CRÉATION DES CONFRÉRIES

DE LA CHARITÉ : LE COUP DE GÉNIE

DE SAINT VINCENT DE PAUL

Moderne, innovante, la première Fondation de Saint-Vincent-de-Paul met en marche des femmes chrétiennes laïques. 400 ans plus tard, son règlement et son mouvement n’ont rien perdu de sa modernité et de son dynamisme.

Né le 24 avril 1581 au village de Pouy (Landes), à cinq kilomètres de Dax, Vincent est le troisième enfant d’une famille d’agriculteurs, propriétaire de sa maison et des champs. Il a trois frères et deux sœurs. Très jeune, il garde porcs et moutons car son père, Jean, handicapé, ne peut subvenir seul aux besoins des siens. Elève au collège des Cordeliers à Dax, Vincent reçoit la tonsure en 1597. Il étudie ensuite la théologie pendant sept ans à l’université de Toulouse. Il est ordonné prêtre le 23 septembre 1600 par l’évêque de Périgueux.

Le dimanche 20 août 1617, monsieur Vincent (1581-1660)
 se prépare pour la messe à la sacristie de l’église de Châtillon-les-Dombes (aujourd’hui Châtillon-sur-Chalaronne dans le département de l’Ain), dont il est le curé depuis peu, lorsqu’on vient lui parler d’une famille des faubourgs qui vit dans une extrême pauvreté à cause d’une maladie qui empêche les parents de travailler.

Monsieur Vincent est ému
 et, à la place du sermon prévu, il entretient ses paroissiens sur l’impossibilité pour des chrétiens de laisser sans secours des personnes de leur entourage.

Après le déjeuner, toujours bouleversé par le sort de cette famille,
 monsieur Vincent décide de lui rendre visite. Surprise ! Sur le chemin, il y a « comme une procession de femmes », les unes allant les autres revenant, toutes chargées de paniers et de sacs.

« Voilà une grande charité, mais elle n’est pas bien réglée »


La table de la pauvre maison n’a jamais vu autant de pots et de terrines…
 les enfants non plus ! Monsieur Vincent est perplexe. La famille risque désormais l’indigestion aujourd’hui et l’intoxication alimentaire demain, sans compter la famine les jours suivants. « Voilà une grande charité, mais elle n’est pas bien réglée », s’exclame-t-il. « Les pauvres ont plus manqué d’organisation dans la charité que de personnes charitables à les secourir. » Ce sont des femmes qu’il a rencontrées hier, elles qui, traditionnellement, sont chargées de la nourriture et soignent les malades de leur famille. Deux jours plus tard est créée la première confrérie de la Charité.

« Ce jourd’hui vingt troisième d’août mil six cent dix-sept,
 les dames sous nommées se sont charitablement associées pour assister les pauvres malades de la présente ville de Châtillon, chacune à leur tour ayant d’un commun accord résolu entre elles qu’une d’elle prendra le soin un jour entier de tous ceux qu’elles auront avisés par ensemble avoir besoin d’aide. »

Vincent de Paul connait bien les hommes (et les femmes).
 Au début, dans l’enthousiasme, tout fonctionnera bien mais « il est à craindre qu’ayant commencé ce bon œuvre, il ne dépérisse dans peu de temps si pour le maintenir elles n’ont quelques unions et liaisons spirituelles ensemble ».

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C’est pourquoi il propose aux paroissiennes de créer une confrérie
 dont il écrit immédiatement le règlement, qui unit la prière à l’action. Il met la nouvelle confrérie sous la protection de la Vierge car : « Pour ce que la Mère de Dieu étant invoquée et prise pour patronne aux choses d’importance, il ne se peut que tout n’aille bien et ne rebonde à la gloire de Jésus son fils. Les dites dames la prennent pour patronne et protectrice de l’œuvre et la supplient très humblement d’en prendre un soin spécial. »

C’est ce même règlement très peu modifié qui organise toujours la vie des 2000 équipières
 de la Fédération des équipes Saint-Vincent en France et des 150 000 dans le monde (AIC : Association Internationale des Charités). Depuis la fondation des confréries de la charité par saint Vincent en aout 1617, les femmes n’ont pas cessé de répondre à son appel. Dans la discrétion, dans des accueils de proximité, elles ont, depuis 400 ans, fidèlement accompagné toutes celles et tous ceux qui en avaient besoin.

En 1971, les confréries de la charité en France ont pris le nom d’équipes Saint-Vincent.
 Réparties en 90 équipes sur toute la France, elles accompagnent par des actions de proximité des personnes en difficulté : en 2015, 2000 bénévoles ont ainsi accueilli 159 000 personnes dont 34 500 ont fait l’objet d’un accompagnement régulier. 71% des personnes en précarité étant des femmes, l’action est plus particulièrement orientée vers les femmes et les familles.

Monsieur Vincent rend son âme à Dieu le 27 septembre 1660.
 Le lendemain, il est inhumé dans l’église Saint-Lazare, au faubourg Saint-Denis. Béatifié en 1729 puis canonisé en 1737, saint Vincent de Paul a été le frère des plus humbles comme des plus riches. Ami de et conseiller des femmes de la cour, Anne d’Autriche comprise, il fréquente sa vie durant travailleurs, vagabonds et galériens. La maison familiale a été aménagée en musée où l’on conserve le crucifix du saint et ses chaussures offertes par la reine Anne d’Autriche.

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Le premier règlement de la confrérie, rédigé par saint Vincent de Paul (résumé).
1. Les personnes qui s’uniront ensemble pour soulager les pauvres malades se proposeront Jésus-Christ comme modèle.
2. On n’admettra à cet emploi de charité que des femmes et des filles dont la vertu et la sagesse soient reconnues.
3. Pour établir l’ordre et une juste subordination entre ces différentes personnes, elles éliront, sous les yeux du curé de la paroisse, une supérieure et deux assistantes. La supérieure veillera à l’observation du règlement.
4. La première assistante, qui sera en même temps la trésorière, gardera l’argent de la confrérie dans un coffre à deux serrures, dont elle aura une clé et la supérieure l’autre.
5. La seconde assistante, dont la supérieure prendra aussi les conseils, sera chargée de garder et d’entretenir le linge et les meubles qui seront destinés aux malades.
6. Outre ces trois officières, la confrérie élira pour procureur un homme pieux et affectionné au bien des pauvres, et qui puisse faire son capital de leurs intérêts.
7. Les servantes des pauvres s’assembleront tous les troisièmes Dimanches de chaque mois, elles se confesseront et communieront ce jour-là, s’il est possible.
8. Les officières ne pourront être en place que deux ans. Ce terme expiré, elles rendront leurs comptes en présence du curé. Ce sera le Lundi après la Pentecôte qu’on procèdera à une nouvelle élection.
9. Les besoins spirituels des malades seront encore plus l’objet du zèle de la confrérie que leurs besoins temporels.
10. Les sœurs de la confrérie serviront tour à tour les malades pendant un jour seulement. La supérieure commencera, ses assistantes continueront et après elles chacune des autres.Petit aperçu de la vie de saint Vincent de Paul.

En 1610, Monsieur Vincent est nommé aumônier de Marguerite de Valois
 (la « reine Margot, + 1615). Il découvre les cercles du pouvoir. Mais il continue de plus bel à se dévouer pour les pauvres. Il devient curé de la paroisse Saint-Sauveur-Saint-Médard à Clichy avant de devenir précepteur des enfants de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères du roi : il s’implique personnellement dans l’évangélisation et le secours des condamnés et accède en 1619 au rang d’aumônier général des galères.

Dès lors, son apostolat devient exceptionnel.
 En 1625, avec l’aide de madame de Gondi, il crée la Congrégation de la Mission - les fameux Lazaristes - pour aider les démunis des campagnes. En 1633, il fonde la « Garde des Pauvres », noyau de la Compagnie des Filles de Charité, dirigée par sainte Louise de Marillac (1591-1660).

Cinq ans plus tard, saint Vincent ouvre un hôpital des « Enfants Trouvés »
 afin d’accueillir les orphelins abandonnés, établissement placé en 1670 sous la responsabilité du Parlement de Paris.
Le 14 mai 1643, Louis XIII meurt dans ses bras. Sa veuve, Anne d’Autriche, le nomme au Conseil de Conscience, chargé des questions ecclésiastiques en France. Puis il fonde un nouvel hospice destiné aux personnes âgées et pauvres : La Salpêtrière (1657).

En 1817, les Lazaristes s’installent rue de Sèvres (Paris 6e) où son corps est exposé dans la chapelle.
 En 1830, ses reliques sont placées dans une châsse en argent, à l’exception de son cœur, conservé dans un reliquaire dans la chapelle de la Médaille Miraculeuse, 140, rue du Bac. Au musée de l’Assistance Publique de Paris (quai de la Tournelle, Paris 5e), on peut se recueillir devant sa chasuble.

Source - NOTRE HISTOIRE AVEC MARIE