Madonne de la Miséricorde,

une prière qui fait de l’art

Piero della Francesca, Politicien de la Miséricorde,Sansepolcro - Musée civique

Toute peinture ou fresque représentant Notre-Dame de la Miséricorde traduit l’une des plus anciennes compositions poétiques liturgiques, le Sub tuum praesidium. C’est aussi pour le Politicien de la Miséricorde de Piero della Francesca qu’une Madone iératique et imposante protège son peuple, au centre duquel il y a aussi place à notre regard personnel où nous pouvons nous sentir aussi enveloppés dans le manteau protecteur de la Vierge.

"Sous votre protection, nous cherchons refuge, Sainte Mère de Dieu", Sub tuum praesidium

 

Toute peinture, fresque ou relief plastique représentant Notre-Dame de la Miséricorde, quelle que soit son époque, semble traduire visuellement l'une des plus anciennes compositions poétiques liturgiques, le Sub tuum praesidium, une invocation mariale datant du troisième siècle qui témoigne de la coutume primitive du peuple chrétien de se confier à la protection de Marie.

Il existe cependant des sources historiques et dévotionnelles nombreuses et variées qui ont contribué à la naissance et à la diffusion de l'iconographie de la Vierge au manteau, dans l'étreinte de laquelle il était et est possible pour chacun de se réfugier. La Vierge elle-même, qui est apparue en vision à Sainte Brigitte, lui a dit : "Je suis appelée Mère de Miséricorde par tous. (...) J'ai été rendu miséricordieux par la miséricorde de mon Fils et avec lui compatissant. Viens donc, ma fille, et cache-toi sous mon manteau."

La version de Piero della Francesca de ce thème est très célèbre lorsque, à partir de 1445, sur commande de la confrérie du même nom de Sansepolcro, sa ville natale, il crée le Polyptyque de la Miséricorde pour le maître-autel de leur église. L'œuvre monumentale, qui se compose de vingt-trois compartiments, a été démembrée au cours du XVIIe siècle : le cadre original a été perdu, heureusement tous les panneaux ont été conservés, aujourd'hui au Musée civique. Le panneau de la Madonna della Misericordia, entouré de saints répartis sur différents registres et la prédelle avec les récits de la Passion, est le cœur de toute la composition.

Hiératique et imposante, Maria se détache sur le fond doré du tableau, héritage de la tradition picturale du gothique tardif qui accentue ici le caractère sacré de la figure dont les formes plastiques suivent, au contraire, l'exemple moderne de Masaccio. Innovantes sont également l'illusion d'un espace unifié, que le peintre suggère par la délimitation de certains détails dans les panneaux latéraux, et la grande profondeur de perspective, créée par l'hémicycle des spectateurs agenouillés et les bras ouverts de Maria.

La Vierge, en position strictement frontale, est beaucoup plus grande que les autres personnages. Elle est la reine du ciel, sa tête entourée d'une couronne et d'un halo, en équilibre sur l'ovale parfait de son visage, caractéristique stylistique indéniable de l'artiste. Son geste est ferme, décisif, à sa manière puissante : elle accueille en son sein, une figure de l'Église, des hommes et des femmes qui affluent vers elle pour trouver refuge. Une lumière surnaturelle dorée les enveloppe tous, une dimension que le regard solennel et concentré de Marie semble confirmer.

Son étreinte maternelle est donc le moyen par lequel la rencontre entre le divin et l'humain est possible. Si nous observons les adorateurs, nous reconnaissons en fait des physionomies individuelles, pas du tout génériques : ce sont des hommes et des femmes de l'époque, et peut-être aussi du lieu où le polyptyque a été peint, qui représentent ici le peuple de Dieu tout entier, sans distinction de sexe, de classe ou d'âge. Leurs différentes postures laissent une ouverture au centre : c'est notre point d'observation, occupant ce qui dans ce manteau nous donne aussi l'impression d'être enveloppés.