Qu’est-ce qu’une « béatitude » ?

Nous les entendons lire à la Toussaint et à d’autres occasions – mais que sont censées être exactement les Béatitudes ?

 

P. Henry James Coleridge S.J.

Notes de l’éditeur

Dans cette partie, le P. Coleridge nous dit...

Coleridge nous montre que les Béatitudes révèlent le progrès intérieur de l’âme, de la guérison à la sainteté – de la grâce commencée à la gloire presque atteinte.

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Qu’est-ce qu’une « béatitude » ?

Nous pouvons comprendre la remarque de beaucoup d’auteurs chrétiens qui ont écrit sur ces béatitudes, que la bénédiction que le Seigneur affirme et décrète est double dans chaque cas, c’est-à-dire que la vertu elle-même est bénie, et qu’elle est encore bénie en ce qu’elle a la récompense, la couronne et le fruit qu’il lui attache. De sorte que si, par possibilité, ou pour un temps, les humbles n’héritaient pas (ou ne possédaient) pas la terre, ou si les personnes en deuil n’étaient pas consolées, ou si ceux qui ont faim et soif de justice n’étaient pas satisfaits, ils seraient néanmoins bénis parce qu’ils sont ce qu’ils sont.

Car chaque béatitude, distincte de la récompense dont elle est la condition et le fondement, est un aspect de l’âme parfaite reposant dans sa propre tranquillité et sa paix pures dans les bras de son Père et de Dieu, et comme un joyau merveilleux, flamboyant d’un éclat inhérent, peut être différent en teinte ou en forme selon que ses différents visages sont regardés, et comme la gemme est ce qu’elle est, même si elle n’a pas de monture riche, ni de couronne de roi, de même l’âme parfaite a toujours sa propre béatitude inhérente en elle-même, ou plutôt elle n’est jamais exclue de la vue de Celui qui doit être béni.

Nous voyons des théologiens spirituels, conformément à cette doctrine, attribuer la place la plus élevée de toutes dans l’échelle des états de l’âme à ces Béatitudes considérées comme telles.

Il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans les détails sur le système délicat qui repose sur l’arrangement, mais il est bon d’y faire allusion sous peu. Saint Bernardin de Sienne1 nous dit qu’il y a cinq degrés de grâce, par lesquels l’âme dans la vie présente est conduite à l’état de béatitude.

« La première est la grâce sacramentelle, la seconde est la vertu, la troisième est les dons de l’Esprit Saint, la quatrième les fruits de celle-ci, et la cinquième les béatitudes. »

La grâce sacramentelle guérit l’âme. Les sacrements sont les remèdes contre les vices, et ainsi leur grâce fait disparaître la maladie. Les vertus donnent aux facultés le pouvoir de bien agir. Il considère ces cinq principes comme des causes de « purgation », et c’est pourquoi il dit que les vertus éliminent la faiblesse de l’âme, lui donnant la force d’agir.

Nous avons déjà dit que les vertus produisent de bonnes actions du genre ordinaire et de la manière ordinaire, selon la raison, naturelle ou surnaturelle. Les dons de l’Esprit-Saint éliminent toute difficulté à faire le bien, permettant à l’âme de travailler avec facilité et rapidité : ils sont aussi, comme nous l’avons déjà dit, les principes des actes héroïques de vertu, et des actes auxquels on pourrait ne pas penser ou qui pourraient ne pas être prudents par des motifs ordinaires, mais qui sont suggérés et rendus possibles et faciles par les dons du Saint-Esprit.

Les fruits ajoutent la couronne de joie et de satisfaction aux bonnes œuvres de l’une ou l’autre espèce, et dans leur caractère « purgatif », ils éliminent toute lassitude, fatigue ou sentiment d’effort dans de telles œuvres. Plus hautes que toutes sont les Béatitudes, « l’état et la perfection d’une âme déjà entièrement purifiée ».

Il donne la définition de la « béatitude » : « Une grâce connue de celui qui est vraiment sage, qui tend à produire la douceur de la conscience, et qui est déjà proche des frontières de la gloire. »

C’est une sorte de grâce, parce qu’elle suppose les habitudes des vertus et les dons inspirés par la charité et la grâce, pour faire supporter à l’homme les adversités avec droiture, facilité et joie, entreprendre des choses difficiles et accomplir les œuvres de perfection et de surérogation. C’est une sorte de grâce connue des vrais sages, parce qu’elle semble tout à fait étrangère aux opinions de la sagesse humaine.

Définition de saint Bernardin

Toutes les Béatitudes, selon l’opinion du monde, ont la misère pour compagne ou pour prédécesseur. Il cite saint Bernard, qui dit : « Qu’y a-t-il de si caché, alors que la pauvreté est bénie ? »

Et dans saint Matthieu, notre Seigneur dit : « Je te confesse, Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents. »2 c’est-à-dire de ce monde.

Car ces choses ne peuvent être parfaitement connues que si l’on a eu une certaine expérience et un certain goût de Dieu. D’autre part, la définition parle de « douceur » de conscience, parce qu’une béatitude est la perfection d’une âme déjà purifiée, et elle préserve l’esprit de tout remords et de tout reproche de conscience, et le dispose ainsi à une vie douce et heureuse.

Et enfin, on ajoute que la grâce des Béatitudes est déjà, pour ainsi dire, aux frontières de la gloire, car c’est après tout la béatitude des hommes encore en état de pèlerinage, qui ne sont pas encore arrivés dans leur maison et dans leur pays, qu’elle rend bienheureux dans l’espérance, et en un certain sens bénis en fait aussi, parce qu’elle leur donne une certaine proximité et une certaine facilité d’approche de Dieu.

Principes de sainteté

Cela doit suffire pour la perfection de l’état de l’âme dans lequel les Béatitudes résident dans leur stade le plus élevé. Il est tout de suite évident que les saints écrivains qui en parlent de cette manière presque technique ont à l’esprit une condition générique de sainteté consommée, que l’on pourrait concevoir d’autres habitudes vertueuses de l’âme aussi bien que de ces excellences particulières que Notre-Seigneur déclare bienheureuses.

Notre affaire actuelle concerne plutôt les Béatitudes comme principes de sainteté, et de lignes, pour ainsi dire, de perfection, qui peuvent admettre de nombreux degrés entre ce degré de vertu qui est obligatoire pour tous sous peine de péché, et la haute et belle sérénité qui appartient à l’état de l’âme sur laquelle nous avons habité.

Il y a donc des actes de pauvreté d’esprit ou de pureté de cœur qui sont essentiels à l’état de grâce lui-même, et qui peuvent être produits en vertu des sacrements. Il peut y avoir d’autres actes qui exigent l’habitude de la vertu, et d’autres qui sont plus extraordinaires et qui peuvent être le résultat des dons du Saint-Esprit ; d’autres qui peuvent montrer l’influence de ses fruits, et d’autres qui peuvent appartenir à la béatitude pleine et parfaite.