Judas a-t-il reçu la Sainte Communion ?
Et a-t-il été ordonné prêtre ?

 

Les implications de cette question sont importantes, car si Judas est parti avant que le Christ ne dise : « Fais ceci », a-t-il jamais été prêtre ou évêque ?

P. Henry James Coleridge S.J.

Notes : Il nous montre que le Seigneur a agi avec miséricorde et précision, renvoyant Judas devant ce très saint mystère.

Un corollaire important de cela est que, si Coleridge a raison, alors Judas n’a jamais été prêtre. Le Concile de Trente enseigne ce qui suit, tant dans le chapitre que dans le canon :

il offrit son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin à Dieu le Père, et, sous les mêmes signes, il les donna à manger aux disciples (qu’il établit alors comme prêtres de la Nouvelle Alliance) et leur ordonna, ainsi qu’à leurs successeurs dans le sacerdoce, d’offrir en disant : « Faites ceci en mémoire de moi », etc., comme l’Église catholique l’a toujours compris et enseigné. (DH 1740)

Can. 2. Si quelqu’un dit que, par ces paroles : « Faites ceci en mémoire de moi », le Christ n’a pas établi les apôtres comme prêtres, ou qu’il n’a pas ordonné qu’eux et d’autres prêtres offraient son corps et son sang, qu’il soit anathème. (DH 1752)

Si c’est le cas, cela aurait des implications pour certains des arguments qui établissent des parallèles entre Judas et les évêques méchants vus dans l’histoire de l’Église.

Cela semble être une question ouverte dans l’Église, sur laquelle les catholiques peuvent prendre des positions différentes. Qu’en pensez-vous ?


L’opinion largement répandue sur la communion de Judas

L’opinion que Judas a reçu la sainte communion des mains de notre Seigneur béni, avec les autres apôtres, la nuit du jeudi saint, a été si commune dans l’Église et est soutenue par l’autorité de tant de grands noms, que, bien qu’on ne puisse pas dire qu’elle soit universelle ou générale, il peut cependant sembler convenable qu’on dise quelque chose des raisons qui nous incitent à nous en écarter dans le présent ouvrage, qui ne prétend en général pas traiter, même brièvement, de controverses de ce genre, qu’en mentionnant en passant ce qui peut paraître nécessaire sur de tels sujets pour l’information du lecteur, sans toutefois examiner en détail les autorités et les arguments de l’autre côté.

Ce n’est pas notre but de le faire ici. Mais il peut être utile d’expliquer les raisons sur lesquelles l’opinion dont nous parlons a apparemment été fondée, en dehors de la question de l’autorité de tel ou tel grand écrivain.

La séquence des événements

La question, s’il faut l’examiner ainsi, est très simple.

Il est vrai qu’une étude attentive de l’Harmonie des Évangiles, correctement conduite, conduit à croire que Judas a quitté le Cénacle, comme nous l’apprend saint Jean, avant ou après l’institution du Saint-Sacrement. L’incident dont nous nous référons est placé là où il est dans notre récit, par la raison même qu’il nous semble qu’il s’est passé sans doute avant cette institution, et parce que le récit de saint Jean exige que le départ de Judas au Cénacle ait été immédiatement consécutif à ce qu’il a reçu de la main de Notre-Seigneur le morceau en question.

Tout le récit auquel il appartient est continu : le lavement des pieds, la remarque sur le traître, la déclaration de notre Seigneur qu’il devrait être l’un des Douze, la confusion et la perplexité qui s’ensuivirent parmi eux, l’interrogation de notre Seigneur par eux un par un : « Seigneur, est-ce moi ? » puis la question posée par saint Jean à la demande de saint Pierre, la réponse de Notre-Seigneur, et le don du morceau à Judas, avec l’instruction : « Ce que tu oses, fais-le vite ! » et sa sortie, tout cela tient ensemble, de sorte qu’il semble qu’il n’y ait pas de rupture entre les incidents du premier au dernier.

De plus, le lavement des pieds a toujours été considéré comme un incident survenu tôt dans la soirée, et comme ayant été destiné, en partie du moins, à une préparation des âmes des apôtres pour le prochain banquet du Saint-Sacrement. Il est donc pour le moins incommode de supposer que le Saint-Sacrement a été institué avant le début du lavage.

L’institution de l’Eucharistie et le silence des Évangiles

Nous sommes obligés de parler de la date de cette institution comme n’étant fixée par aucune déclaration positive de l’un des évangélistes, pour une raison qui a souvent été mentionnée dans ces pages.

Cette raison en est que le seul des quatre qui donne un compte rendu détaillé et consécutif des événements de cette soirée, ne mentionne pas parmi eux l’institution elle-même, bien qu’il soit évident qu’il y fait allusion plus d’une fois, et qu’il l’a à l’esprit comme au moins l’un des incidents les plus importants de la soirée. Car il avait déjà été mentionné par trois autres évangélistes, et c’est en effet l’un des très rares incidents qu’ils mentionnent.

En ce qui concerne Judas, les autres évangélistes ne disent rien de sa présence ou de son absence en relation avec l’institution, et, si nous n’avions que leurs récits devant nous, nous pourrions même conclure que Judas est allé avec notre Seigneur et les autres apôtres au jardin de Gethsémani.

L’invraisemblance de l’opinion et pourquoi elle s’est répandue

Il est inutile de dire, ce qui a une incidence importante sur l’opinion dont nous parlons, qu’il n’y a pas la moindre trace chez les évangélistes de la supposition, qui est presque nécessaire si cette opinion est vraie, que Judas a reçu le Saint-Sacrement à l’écart du reste des apôtres, à un moment où ils étaient engagés dans une conversation animée sur la question de savoir qui devait être le traître... la réponse à cette question étant fournie secrètement à saint Jean par notre Seigneur par son action en communiquant avec Judas.

Il est loin d’être probable que l’opinion dont nous parlons eût prévalu autant dans l’Église, par le seul silence des trois premiers évangélistes que par l’éloignement de Judas de la compagnie de Notre-Seigneur. Il a dû laisser le reste à un certain moment, et à un intervalle avant la consommation de sa trahison, assez longtemps pour donner le temps de prendre les dispositions nécessaires à la collecte de la grande bande avec laquelle il se rendit ensuite au Jardin.

Nous devrions naturellement accorder une place considérable à cela, mais les évangélistes sont absolument silencieux sur la question. Saint Jean, cependant, vient ici, comme il le fait ailleurs, pour combler le vide de nos informations, et il nous raconte l’incident de la question qu’il a posée à la demande de saint Pierre à nos bienheureux : « Seigneur : Seigneur, qui est-ce ? » et la réponse de notre Seigneur que c’était à lui qu’il allait lui-même « atteindre le pain trempé ».

Saint Jean continue, comme nous le savons, en nous disant qu’il a fait cela, apparemment immédiatement, en trempant un morceau de pain dans du bouillon et en le donnant à Judas, en disant : « Ce que tu oses, fais-le vite », et il nous dit en outre que Judas ayant reçu le morceau, Satan est entré en lui, et qu’il est sorti immédiatement. L’opinion dont nous parlons sur la communion de Judas semble être fondée sur cet incident, et il serait presque impossible d’énumérer les prédicateurs et les écrivains qui ont appliqué le texte de cette manière, surtout dans les sermons sur le sujet des mauvaises communions, les paroles semblant fournir une illustration si appropriée de la misère et de la méchanceté de telles profanations.

Si ce passage n’existait pas dans le texte de saint Jean, il est tout à fait possible que Judas ait été cité par certains comme un exemple d’une telle profanation, mais son cas n’aurait peut-être pas été aussi visible ou n’aurait pas semblé être si clairement présenté à nous dans l’Écriture Sainte. On aurait déduit du silence des évangélistes qu’il avait quitté le Cénacle avant les autres. C’est le fait qu’on nous dit qu’après le morceau, Satan est entré en lui, qui fait de lui l’exemple souvent cité d’une communion sacrilège.

Mal interpréter le contexte de saint Jean

Mais si nous examinons le texte de saint Jean, nous trouverons que c’est un exemple de l’erreur que l’on commet parfois en oubliant le contexte dans lequel se trouve une certaine déclaration.

Il est clair qu’ici saint Jean a soin, comme il l’a toujours fait, de mentionner un détail précieux en lui-même, qu’il a trouvé omis dans les histoires de la Passion qui avaient précédé la sienne. Aucun de ceux qui l’avaient précédé n’avait dit comment et quand Judas avait été séparé des autres apôtres, bien que ce fût une question qui demandait évidemment une explication.

Il devait être assez tôt dans la nuit, car les préparatifs pour l’arrestation de notre Seigneur ont dû prendre un certain temps, et si Judas avait été absent après que notre Seigneur eut prononcé sa prédiction que l’un des Douze devait le trahir, cela aurait immédiatement donné l’alarme aux autres. à moins que Notre-Seigneur n’ait pris la charitable précaution de le renvoyer de la manière qu’il a fait, afin de ne pas causer de soupçons.

C’est donc un ajout très nécessaire et précieux à l’histoire, qui nous explique ce qui serait autrement inexplicable, et qui nous dit, entre autres choses, que Judas a été envoyé de la manière que nous connaissons, et que c’était à un moment de la nuit où il était naturel pour les apôtres de penser qu’il avait quelque affaire à traiter et beaucoup de temps pour le faire. Il ne pouvait donc pas être très tard.

Pourquoi le morceau n’aurait pas pu être le Saint-Sacrement

De plus, on peut remarquer que tout le récit de saint Jean semble interdire entièrement la supposition que ce que Notre-Seigneur a donné à Judas était le Saint-Sacrement.

S’il en avait été ainsi, il aurait été tout à fait déplacé dans l’histoire de saint Jean, qui, dans un but déterminé, omet tout compte de l’institution et de la célébration de la sainte Eucharistie, après quoi, si Judas avait été présent, il aurait communiqué à son tour avec les autres. D’après cette supposition, saint Jean a dû omettre complètement la communion des autres apôtres et mentionner celle de Judas.

De plus, le sopa ou morceau qui a été donné à Judas l’a été exprès pour le distinguer des autres. Notre Seigneur a fait ce qu’Il a fait dans ce but spécial. Comment aurait-il été possible de distinguer l’un des Douze des autres en lui donnant ce qui a été donné à tous également et, comme il est naturel de le supposer, en même temps ? Le Saint-Sacrement a été donné à Pierre, à Jean et à tous les autres. Comment Notre-Seigneur a-t-il pu dire que le traître devait être connu en le lui donnant ?

Le texte de saint Jean avait peut-être l’intention d’exclure l’erreur 

La vérité semble plus susceptible d’être dans l’autre sens. Les autres évangélistes n’avaient pas résolu la question qui pouvait être posée sur la communion ou la non-communion du traître, sauf qu’ils n’avaient pas mentionné quand il avait quitté la compagnie, bien qu’ils insinuent qu’il avait dû la quitter.

Saint Jean a peut-être eu de nombreuses raisons, sous la direction du Saint-Esprit, pour l’ajouter à l’histoire qui nous occupe. L’une d’entre elles a probablement été d’exclure directement l’opinion dont nous discutons. Peut-être a-t-il clairement souhaité que l’Église sache, non seulement que Judas a quitté le Cénacle, mais qu’il l’a quitté avant l’institution de la Sainte Eucharistie.

Et il se peut qu’il ait mentionné l’incident de la soupe ou du morceau donné à Judas par notre Seigneur expressément dans le but d’exclure l’erreur qu’il ait eu quelque chose à voir avec le Saint-Sacrement, en insistant sur toutes les circonstances des faits qui excluent si directement la supposition.

Où nous dit-on que notre Seigneur a administré le Saint-Sacrement de Son Corps et de Son Sang en utilisant un soppet ou un morceau trempé dans n’importe quel autre plat ? Où nous dit-on que c’était au milieu de la conversation sur la trahison, sans forme ni cérémonie pour indiquer le caractère sacré du rite ? Enfin, où nous dit-on que notre Seigneur béni, en parlant du Saint-Sacrement, en aurait parlé comme d’un « morceau de pain trempé » ?

Les circonstances que saint Jean a ajoutées à propos de cet incident sont certainement telles qu’il est très difficile d’y voir une administration de la sainte communion.

Incohérence des autres points de vue

De plus, comme il est clair que ce qui a été donné à Judas ne l’a pas été en même temps aux autres, il a dû, si c’était le Saint-Sacrement, lui avoir été donné avant la communion générale de tous, ou après.

Si c’était après, alors Judas a dû être communiqué deux fois par notre Seigneur.

Si c’était le cas, nous devons supposer que, sans dire ce qu’il faisait, notre Seigneur béni a donné le Saint-Sacrement au traître, sans avertissement, sans préparation et apparemment comme une marque de simple amitié.

Il est clair que notre Seigneur a lavé les pieds des disciples avec une sorte de solennité et de cérémonial grave, comme il convenait à la signification sacrée du rite. La donnée de la sainte communion à un apôtre, ou à tout le groupe des apôtres, aurait sûrement, il faut le penser, été faite d’une manière au moins aussi solennelle que la Lavanda, et c’était la première fois que quelqu’un la recevait.

Est-il concevable qu’en donnant au traître, même comme dernier moyen de le rappeler à son devoir, le Saint-Sacrement de son Corps et de Son Sang, Notre-Seigneur le fasse sans aucune cérémonie ou rituel qui puisse émouvoir son cœur et exciter sa vénération ?