Notre-Dame et le Rosaire,

l’arme pour gagner chaque bataille

Parmi les chefs-d'œuvre de Lorenzo Lotto, on considère le retable monumental de la "Madonna del Rosario" que le maître vénitien a réalisé, au sommet de sa maturité artistique, pour l'église de San Domenico à Cingoli. La Vierge, couverte d'un manteau bleu et avec l'Enfant à genoux, est au centre d'une composition pyramidale. Saint Jean, devant le trône, montre Jésus, suggérant que nous regardons le Christ par Marie.

 

"O Auguste, reine des victoires, O Vierge souveraine du Paradis..." (de la Supplication à la Sainte Vierge du Rosaire de Pompéi)

Elle remonte à 1475, date de la création de la première confrérie du Rosaire connue : une confrérie, d'abord établie dans la zone germanique, dont le but était de promouvoir cette formule de prière née lorsque la Vierge, miraculeusement apparue, donna à Dominique de Guzmán la sainte couronne comme arme pour vaincre l'hérésie. L'iconographie de Notre-Dame du Rosaire est donc relativement récente. Dès le début du XVIe siècle, favorisée par la Contre-Réforme, elle s'est répandue en Italie, contribuant à la création d'admirables œuvres d'art.

C'est précisément d'une confrérie qu'en 1537 Lorenzo Lotto reçut la commande du retable pour l'église de San Domenico in Cingoli, dans celle de Macerata. Le tableau, avec ses dimensions monumentales, est considéré comme l'un des chefs-d'œuvre du maître vénitien qui l'a réalisé à près de soixante ans, au sommet de sa maturité artistique.

La Vierge est recouverte d'un manteau d'un bleu intense, couleur spirituelle par excellence, et avec l'Enfant à genoux, elle est au centre d'une composition pyramidale complexe à la base de laquelle les saints présents l'entourent comme dans une Sainte Conversation. Un élégant tissu rouge ajoute une touche de dignité royale au simple banc sur lequel elle est assise : Marie est Reine et devant elle s'agenouille saint Dominique, qui reçoit le Saint Rosaire en cadeau, et saint Exuperanzio, patron de Cingoli, qui se penche vers le petit Jésus pour confier la ville dont il est l'évêque à son Fils et à sa Mère.

Ils ne sont pas les seuls : à côté d'eux, à différents niveaux, se trouvent Marie Madeleine et Sainte Catherine, Saint Pierre le Martyr - reconnaissable au couperet planté dans son crâne, instrument de son martyre et attribut iconographique - et Saint Vincent Ferrer qui, l'index levé, dirige notre regard vers le pylône du bas, sur lequel s'élève une roseraie imposante mais particulière. Sertis comme des pierres précieuses, ou comme autant de bourgeons, quinze médaillons reprennent les thèmes contemplés par les dizaines de la couronne, se mêlant aux roses, symbole de la virginité et de la pureté de Marie.

Les mystères joyeux, douloureux et glorieux, à lire de gauche à droite et de bas en haut, sont offerts à la méditation des fidèles à travers un tableau qui, tout en se référant à des estampes populaires, enrichit les différents épisodes de détails de composition originaux et de solutions chromatiques raffinées, démontrant l'habileté de l'artiste, auteur, ici, d'un genre particulier d'arbre de vie.

Saint Jean, devant le trône, montre Jésus, suggérant de regarder le Christ par Marie en l'honneur de laquelle un petit putto éparpille joyeusement des pétales de rose d'un panier en osier : ce faisant, il crée un rayon coloré qui, rompant la bidimensionnalité de la toile, semble nous atteindre nous aussi, pour nous impliquer dans la représentation sacrée.