Comment la Visitation a-t-elle complété le mystère de l’Annonciation ?
Par le dessein de Dieu, la Visitation devient à la fois un signe et un témoignage solennel de ce que saint Gabriel avait prédit à Notre-Dame.
P. Henry James Coleridge S.J.
Paroles de sainte Elisabeth
Toutes ces preuves de l’effet merveilleux qui suivit la salutation de Notre-Dame sont contenues dans les quelques mots où l’évangéliste raconte ce qui se passa alors.
« Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit, et elle poussa un cri fort et dit :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et béni est le fruit de tes entrailles ! Et d’où me vient-il, que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car voici, dès que la voix de ta salutation a retenti à mes oreilles, l’enfant dans mon sein a tressailli de joie.
« Béni sois-tu, toi qui as cru, parce que s’accompliront les choses qui t’ont été dites par le Seigneur. »
Le grand cri de cette vénérable sainte doit être compris comme l’effet de la grande ferveur d’esprit avec laquelle elle parlait.
Elle parlait sous l’impulsion immédiate du Saint-Esprit, et la révélation des merveilleux mystères de l’Incarnation n’aurait pas pu précéder ses paroles de bien des secondes.
La salutation de Marie avait probablement été douce et modeste, à voix basse, et sainte Élisabeth est si fortement touchée par l’Esprit Saint qu’elle ne peut se contenir. « Bénie entre toutes les femmes ! »
Ces paroles sont, comme on l’a dit, les dernières paroles de la salutation de Gabriel et les premières des siennes. Ils contiennent dans sa bouche tout ce qu’ils contenaient dans la sienne. Elle ajoute les autres mots : « Béni soit le fruit de tes entrailles », montrant qu’elle connaissait l’accomplissement du mystère dont l’Ange avait parlé comme étant à venir.
Marie et le fruit de ses entrailles sont bénis au plus haut degré et dans la plus grande mesure. Mais Il est la source de toute bénédiction, Il ne peut être autrement que le plus béni, parce qu’Il est le Dieu Incarné. Marie, dans toute sa béatitude, reçoit de sa plénitude en cela comme en tous les autres.
C’est en ce sens que les Pères disent que la béatitude de celle-ci est la cause de la première, bien que la béatitude de Marie soit vraiment et parfaitement telle. Les paroles suivantes de sainte Élisabeth semblent la reconnaissance naturelle de sa part de la grande faveur et de l’honneur que lui avait faits la visite de sa cousine. « D’où cela me vient-il ? » Quel mérite y a-t-il en moi que, alors que je devrais la servir et lui rendre hommage, la Mère de mon Seigneur vienne à moi ?
Puis elle poursuit en déclarant, non pas exactement comment elle a su ce qui s’est passé, mais l’effet merveilleux, en elle-même et en son Enfant, qui a résulté de la salutation de Marie.
Saut de l’enfant dans son ventre
La raison et la cause de la connaissance de sainte Élisabeth sur l’Incarnation ne pouvait pas être le saut dans son sein de l’enfant à naître.
La raison de sa connaissance était qu’elle était remplie du Saint-Esprit, et surtout dans le but qu’elle était témoin de Marie, et jusqu’à présent en quelque sorte sa compagne, dans l’accomplissement des desseins de Dieu. Le saut de son Enfant dans le sein maternel était pour elle une preuve du changement qui avait été opéré en lui et en sa faveur, par la présence du Dieu non né et la voix de sa Sainte Mère.
C’est en ce sens que nous pouvons comprendre le lien entre les paroles de sainte Élisabeth. Elle savait que le fruit du sein de Marie était le plus béni, parce qu’il manifestait à ce moment-là sa puissance spirituelle, telle qu’elle est présente en Marie, par la sanctification de son Précurseur.
Ainsi, l’allégresse de l’Enfant dans son sein était une preuve de la présence du Dieu incarné dans le sein de Marie, et non seulement de sa présence, mais de l’exercice actif par lui de cette puissance de sanctification qui n’appartenait et ne pouvait appartenir qu’à lui.
Car elle comprit par l’éclairage de l’Esprit Saint, comme nous l’avons dit, que le tressaillement de son Enfant n’était rien moins qu’une manifestation de sa pleine intelligence du mystère de l’Incarnation, et de sa joie et de sa reconnaissance pour la merveilleuse part qu’il avait lui-même reçue alors et là des bénédictions spirituelles dont ce mystère de la condescendance divine était chargé.
La béatitude de Marie
C’est peut-être la raison pour laquelle sainte Élisabeth parle pour la première fois du saut de son enfant dans son sein.
C’était une preuve des effets merveilleux sur son âme de la présence de son Seigneur. Il est devenu le prophète du Très-Haut, comme son père l’a chanté plus tard dans le Benedictus, et maintenant, comme certains Pères aiment à le dire, il a anticipé sa fonction et a déclaré de manière surnaturelle la présence de son Seigneur.
Sainte Élisabeth parle tout de suite de la béatitude de Marie. Elle n’est pas seulement la bienheureuse entre les femmes, comme ayant été choisie de toute éternité pour être la Mère de Dieu, comme ayant été, après son divin Fils, le grand sujet de la prophétie et du type, comme ayant été mise au monde de la manière merveilleuse et avec les merveilleux privilèges qui appartiennent à sa grande vocation, mais aussi parce qu’elle a correspondu très fidèlement et très parfaitement, dans le temps de son épreuve, aux desseins de Dieu, et qu’elle a ainsi obtenu l’exécution des promesses divines qui lui avaient été faites au moment de cette mise à l’épreuve par la bouche de l’Ange.
C’est le sens de la dernière phrase de la salutation de sainte Elisabeth :
« Heureux toi qui as cru, parce que s’accompliront les choses qui t’ont été dites par le Seigneur. »
Cela nous montre que sainte Élisabeth, comme on l’a dit, était à cette époque divinement éclairée sur ce qui s’était passé entre l’Ange et la Sainte Vierge, et qu’elle est maintenant chargée de lui donner de la part de Dieu une assurance supplémentaire que les grandes promesses s’accompliront. Son Fils doit être le Fils du Très-Haut. Il doit lui avoir donné par Dieu le trône de son père David.
« Il doit régner éternellement dans la maison de Jacob, et il n’y aura pas de fin à son royaume. »
Ce sont les choses qui ont ensuite été dites à Notre-Dame par le Seigneur. Car les choses encore plus merveilleuses qui formaient la dernière partie du message de Gabriel, que le Saint-Esprit viendrait sur elle et que la puissance du Très-Haut la couvrirait de son ombre, et que le Saint qui devait naître d’elle serait le Fils de Dieu, avaient déjà eu leur accomplissement et n’étaient plus futures, et la bénédiction qu’ils lui ont communiquée ne pourra jamais être rappelée.
Lien entre les mystères de l’Incarnation et de la Visitation
Cette prophétie de sainte Élisabeth nous montre le lien très étroit entre les deux mystères de l’Incarnation et de la Visitation.
On peut dire, en un certain sens, que le premier mystère est incomplet sans le second. Ce n’est pas qu’il pût être ajouté à la vérité et à la plénitude de l’Incarnation par un certain nombre de mystères ultérieurs, mais les conseils divins ont exigé que la relation entre ces deux mystères soit établie par la confirmation du premier par les circonstances du second.
Nous avons vu que les dernières paroles de saint Gabriel à l’Annonciation se rapportaient à la conception du Précurseur dans le sein de sainte Élisabeth, et qu’elles impliquaient, bien que non pas par voie d’ordre direct, que c’était la volonté de Dieu que Marie entreprenne immédiatement le voyage qui se terminait par la Visitation.
Car c’était la règle dans la révélation de tout mystère le plus sublime qu’on y ajoutât quelque chose en guise de confirmation ou de signe de la vérité qui avait été révélée, même s’il n’y avait pas précisément besoin, dans l’âme du saint à qui la révélation avait été faite, d’une telle confirmation dans le but d’assurer sa foi dans la révélation elle-même.
De même, l’accomplissement du signe donné par cette confirmation fait partie du conseil divin dans ces cas, et c’est cette plénitude qui est ajoutée par la Visitation.
Confirmation de la foi
Il est inutile d’insister sur le fait qu’il est clair que la foi de Marie aurait été la même si elle n’était jamais allée rendre visite à sa cousine, et si, lorsqu’elle était avec elle, elle n’avait pas reçu ce magnifique témoignage de la vérité du message de l’Ange.
Sa foi aurait été la même, dans sa perfection essentielle, mais on ne peut supposer que les circonstances de la Visitation n’aient pas envoyé une lueur de joie dans le cœur de Marie, rendant sa foi elle-même pleine de son propre rayonnement.
Rien ne peut être ajouté au bonheur essentiel des saints, et pourtant ils peuvent recevoir un supplément de joie lorsqu’ils sont spécialement honorés dans l’Église sur la terre. En ce sens, Marie elle-même pourrait être confirmée par ces nouveaux prodiges.
Leur effet naturel était que tous ceux qui les connaissaient devaient être ainsi confirmés. Et dans le déroulement des mystères divins au regard des anges et des hommes, il est facile de voir combien s’ajoute à la splendeur de l’Incarnation la Visitation.
La Visitation donna à Dieu l’occasion de déclarer, par une série de merveilles de la plus haute espèce, que ce qu’il avait promis à Marie par la bouche de Gabriel avait déjà été accompli jusqu’à l’incarnation de son Fils, et qu’il le serait encore, en temps voulu, par l’exaltation de l’Enfant de Marie.
Il se peut qu’il y ait eu d’autres desseins de Dieu dans cet arrangement de sa Providence. C’était peut-être une partie de la préparation de saint Joseph, et de la pleine consommation de la foi de saint Zacharie, que tout cela devait avoir lieu, même si la foi de Notre-Dame elle-même était au-delà et au-dessus de toutes ces confirmations.
Et le lien étroit entre les deux mystères peut être encore vu dans le fait que ce n’est qu’après la Visitation que Notre-Dame éclate dans son grand cantique d’action de grâces, dont nous commencerons à parler dans le chapitre suivant.