SAINTE MARIE DE L’INCARNATION, « LA SAINTE THÉRÈSE DU NOUVEAU MONDE »

 

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Statue de la Sainte-Marie-de-l'Incarnation, fondatrice de l'ordre des ursulines au Canada, devant le couvent de 1641, Québec. / © Shutterstock, Anne Richard..

 

La fondatrice des ursulines de Québec, une congrégation de religieuses enseignantes, est née à Tours en 1599. Malgré son attirance pour la vie religieuse à la suite d’un songe mystique, quand elle avait sept ans, Marie Guyart se marie, conformément au désir de ses parents. Un fils, Claude, voit le jour en 1619, qui entrera chez les bénédictins et sera son premier biographe. Les occupations quotidiennes de la jeune femme, après le décès de son mari, à la fin de l’année 1619, sont aussi mystiques que matérielles : sa vie spirituelle, rythmée par des révélations divines, est très forte ; c’est aussi une femme pratique qui prend en main la petite fabrique en faillite de son mari défunt, puis l’entreprise de transport de son beau-frère et de sa sœur. Ce double talent se vérifiera en Nouvelle-France, où elle s’installe en 1639. Elle est alors religieuse depuis neuf ans. Elle fonde à Québec le premier couvent des ursulines en Amérique du Nord et se dédie à l’enseignement des jeunes filles autochtones et des jeunes filles françaises de la colonie. Elle meurt le 30 avril 1672. Jean-Paul II l’élève au rang de bienheureuse le 20 juin 1980 et le pape François la canonise le 3 avril 2014.

 

LES RAISONS D'Y CROIRE :

SYNTHÈSE :

C’est à Tours, le 28 octobre 1599, que naît Marie Guyart, dans une famille honnête et peu fortunée. Ses parents lui donnent une éducation pieuse et vertueuse : la vertu de foi et le bon pli donné ainsi à son âme constituent pour elle « le bon fonds » (Cl. Martin, ibid., p. 12-13), qui la disposera plus tard à la plus haute contemplation mystique. Cette dernière grâce commence ostensiblement vers l’âge de sept ans : Jésus-Christ lui apparaît et lui parle. Après l’avoir embrassé, il lui demande : « Voulez-vous être à moi ? » Détail significatif de l’aptitude de l’enfant à la contemplation mystique, qui est un acte de l’esprit et non des sens, elle dira se souvenir très bien des paroles du Christ, mais plus du tout de sa forme corporelle. Or, les paroles sont plus proches de l’intelligence que les images. Ce germe de vocation exclusive se concrétise vers l’âge de quatorze ans : Marie se sent attirée par la vie du cloître des bénédictines de Beaumont.

Mais ses parents l’invitent plutôt à se marier. Aussi Marie épouse-t-elle en 1617 un fabricant de soieries, Claude-Joseph Martin. Ce dernier meurt en 1620, lui laissant des dettes, une fabrique en faillite et un fils : Claude (1619 – 1696), qui entrera chez les bénédictins réformés de la congrégation de Saint-Maur. Se remarier, selon le conseil de ses parents, serait sage. Mais Marie, depuis une confession sacramentelle du 24 mars 1620, veut se consacrer à Jésus-Christ.

Elle doit cependant subvenir aux besoins de son fils. Aussi rejoint-elle, sur leur invitation, sa sœur et son beau-frère : ils lui proposent de travailler avec eux dans leur petite entreprise de transport fluvial. Ses talents d’organisation sont récompensés : elle se voit confier la direction de l’entreprise familiale en 1625. Pourtant, c’est pour le Christ qu’elle veut dépenser ses forces, et elle prononce des vœux privés, anticipant l’état religieux auquel elle aspire. Elle entre chez les ursulines de Tours le 25 janvier 1631, après avoir confié son fils à sa sœur. Sœur Marie de l’Incarnation, selon le nom qu’elle reçoit, prononce ses vœux deux ans plus tard.

Au cours d’un songe, elle entrevoit un pays inconnu : dans un des paysages aperçus, la sainte Vierge tenant l’Enfant Jésus est présente. L’identité de ce pays lui est révélée quelques jours plus tard dans une locution intérieure : c’est le Canada. Aussi se procure-t-elle les Relations des Jésuites (rapports missionnaires) pour tâcher de mieux le connaître. Elle comprend que le Christ l’y appelle, selon la vocation de sa communauté, pour le faire aimer aux jeunes filles qui y habitent. Comment réaliser ce projet qui, matériellement comme moralement, est une gageure ? Elle est dénuée de tous moyens matériels mais fermement disposée à laisser Jésus-Christ agir en se servant d’elle. Aussis’abandonne-t-elle à la Providence divine. L’appui de Jean de Bernières et de Marie-Madeleine de La Peltrie, avec laquelle elle s’embarque en 1639, lui permet d’y parvenir. Deux autres ursulines et une servante de madame de La Peltrie les accompagnent.

Les ursulines s’installent dans la basse ville de Québec. La petite congrégation dirigée par la mère Marie de l’Incarnation se tourne d’abord vers les jeunes filles autochtones, mais les efforts des religieuses ne sont pas couronnés de succès. Elles se dévouent aussi auprès des jeunes filles françaises de la colonie. À la fin de l’année 1642, le monastère qu’elles ont construit dans la ville haute est prêt à les recevoir. Les constitutions adaptées à la vie de la colonie sont rédigées avec le concours du père Lalemant en 1646. Mais, quatre ans plus tard, un incendie dû à une négligence détruit le bâtiment. Dans une lettre à son fils Claude, mère Marie bénit son « doux Seigneur » dans cette épreuve. Les ursulines sont accueillies par madame de La Peltrie, en attendant que les travaux engagés pour la reconstruction soient achevés. La petite communauté reçoit des novices, et la première religieuse ursuline née à Québec, Anne Bourdon, qui a reçu le nom de sœur Anne de Sainte-Agnès, y fait ses vœux en 1660.

Mère Marie de l’Incarnation quitte ce monde le 30 avril 1672, à soixante-douze ans, à la suite d’une maladie. Madame de La Peltrie l’a précédée à la fin de l’année précédente. D’abord inhumée au cimetière du monastère, la dépouille de la fondatrice est honorée depuis 1968 dans l’ancienne chapelle Sainte-Angèle. Déclarée vénérable par le pape Pie X en 1911, elle est béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1980. Son culte liturgique est étendu à l’Église universelle par le décret de canonisation équipollente du pape François le 3 avril 2014.

Docteur en philosophie, Vincent-Marie Thomas est prêtre - 1000 raisons d'y croire