Le 24 octobre Saint Raphaël, archange

Sermon de saint Bonaventure, évêque (5° sermon sur les SS. Anges, n° 2. Texte latin: Opera omnia 9 [1901], 625-626 ; trad. sans nom d’auteur, éd. Desclée de Brouwer, 1924)

Le nom de Raphaël veut dire médecine de Dieu. Et nous devons remarquer qu’on peut être retiré du mal par trois bienfaits que saint Raphaël nous accorde quand il nous guérit. D’abord Raphaël, le médecin [céleste], nous arrache à l’infirmité spirituelle en nous amenant à l’amertume salutaire de la contrition, à laquelle se rapporte ce que Raphaël dit à Tobie: « Dès que tu seras entré dans ta maison, oins ses yeux avec du fiel. » Il le fit et son père recouvra la vue. Pourquoi ne dut-ce point être Raphaël lui-même qui fît cette onction ? Parce qu’un Ange ne donne point la componction; son rôle est d’en montrer la voie. En ce fiel nous voyons donc l’image de l’amertume de la contrition, laquelle rend sains les yeux intérieurs de l’âme; un psaume nous dit : « Il guérit ceux qui sont contrits de cœur » (Ps 146, 3). Cette contrition est un collyre excellent. Au deuxième chapitre du livre des Juges, il est raconté que l’Ange monta auprès de ceux qui versaient des larmes et dit au peuple : « Je vous ai retirés de la terre d’Égypte ; j’ai accompli pour vous tant et tant de choses bonnes, et tout le peuple pleura de telle sorte que ce lieu fut appelé le lieu de ceux qui pleurent » (Jg 2, 1). Mes très chers, les Anges nous parlent tout le long du jour des bienfaits de Dieu et nous les remettent en mémoire: Ils semblent nous dire : « Qui t’a créé ? Qui t’a racheté ? Qu’as-tu fait ? Qui as-tu offensé ? » Or, si nous nous arrêtons à considérer ce qui en est, nous ne trouverons d’autre remède que de pleurer.

Secondement, [saint] Raphaël nous arrache à la servitude du diable quand il fait pénétrer en nous le souvenir de la passion du Christ en figure de laquelle il est dit au sixième chapitre de Tobie : « Si tu mets une parcelle de son cœur sur des charbons ardents, la fumée qui s’en dégagera mettra en fuite la race des démons » (Tob 2, 8). En effet, Raphaël relégua le démon dans un désert de la haute Égypte. Qu’est ceci ? Raphaël n’aurait pu éloigner le démon s’il n’avait mis le cœur sur des charbons ardents ? Est-ce le cœur d’un poisson qui donnait à l’Ange tant de pouvoir ? Nullement. Il serait demeuré sans aucune vertu s’il n’y avait eu ici un mystère. Par ce fait il nous est donné à entendre que rien aujourd’hui ne nous délivre de la servitude du diable comme la passion du Christ, et que cette passion procède de son cœur comme d’une racine, c’est-à-dire qu’elle est le fruit de son amour. Le cœur est en effet la source de toute notre chaleur vitale. Si donc tu mets le Cœur du Christ, c’est-à-dire la passion qu’il a soufferte et dont la racine est la charité, la source son ardeur, si tu mets ce Cœur divin sur des charbons en le rappelant à ta mémoire et que ton âme s’enflamme, aussitôt le démon sera éloigné, de sorte qu’il ne pourra te nuire.


Troisièmement l’Archange Raphaël nous délivre de la peine de nous trouver en opposition avec Dieu, peine que nous encourons en offensant ce Dieu; il nous en délivre quand il nous amène à prier avec instance; et à ceci je rapporte ce que l’Ange Raphaël dit à Tobie au douzième chapitre : « Quand tu priais avec larmes, moi j’ai offert ton oraison au Seigneur » (Tob 12, 12). Les Anges nous réconcilient avec Dieu, dans la mesure où ils le peuvent. Nos accusateurs devant Dieu, ce sont les démons. Quant aux Anges, ils nous excusent, lorsqu’ils offrent nos prières, ces prières qu’ils nous ont porté à faire dévotement. On lit au huitième chapitre de l’Apocalypse : « La fumée des parfums s’éleva de la main de l’Ange en présence du Seigneur » (Ap 8, 4). Ces parfums se consumant suavement sont les prières des Saints. Veux-tu plaire au Dieu que tu as offensé ? Prie dévotement. Ils offrent à Dieu ta prière pour te réconcilier avec lui. Il est dit en saint Luc que le Christ étant tombé en agonie priait plus instamment et qu’un Ange de Dieu lui apparut le fortifiant (cf. Lc 3, 43-44). Tout cela s’est accompli en notre faveur, car le Sauveur n’avait point besoin d’être fortifié par un messager céleste ; mais il en a été ainsi pour montrer que les Anges assistent volontiers ceux qui prient avec piété et volontiers les aident; ils les fortifient et offrent leurs oraisons à Dieu.

 XXVIe dimanche du Temps ordinaire

(année C)

 Évangile : Lc 16,19-31  


Les attributs de l’ange Raphaël

La liturgie de ce dimanche, dans la forme extraordinaire, célèbre l’archange saint Michel ; la forme ordinaire gardant ici la préséance au temporal, elle célèbre le 26e dimanche du temps ordinaire. 

La « Dédicace de saint Michel » (29 septembre) ne fête pas seulement le prince de l’armée céleste, mais lui associe également les deux autres archanges nommés dans l’Écriture : Gabriel et Raphaël. Ayant évoqué ici même, l’an dernier, la figure de saint Michel, l’on s’attardera aujourd’hui sur celle de saint Raphaël. Le nom de ce messager céleste signifie « Dieu a guéri ». Engagé par Tobie comme guide sous le nom d’Azarias, il le conduit en Médie récupérer une somme d’argent. Toutefois, il ne révèle pas tout de suite sa véritable identité. Le mystérieux messager sauve son protégé de l’attaque d’un poisson gigantesque, lui fait épouser sa parente et guérit son père de la cécité. À la fin de sa mission, il dit qui il est : « Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent toujours en présence de Dieu » (Tb 12, 15). 

Dans un sermon lu en la fête de saint Raphaël (f. extra, 24 octobre), saint Bonaventure (= 1274) attribue trois actions à cet archange. D’abord, il « nous arrache à l’infirmité spirituelle en nous amenant à l’amertume salutaire de la contrition ». Ainsi le docteur interprète-t-il la guérison de la cécité du père de Tobie. Il conclut : « les Anges (…) semblent nous dire : “Qui t’a créé ? Qui t’a racheté ? Qu’as-tu fait ? Qui as-tu offensé ?” Or, si nous nous arrêtons à considérer ce qui en est, nous ne trouverons d’autre remède que de pleurer. » Sa mission est encore de « nous arrache[r] à la servitude du diable quand il fait pénétrer en nous le souvenir de la passion du Christ » figurée par la combustion du cœur du poisson dont la fumée chasse les démons (Tb 6). Enfin, il « nous délivre de la peine de nous trouver en opposition avec Dieu, peine que nous encourons en offensant ce Dieu ; il nous en délivre quand il nous amène à prier avec instance ». En effet, l’archange a dit à Tobie : « Quand tu priais avec larmes, j’ai offert ton oraison au Seigneur » (Tb 12, 12). « Nos accusateurs devant Dieu, ajoute Bonaventure, ce sont les démons. Quant aux anges, ils nous excusent, lorsqu’ils offrent nos prières, ces prières qu’ils nous ont porté à faire dévotement » (5e sermon sur les anges).

Dans la forme ordinaire, on proclame la parabole de Lazare et du mauvais riche (Lc 16, 19-31). Dans son explication, saint Grégoire le Grand (= 604) voit dans le mauvais riche le peuple juif et en Lazare le peuple des nations. En effet, le premier « se servait de la connaissance de la Loi non pour exercer la charité, mais pour s’élever à ses propres yeux » (40e homélie sur les Évangiles) alors que le second, « lorsqu’il se convertit à Dieu, ne rougit pas de confesser ses péchés et son mal vint ainsi à l’extérieur, comme l’humeur, attirée à la peau par une blessure, sort de la chair. » Le grand Pape demande alors : « Qu’est-ce donc que confesser ses péchés, sinon ouvrir en quelque sorte ses plaies ? » Quant aux chiens qui léchaient ces plaies, ce sont les prédicateurs, car « les saints docteurs, en nous instruisant pour la confession de nos péchés, touchent comme avec leur langue les blessures de notre âme ».

Que cherche-t-on en se confessant, sinon la miséricorde de Dieu ? Or, l’oraison de ce dimanche en parle magnifiquement : « Dieu, toi qui révèles surtout ta toute-puissance en pardonnant et en faisant miséricorde, répands inlassablement en nous ta grâce pour que, nous hâtant vers tes promesses, nous devenions participants des biens célestes » (trad. dom Hala). 

Source - L'Homme nouveau