude des tourments de toute espèce auxquels il s’est soumis sur l’ordre du Père, la déréliction absolue à laquelle il s’est soumis, toute la désolation et la défiguration qui s’abattaient alors sur sa sainte humanité à sa mort.
Elle pouvait comprendre la particularité minutieuse de ses souffrances ainsi que leur intense douleur, comment chacune était proportionnée aux péchés qu’il devait expier, qui, dans leur malignité et leur ineffable souillure, et dans leur outrage à Dieu et à la pureté et à la dignité de sa propre personne, étaient présents dans chaque douleur d’expiation, et formait la partie la plus amère de la douleur par laquelle leur culpabilité était punie. Et elle pouvait comprendre aussi comment, par le moyen de la Passion, les grâces, les beautés et la dignité de cette humanité sacrée devaient être communiquées aux hommes avec une générosité si abondante et une efficacité si puissante, qu’on aurait l’impression que les hommes auraient été plus mal lotis sans le péché qui avait été ainsi expié et ainsi réparé.
Sympathie avec le Seigneur
Nous pensons raisonnablement que Marie a eu dans la Passion ce grand privilège dont nous avons si souvent parlé à d’autres moments de sa vie, d’entrer dans les sentiments et les affections du Sacré-Cœur, et de partager ainsi ses douleurs. En effet, toute cette connaissance et cette intelligence ne servaient qu’à aiguiser l’épée avec laquelle son propre cœur était transpercé à chaque instant, à cause de sa tendresse incomparable et de la véhémence inimaginable de son amour pour lui, qui s’était enflé de la force puissante qu’il était lorsqu’elle l’avait conçu dans son sein, à une hauteur et une profondeur et une longueur et une largeur dont aucun cœur autre que le sien n’était capable, par les exercices continuels de l’amour incommensurable, donné et rendu, à chaque instant de sa vie comme son Fils et de sa vie comme sa Mère.
Même dans notre propre pauvre expérience, nous apprenons que les cœurs qui peuvent le plus souffrir sont ceux qui peuvent aimer le plus, et nous devons nous contenter de laisser indécrit et insondable cet amour de Marie pour son Fils, et de son Fils pour elle, qui a maintenant été fait par Dieu le grand instrument de la crucifixion de l’un et de l’autre. Il y a quelque chose dans la passion et l’excitation de la douleur humaine ordinaire qui émousse le tranchant de l’épée et atténue heureusement la douleur que son acuité cause. De plus, dans les grandes douleurs humaines, il y a souvent une insensibilité qui surgit et qui, pour un temps au moins, sauve la victime de tout ce qui pourrait être souffert autrement.
Mais dans les douleurs de Marie pour la Passion de Notre-Seigneur, il n’y avait ni excitation ni tristesse. L’épée perçait vivement, et il n’y avait pas de gaspillage de douleur, pas d’influence émoussante pour endormir la sensibilité de la souffrance.
La volonté de Dieu
Les pensées qui précèdent peuvent nous aider à voir que la Vierge a affronté la grande épreuve de la Passion avec l’œil de son âme fixé uniquement sur Dieu, dont la volonté s’accomplissait à travers tous.
La Passion était pour elle un grand acte judiciaire pour le châtiment du péché, d’où devait jaillir une magnificence dans l’élévation et l’enrichissement de ceux dont les péchés étaient châtiés, une gloire pour Dieu, un honneur, un triomphe et une joie pour le Rédempteur qui souffrait, telle que Dieu seul pouvait imaginer et réaliser. Sa pensée fut celle qui fut exprimée plus tard par les Apôtres, lorsqu’ils parlèrent de la coalition contre Notre-Seigneur de toutes les puissances du monde : « Hérode et Ponce Pilate, avec les nations et le peuple d’Israël, pour faire ce que ta main et ton conseil ont décrété de faire. »
Et nous pouvons penser que la même considération s’étendait à ses propres souffrances les plus amères, qui ont également été décrétées par la « main et le conseil » du Père, comme cela est impliqué dans les paroles par lesquelles saint Siméon lui avait parlé de l’épée qui devait transpercer son propre cœur.
Pitié intense pour les hommes
Dans une telle vue des circonstances de la Passion, il ne pouvait y avoir que peu de place pour une plainte indignée ou un ressentiment contre les agents humains qui accomplissaient la volonté de Dieu. Notre Seigneur les regardait tous avec la pitié et l’amour les plus intenses, et les pensées et les sentiments de Notre-Dame à leur sujet devaient refléter la compassion du Sacré-Cœur.
On dit que la douleur la plus amère de toute la Passion fut le désespoir et le suicide de Judas, parce qu’ils l’écarteraient irrévocablement du nombre de ceux qui pourraient encore profiter de la réconciliation que leur méchanceté avait contribué à réaliser par le sang versé sur le Calvaire. Tels seraient les sentiments avec lesquels Notre-Dame considérerait les chefs des prêtres, Pilate et Hérode, la foule hurlante, les faux témoins, les sauvages qui ont torturé Notre-Seigneur au-delà des exigences de la sentence qui lui a été infligée, tels que les soldats qui l’ont flagellé, puis l’ont couronné d’épines et se sont moqués de lui comme d’un prétendu roi.
La terrible douleur de son cœur ne laissait aucune place à la colère, et la netteté avec laquelle elle possédait la vérité du caractère expiatoire du Sacrifice, lui permettait d’envelopper facilement le plus déréglé des ennemis de Notre-Seigneur dans les plis de sa compassion maternelle.
Pas de confusion dans la Passion
C’est ainsi que les divers incidents de la Passion, qui nous semblent si étranges dans leur confusion, comme si toute la bande de ceux qui étaient impliqués dans la mort de Notre-Seigneur était devenue folle, ou avait été livrée aux mains des démons, étaient aux yeux de Marie revêtues du même caractère d’ordre et de succession rapide et harmonieuse que les incidents de la dernière soirée au Cénacle.
L’enfer s’est en effet déchaîné, et a accompli pleinement son dessein pernicieux, par les mains d’hommes qui ne savaient pas ce qu’ils faisaient, comme l’a dit notre Seigneur. Mais tout a été exactement arrangé par Dieu. Pas une seule explosion de méchanceté ou d’outrage à la sauvagerie qui n’ait été dûment pesée et permise par la justice du Père. Tout est tombé de sa main sur le Sacré-Cœur, et tout est tombé sur le cœur de cette très douloureuse Mère, comme le choix de sa volonté la plus adorable et la plus aimée, produisant ainsi sa propre gloire immense et sans pareille, l’honneur de son Fils et le salut de la race humaine.
Et c’est ainsi que nous comprenons qu’il n’est pas exagéré de dire que le cœur de la Vierge était si parfaitement uni à la volonté divine que, si cela avait été nécessaire pour son plein accomplissement, elle se serait aidée elle-même à élever son Fils sur la Croix.
Car personne d’autre que Notre-Seigneur ne s’est accroché avec plus de dévotion que Marie à cette volonté adorable, personne d’autre que lui n’y a vu une beauté plus parfaite, une sagesse plus merveilleuse, une compassion et une miséricorde infinies. Personne d’autre que lui n’a vu dans les péchés qui devaient être ainsi effacés une souillure plus mortelle et une dégradation plus répugnante de la créature faite à l’image de Dieu et destinée à sa possession dans l’au-delà. Personne d’autre que lui ne pouvait voir la valeur des grâces qui ont été acquises pour l’humanité par les souffrances de ces heures dans une lumière plus pleine et plus perçante.