Pourquoi la prière du pharisien n’a pas été exaucée

 

Un pharisien orgueilleux et un humble publicain montent au Temple, mais un seul rentre chez lui justifié. Le père Coleridge explique pourquoi la prière du pharisien n’a pas plu à Dieu.

P. Henry James Coleridge S.J.

Notes de l’éditeur

Le 10e dimanche après la Pentecôte, l’Église lit la parabole du pharisien et du publicain de Notre-Seigneur.

Le Christ raconte la parabole pendant son dernier voyage vers Jérusalem, après d’autres paraboles sur la prière (par exemple, le juge injuste et la veuve), et avant sa rencontre avec le jeune dirigeant riche.

Il offre un avertissement contre l’orgueil et une révélation de la véritable attitude envers Dieu que nous devrions adopter dans la prière. La prière du publicain est, de manière célèbre, utilisée par les chrétiens de rite byzantin dans « La prière de Jésus » :

Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur.

Coleridge suggère également que Notre Seigneur racontait un événement réel, plutôt qu’une simple histoire.

Dans cette première partie, en plus de mentionner le lien entre cette parabole et les sacrifices du Temple, Coleridge traite de la prière du pharisien – les prochaines traite de la prière du publicain, et une liste de dispositions nécessaires pour les catholiques.

Le pharisien et le publicain

Objet de la « parabole » — Probablement une « anecdote » vraie

Saint Luc joint maintenant une autre parabole, à laquelle il fixe aussi, comme à la dernière, l’intention particulière avec laquelle le Seigneur l’a délivrée.

« Et à ceux qui se confiaient en eux-mêmes et méprisaient les autres, il dit aussi cette parabole. »

Il ne semble pas qu’il veuille nous faire comprendre que le Seigneur s’adressait aux personnes qui sont décrites comme ayant confiance en elles-mêmes et méprisant les autres. La parabole s’adressait à eux et les concernait, et sans la remarque d’ouverture de l’évangéliste, nous pourrions l’ignorer. Mais il n’est pas nécessaire de penser que les disciples, à qui le discours semble avoir été adressé, devaient être ainsi caractérisés, bien qu’il y en ait peut-être eu parmi les disciples de notre Seigneur à qui cette description s’appliquerait.

Et en effet, il n’y a jamais de moment où des avertissements tels que ceux contenus dans la parabole, et dans les paroles de notre Seigneur à la fin, peuvent être inopportuns.

Il est probable, d’ailleurs, qu’il s’agit d’une histoire vraie. Il n’y a rien dans les circonstances de l’époque qui rende cela improbable, et les dernières paroles : « Je vous le dis, cet homme est descendu dans sa maison justifié plutôt que l’autre », semblent venir de Lui en tant que Juge de tout, Lecteur des secrets des cœurs, et cela rend plus probable qu’il s’agissait d’un incident réel.

Les mots expliqués

« Et à quelques-uns, ou à propos d’autres, qui se fiaient en eux-mêmes comme justes et méprisaient les autres, il a aussi dit cette parabole. Deux hommes montèrent dans le Temple pour prier, l’un pharisien, l’autre publicain. Le pharisien debout priait ainsi en lui-même : Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, des extorqueurs, des injustes, des adultères, comme l’est aussi ce publicain. Je jeûne deux fois dans la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède.

« Et le publicain, qui se tenait à l’écart, ne levait pas les yeux vers le ciel, mais il frappait sa poitrine en disant : Ô Dieu, aie pitié de moi, pécheur. Je vous le dis, c’est cet homme qui est descendu justifié plutôt que l’autre qui est descendu, parce que tout homme qui s’élève sera humilié, et que celui qui s’humilie sera élevé.

Le texte grec suggère quelques explications qui peuvent rendre le sens plus clair.

On dit que le pharisien se tenait debout et priait avec lui-même. Mais il semble plutôt qu’il faille dire qu’il se tenait seul et qu’il priait. Se tenir debout était l’attitude habituelle de prière, et ce qui était remarquable dans son action, c’est qu’il a pris une place à part, probablement une place bien en vue, mais certainement une place à part du reste des fidèles.

De plus, les mots : « Je donne la dîme de tout ce que je possède » pourraient donner l’idée d’une offrande d’un dixième de ses biens, tandis que les mots signifient « tout ce que j’acquiers », c’est-à-dire une dîme de ses revenus.

Une autre chose qu’il vaut mieux expliquer est que les paroles qui sont rendues par « Dieu, aie pitié de moi comme pécheur » sont plus proprement « Dieu, sois miséricordieux envers moi le pécheur ». Le mot « miséricordieux » est le mot rituel et sacrificiel, et implique l’expiation en vertu d’un sacrifice, et le mot pécheur a devant lui l’article défini.

Ainsi, il nous est rappelé que les heures de prière dans le Temple étaient les heures où le sacrifice ou l’encens était offert, ce qui, pour les Juifs dévots, serait une supplication pour la propitiation en vertu du grand Sacrifice de notre Seigneur.

La prière du pharisien

Nous devons maintenant examiner la prière du pharisien, et voir ce qu’elle contient qui justifie la condamnation de notre Seigneur.

Notre-Seigneur ne le condamne pas entièrement, ni même absolument, mais il nous fait comprendre qu’il n’a en rien contribué à la justification de celui qui l’a fait. Ce qu’il dit contre cela, c’est que c’était la prière d’un homme qui s’est élevé lui-même, et il fait consister son inefficacité en cela. Mais nous pouvons être sûrs qu’il aurait pu signaler beaucoup de défauts positifs en plus de ce manque de contrition, d’humilité et de révérence, qui lui aurait donné un pouvoir justificateur.

Il est à peine nécessaire de dire, en premier lieu, qu’il n’y avait pas de faute chez le pharisien parce qu’il jeûnait deux fois dans la semaine, ou qu’il donnait la dîme de tout ce qui lui revenait. C’étaient de bonnes œuvres, et il ne faut pas supposer que le pharisien se les ait attribuées à tort. Et si c’étaient de bonnes œuvres, il n’y aurait pas de mal à en remercier Dieu, car tout bien vient de lui et est le fruit de sa grâce, s’il y a une véritable reconnaissance envers lui et si elles ne nous sont pas attribuées à nous-mêmes.

Salmeron nous dit que c’était...

‘… ici que le pharisien s’est égaré, et que ses paroles montrent qu’il attribuait ses bonnes œuvres à quelque chose de particulièrement bon en lui-même, par lequel il était meilleur que les autres hommes, comme récompense de ses propres mérites d’une manière particulière et singulière.

Et en vérité, on peut se demander si quelqu’un qui était conscient de sa propre dépendance totale de Dieu, de son propre néant en tant que créature, de sa propre tendance à gâcher tout ce qu’il a reçu de Dieu, de sa propre capacité à pécher plus vicieusement que le pire des pécheurs, se serait laissé aller à sa description méprisante des autres comme des extorqueurs, injustes, adultères, et encore moins dans son mauvais jugement du pauvre publicain devant lui.

Ses défauts

Il y a aussi d’autres défauts à noter dans sa prière.

Il ne demande pas pardon pour les péchés dont il s’est rendu coupable, car il n’en connaît aucun. Il ne reconnaît pas qu’il peut avoir beaucoup de péchés inconnus, ou qu’il a scandalisé les autres. Les saints de Dieu aiment à s’imputer les péchés des autres, mais il n’y a rien de cela ici.

Il ne demande aucune continuation de grâce pour l’empêcher de tomber pour l’avenir, en effet, il ne fait aucune prière pour la grâce, comme quelqu’un qui n’en a pas besoin, ni d’aucun accroissement de lumière ou de vertu, car il ne se croit pas capable de s’améliorer. Les péchés des autres ne sont pas des avertissements pour lui, ils ne font qu’augmenter son autosatisfaction. Il ne les compatit même pas.

Et il inflige une condamnation sévère et injustifiée au publicain, dont il n’aurait pas pu connaître la conscience.

Ce sont de graves fautes en tout temps et en tout lieu. Mais ils ont été commis par lui alors qu’il se tenait en prière dans la maison de Dieu, où il aurait dû être plein de révérence, d’humilité, d’abaissement de soi et, par-dessus tout, de charité.