histoire

1906

SAINTE ÉLISABETH PLONGE AU CŒUR DE LA TRINITÉ ET NOUS ENTRAÎNE À SA SUITE

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Canonisée le 16 octobre 2016 par le pape François, Élisabeth de la Trinité entre au Carmel de Dijon (Côte-d’Or) à l’âge de 21 ans. Le 21 novembre 1904, fête de la Présentation de Marie, elle écrit sa célèbre prière, comme une offrande totale d’elle-même à la Trinité. Consumée par la maladie d’Addison, elle meurt le 9 novembre 1906.

Enfance. Élisabeth Catez est née le 18 juillet 1880 à Farges-en-Septaine (Cher), peu avant le déménagement de ses parents pour Dijon. Orpheline de père à l’âge de sept ans, elle grandit dans un foyer chaleureux auprès de sa sœur Guite (Marguerite) de deux ans plus jeune qu’elle, et de sa mère. Le trio est profondément uni et très ouvert : réceptions mondaines, visites, et chaque année, de grandes vacances dans le Sud, le Jura ou en Lorraine. Le 19 avril 1891, elle fait sa première communion à l’église Saint-Michel, et reçoit la grâce de se sentir habitée par le Christ. 

Une célèbre prière. En ce soir du 21 novembre 1904 au Carmel de Dijon, Sœur Élisabeth de la Trinité termine sa retraite, toute prise par une grâce qu’elle ne révèlera à personne. Seule dans sa cellule, elle prend un petit carnet et déchire une page. Poussée par l’expérience très forte et toute intérieure qu’elle vient de vivre, elle se met à écrire : « Ô mon Dieu, Trinité que j’adore… ». Aujourd’hui, celui qui lit cette prière se trouve devant une évidence : Élisabeth vit de la présence de Dieu en elle, une présence vivante, agissante, aimante. Une présence qui déborde sur cette page trop petite pour contenir tout ce qui se passe dans l’âme de la jeune moniale qui n’a plus que deux ans à vivre, et qui, sans le vouloir, va laisser ce soir-là au monde le secret qui a fait de sa vie « un ciel anticipé ». 

La victoire de Dieu.
 Les premières années de la future sainte avaient pourtant donné quelques soucis. Fille d’officier, tempérament impérieux, colérique, la petite Sabeth était alors un vrai volcan, « très diable » diront sa mère et tous ceux qui l’approchaient ! Longuement, elle a lutté sans grand succès pour vaincre son « terrible caractère ». Il faudra attendre ses 11 ans pour que l’amour de Dieu remporte la pleine victoire : au jour de sa première communion, tant désirée, la présence de Jésus, son amour et sa paix ont envahi son cœur. La sous-prieure du Carmel, qu’elle rencontre en ce jour, lui révèle le sens de son prénom : « Élisabeth, maison de Dieu. » Dès lors, sa vie est transformée : la violence qui l’habite n’a pas disparu mais elle est canalisée, orientée et elle n’a plus qu’un désir : rendre heureux son Dieu en rendant heureux tous ceux qui l’entourent. 

La mélodie de la vie. Premier prix de piano au conservatoire à 13 ans, Élisabeth aurait pu devenir une pianiste renommée. L’interprète virtuose de Liszt et de Chopin ne se laisse pourtant pas griser par les louanges dont elle est l’objet, de la part de ses amies bien sûr, mais aussi des journaux et des grands noms du piano de l’époque. Une autre musique, une autre voix résonne plus fort dans son cœur, celle de Jésus à qui elle se consacre sans réserve et à qui elle brûle de se donner en entrant au Carmel. L’opposition farouche de sa mère à ce projet la fera grandir dans l’obéissance, la confiance et l’abandon. En attendant de pouvoir réaliser son rêve, elle poursuit sa route en vivant la vie des jeunes filles de son milieu : sorties mondaines, mais aussi vie paroissiale fervente, chorale, service des pauvres, retraites… Elle aime passionnément ses amis et les grands voyages qu’elle entreprend chaque année à travers toute la France. La musique silencieuse qui l’habite de cesse pas pour autant et rayonne sur tous ceux qui l’entourent et pressentent qu’Élisabeth n’est pas « comme les autres » et même, diront certains, qu’elle « voit Dieu »… 

Le silence du Carmel. Entrée au Carmel à 21 ans, Élisabeth reçoit un nom nouveau qui l’enchante : Élisabeth de la Trinité. Une Carmélite réputée de Beaune (Côte-d’Or) avait déjà porté ce nom au XVIIe siècle. La Trinité ! C’est ce Mystère d’amour qui déjà l’habite, la brûle. C’est, écrira-t-elle plus tard : « La maison paternelle dont nous ne devons jamais sortir. » Plus que tout, c’est « le trop grand Amour » de Dieu pour nous auquel nous devons croire à travers tout. C’est Dieu Père, Fils et Esprit, présent à chaque instant de nos vies pour nous faire vivre de sa vie. Élisabeth veut lui rendre amour pour amour au cœur du quotidien, dans la vie de la communauté. Et dans ses lettres, elle partage à ses amis, laïcs pour la plupart, la merveilleuse découverte : nous sommes tous appelés, tous aimés, tous habités par la Présence au fond de nous-mêmes. Nous devons régulièrement nous recueillir en présence de Dieu, pour devenir « louange de gloire » selon les mots de saint Paul (Ephésiens I, 11), et faire de notre corps le trône de la Très Sainte Trinité où celle-ci daigne venir habiter. 
La jeune fille a renoncé au piano pour entrer dans le silence, la solitude du Carmel. Un silence qui n’est pas vide et néant, mais écho de la Parole de Dieu. Et en ce 21 novembre 1904, Élisabeth laisse jaillir de son cœur les notes qu’elle couche sur cette feuille, cette partition que la musicienne qu’elle reste va jouer silencieusement mais avec toute son âme. Elle compose alors sa célèbre prière : « Ô mon Dieu, Trinité que j’adore », où elle se livre entièrement... (cf. compléments). Consumée par la maladie d’Addison, elle meurt à Dijon le 9 novembre 1906, âgée de 26 ans, en murmurant : « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie ! » 

La béatification. Un premier « miracle » obtenu par l’intercession d’Élisabeth fut reconnu le 17 février 1984. Il s’agissait de la guérison de Dom Jean Chanut, moine de l’Abbaye de Cîteaux, alors Maître des novices. Âgé de 31 ans en 1938, il fut atteint de tuberculose des reins. Malgré l’ablation d’un rein, la maladie gagna tout l’appareil uro-génital. Dom Jean Chanut souffrait beaucoup, ne pouvait plus assurer ses charges et s’acheminait vers la mort. En janvier 1943, sur le conseil d’un prédicateur de retraite, la communauté de Cîteaux commença une neuvaine de prière se confiant à l’intercession de Sœur Élisabeth. Au terme de la neuvaine, le malade sentit un regain d’énergie et put reprendre rapidement l’observance intégrale de la Règle, veilles et jeûnes sévères. De plus, à partir de cette date, les examens biologiques firent constamment la preuve de l’absence du bacille de Koch. Dom Chanut devint par la suite Prieur puis Abbé de Cîteaux et mourut en Afrique en 1980, sans avoir jamais eu de rechute de tuberculose. Ce miracle permit la béatification d’Élisabeth le 25 novembre 1984 par le pape saint Jean Paul II qui la présente comme un guide sûr et une lumière pour tous. 

Élisabeth est canonisée le 16 octobre 2016 par le pape François

Vers la canonisation. Un second « miracle » était nécessaire pour ouvrir la voie à la canonisation. Une jeune femme belge, Marie-Paul Stevens, professeur de religion à Malmedy, âgée de 39 ans en 1997, découvre peu à peu qu’elle est atteinte d’une maladie orpheline, le syndrome de Sjøgren, avec de multiples conséquences très handicapantes puis de plus en plus douloureuses. Elle doit abandonner sa profession en 1998 et malgré de multiples traitements, la maladie s’aggrave en 2000-2001, avec d’insupportables douleurs. Tous les amis de Marie-Paul ainsi que notre Carmel prient Élisabeth pour sa guérison. Elle-même ne demande pas de guérir mais décide d’aller à Flavignerot avant de mourir, pour remercier Élisabeth qu’elle aime et prie depuis son adolescence, car elle l’a tellement aidée dans sa maladie. Arrivée avec ses amis sur le Parking du Carmel le 2 avril 2002, elle s’assied épuisée sur une pierre, et se lève soudain : « Je n’ai plus mal ! » Les symptômes ont disparu… Quelques mois plus tard, elle fera 350 km à pied en pèlerinage pour rendre grâce… Il faudra du temps et de nombreux examens médicaux entre 2012 et 2016 pour que soit reconnue officiellement la guérison, jusqu’à ce décret du 3 mars 2016, puis le consistoire du 20 juin 2016. Élisabeth est canonisée le 16 octobre 2016 par le pape François.

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Biographie express d’Élisabeth. 
Née dans un camp militaire le 18 juillet 1880, la petite Sabeth est fille de capitaine et douée d’un tempérament volontaire, turbulent, violent parfois. Mais elle montre aussi un attrait pour tout ce qui est grand et beau, et une ouverture à Jésus pour lequel elle veut vaincre, par amour, son « terrible caractère ». « Lui, il veut être l’Ami que tu peux trouver toujours. Il se tient à la porte de ton cœur... Il attend... Ouvre-lui... » (Lettre 174) 
Le 19 avril 1891, elle fait sa première communion à l’église Saint-Michel de Dijon et reçoit la grâce de se sentir habitée par le Christ. Elle est désormais « Maison de Dieu », ce Dieu qu’elle veut voir rayonner en tous ceux qui l’entourent. Travail assidu au conservatoire et leçons à domicile rythment sa vie d’adolescente. À 13 ans, elle obtient son premier prix de piano. Deviendra-t-elle la grande pianiste dont rêve sa mère ? Son ambition est ailleurs : elle veut aimer Jésus à la folie et lui consacrer sa vie. 
En juillet 1894, elle reçoit en son cœur l’appel à entrer au Carmel. Sa mère s’oppose farouchement à ce projet.« Marche en Jésus-Christ, il te faut cette voie large, tu n’es pas fait pour les sentiers étroits d’ici-bas. Sois enracinée en Lui... édifiée sur Lui, bien haut au-dessus de ce qui passe, là où tout est pur, tout est lumineux. » (La Grandeur de notre vocation 10) En attendant de pouvoir réaliser son rêve, Élisabeth mène la vie d’une jeune fille de son temps et tout la passionne : la mer, la montagne, l’amitié, mais aussi la paroisse, la visite des malades, le catéchisme aux enfants et, plus que tout et à travers tout, la prière. « J’ai soif de Lui rendre amour pour amour. L’amour appelle l’amour. » (Lettre 156) 
De plus en plus, Élisabeth se sent appelée au Carmel pour prier sans fin et rapprocher l’humanité de Dieu. Ayant vaincu l’opposition de sa mère, elle entre au Carmel de Dijon à 21 ans. Elle est profondément heureuse : elle connaît une vie toute de prière, pauvre, rude, mais éclairée par le Soleil de la présence de Dieu et de la charité fraternelle. « Il a mis en mon cœur une soif d’infini et un si grand besoin d’aimer que Lui seul peut rassasier... Alors je vais à Lui... » (Lettre 169) Après un postulat radieux et une année de noviciat difficile, elle prononce ses vœux le 11 janvier 1903. La voilà « épouse du Christ ». Elle se nourrit de la Parole de Dieu, surtout de saint Paul, qui l’invite à devenir « la louange de gloire » de Dieu, ce « Dieu qui nous a trop aimés ». « Vis avec Lui. Ah ! Je voudrais pouvoir dire à toutes les âmes quelle source de force, de paix, et aussi de bonheur elles trouveraient si elles consentaient à vivre en son intimité. » (Lettre 302) 
En 1904, elle compose sa célèbre prière « Ô mon Dieu, Trinité que j’adore », où elle se livre entièrement, qui sera traduite plus tard en plus de 30 langues... Atteinte de la maladie d’Addison (maladie rare du système endocrinien causée par un dysfonctionnement des glandes situées au-dessus des reins), alors incurable, elle va connaître en 1906 une longue agonie de neuf mois. Au milieu de grandes souffrances, elle exprime encore sa joie d’aimer et de s’offrir. Elle meurt le 9 novembre 1906. « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie !... » 
 Elle est béatifiée le 25 novembre 1984 par le pape saint Jean Paul II qui la présente comme un guide sûr et une lumière pour tous, puis canonisée le 16 octobre 2016 par le pape François. Sainte Élisabeth est fêtée le 9 novembre, jour de sa mort (ou le 8 novembre dans l’Ordre du Carmel). 

Pourquoi Élisabeth a-t-elle été reconnue « sainte » ? 
À la mort d’Élisabeth, le Carmel de Dijon a reçu un grand nombre de « lettres de condoléances ». L’étonnant fut que sans s’être concertés, tous ceux qui l’avaient connue parlaient d’elle en évoquant « la petite sainte »… Dans les semaines qui suivirent, sa prieure écrivit, selon la coutume, une lettre circulaire aux carmels de France, retraçant la vie de la Sœur défunte. Tous insistèrent pour en savoir davantage, tant ils avaient été frappés par ce témoignage. C’est ainsi que Mère Germaine fut amenée à écrire les « Souvenirs » qui connurent très vite une immense diffusion, rééditions, traductions, etc. Puis s’ouvrit le « Procès » qui devait aboutir à la béatification en 1984 et à la canonisation en 2016. 

Le témoignage le plus autorisé demeure celui de Jean-Paul II au jour de la béatification : 
« Nous osons aujourd'hui présenter au monde cette religieuse cloîtrée qui mena une « vie cachée en Dieu avec Jésus-Christ » car elle est un témoin éclatant de la joie d'être enraciné et fondé dans l'amour. Elle célèbre la splendeur de Dieu, parce qu'elle se sait habitée au plus intime d'elle-même par la présence du Père, du Fils et de l'Esprit en qui elle reconnaît la réalité de l'amour infiniment vivant. Élisabeth a connu elle aussi la souffrance physique et morale. Unie au Christ crucifié, elle s'est totalement offerte, achevant dans sa chair la passion du Seigneur, toujours assurée d'être aimée et de pouvoir aimer. Elle fait dans la paix le don de sa vie blessée. À notre humanité désorientée qui ne sait plus trouver Dieu ou qui le défigure, qui cherche sur quelle parole fonder son espérance, Élisabeth donne le témoignage d'une ouverture parfaite à la Parole de Dieu qu'elle a assimilée au point d'en nourrir véritablement sa réflexion et sa prière, au point d'y trouver toutes ses raisons de vivre et de se consacrer à la louange de sa gloire. Et cette contemplative, loin de s'isoler, a su communiquer à ses Sœurs et à ses proches la richesse de son expérience mystique. Son message se répand aujourd'hui avec une force prophétique. […] Qu'elle aide beaucoup d'hommes et de femmes, dans la vie laïque ou la vie consacrée, à recevoir et partager les « flots de charité infinie » qu'elle recueillait « à la fontaine de vie ». » 

La prière d’Élisabeth à la Trinité. 
 « Ô mon Dieu, Trinité que j'adore, aidez-moi à m'oublier entièrement pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité. Que rien ne puisse troubler ma paix, ni me faire sortir de vous, ô mon Immuable, mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre Mystère. Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, toute éveillée en ma foi, toute adorante, toute livrée à votre Action créatrice. 
Ô mon Christ aimé, crucifié par amour, je voudrais être une épouse pour votre Cœur, je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer... jusqu'à en mourir ! Mais je sens mon impuissance et je vous demande de me « revêtir de vous-même », d'identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme, de me submerger, de m'envahir, de vous substituer à moi, afin que ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre Vie. Venez en moi comme Adorateur, comme Réparateur et comme Sauveur. 
Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter, je veux me faire tout enseignable, afin d'apprendre tout de vous. Puis, à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances, je veux vous fixer toujours et demeurer sous votre grande lumière ; ô mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement. 
Ô Feu consumant, Esprit d'amour, « survenez en moi » afin qu'il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe : que je Lui sois une humanité de surcroît en laquelle Il renouvelle tout son Mystère. Et vous, ô Père, penchez-vous vers votre pauvre petite créature, « couvrez-la de votre ombre », ne voyez en elle que le « Bien-Aimé en lequel vous avez mis toutes vos complaisances ». 
Ô mes Trois, mon Tout, ma Béatitude, Solitude infinie, Immensité où je me perds, je me livre à vous comme une proie. Ensevelissez-vous en moi pour que je m'ensevelisse en vous, en attendant d'aller contempler en votre lumière l'abîme de vos grandeurs. » 

Sainte Élisabeth et la Vierge Marie.
 
La Sainte Vierge, patronne des Carmélites, est traditionnellement très invoquée par les religieuses de l’Ordre. Dans la lignée de sa théologie de « l’habitation de la Sainte Trinité », sainte Élisabeth a une dévotion particulière pour la Vierge Marie enceinte de Jésus. Elle écrit : «  (retraite écrite par sainte Élisabeth peu avant sa mort). La Vierge Marie accompagne Élisabeth de son enfance à sa mort, et cette proximité croissante lui découvre à chaque étape de son itinéraire de nouveaux aspects du mystère marial. La jeune Sabeth l’invoque d’abord comme Mère immaculée, tout aimante, et elle demande son intercession : « À chaque fête de Marie, je renouvelle ma consécration à cette bonne Mère. Aujourd'hui donc, je me suis confiée à elle, et de nouveau je me suis jetée dans ses bras, avec la plus entière confiance, je lui ai recommandé mon avenir, ma vocation » (Journal 2). C’est d’ailleurs le jour de la Présentation de Marie au Temple qu’Élisabeth écrit sa plus célèbre prière. 
Au Carmel, elle contemple Marie silencieuse et recueillie, elle voit en elle la créature toute simple et lumineuse qui accueille et adore le don de Dieu et en pénètre toute la profondeur : « Nul n'a pénétré le mystère du Christ en sa profondeur, si ce n'est la Vierge » (Dernière Retraite 2). Élisabeth est particulièrement habitée par la scène de l’Annonciation. Si Marie n’est pas nommée dans sa célèbre prière à la Trinité, elle y est intensément présente lorsqu’Élisabeth invoque l’Esprit Saint : « Survenez en moi afin qu’il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe… ». Pour elle Marie n’est pas un « modèle » à imiter, mais elle est la Mère qui la « modèle » en profondeur, en chacune de ses attitudes. 
Dans les derniers mois de sa vie, elle se confie à Marie debout au pied de la Croix, « debout, dans la force et la vaillance », afin qu’elle l’aide à traverser ses souffrances, avec le Christ et pour l’Église. Elle devient pour elle « Janua Coeli », la Porte du Ciel… « C’est la Vierge, cet être tout lumineux, tout pur de la pureté de Dieu qui me prendra par la main pour m’introduire dans le ciel, ce ciel si éblouissant » (Souvenirs 258). 

Les écrits d’Élisabeth. 
Tous les écrits d’Élisabeth sont des écrits de circonstance, nés au fil de la vie, spontanément comme son Journal ou ses Poésies de jeune fille, à qui elle confie ce qui déborde de son cœur, ses joies, ses peines, ses prières. Au Carmel, elle écrira encore une cinquantaine de poésies à l’occasion d’anniversaires ou de fêtes… Il faut ajouter à cela 17 Notes intimes, écrites entre ses 14 ans et sa mort, témoins d’un moment de grâce (comme sa grande Prière à la Trinité), et surtout les Lettres adressées à sa famille et à ses ami(e)s. Cette correspondance représente 342 lettres, dont 83 avant son entrée au Carmel et 262 écrites au monastère. Là, elle rejoint chacun avec toute sa spontanéité affectueuse, sa foi communicative, le désir de partager tout ce que Dieu lui donne à comprendre. L’amour infini du Seigneur, les découvertes qui l’enthousiasment dans sa lecture assidue de saint Paul ou qu’elle expérimente dans l’oraison, la richesse des sacrements, la paix qu’on peut goûter au cœur même de la souffrance, tout ce qu’elle vit, elle pense que chacun peut le vivre dans la situation qui est la sienne. Les Lettres nous permettent de découvrir toute la riche humanité d’Élisabeth en même temps qu’elles nous entraînent à sa suite vers les sommets de l’amour. 
Élisabeth n’a jamais écrit d’autobiographie - comme Thérèse de Lisieux - et n’a jamais pensé à une quelconque édition. Les quatre textes - écrits dans les derniers mois de sa vie - qui ont reçu dans les Œuvres Complètes le nom de « Traités » en raison de leur densité spirituelle, n’ont pas été composés comme des « traités », et cette appellation doit faire sourire la sainte… Il s’agit en fait de deux lettres particulièrement riches d’un point de vue pédagogique, humain et mystique, et de deux « Retraites » écrites comme un cadeau-souvenir à sa sœur et à sa prieure, véritables testaments spirituels rédigés au milieu de grandes souffrances et traçant un chemin lumineux de foi, d’offrande totale et de louange à la Gloire de Dieu : le dernier Chant d’amour de la musicienne Élisabeth.   

Paroles d’Élisabeth.
 
À ceux qui sont dans l’épreuve : 
« Lorsque le poids du corps se fait sentir et fatigue votre âme, ne vous découragez pas, mais allez par la foi à Celui qui a dit : Venez à moi, et je vous soulagerai. » (Lettre 249) 
« Prends ton Crucifix, regarde, écoute. » (Lettre 93) 
« Vos souffrances doivent être si pénibles à supporter car, à la longue, l’âme s’en ressent et perd son énergie ; mais alors, vous n’avez qu’à vous tenir près du Crucifié, et votre souffrance est la meilleure prière. » (Lettre 207) 
« On a soif de Lui rendre amour pour amour. L’amour appelle l’amour. » (Lettre 156) 
« Il est un cœur de Mère en lequel vous pouvez toujours vous blottir : c’est celui de la Vierge. » (Lettre 134) 
« Il me semble que si je voyais la mort, malgré toutes mes infidélités, je m’abandonnerais entre les bras de mon Dieu, comme l’enfant qui s’endort sur le cœur de sa mère. » (Lettre 263) 

À Tous : 
« Il y a un Être qui est l’Amour et qui veut que nous vivions en société avec Lui. » (Lettre 327) 
« La Trinité, voilà notre demeure, notre « chez nous », la maison paternelle d’où nous ne devons jamais sortir. » (Le Ciel dans la Foi 2) 
« Je vous en prie, marquez tout du sceau de l’Amour, il n’y a que cela qui demeure. » (Lettre 333) 
« Que la vie est quelque chose de sérieux : chaque minute nous est donnée pour nous enraciner plus en Dieu. » (Lettre 333) 
« Vis avec Lui. Ah ! je voudrais pouvoir dire à toutes les âmes quelle sources de force, de paix, et aussi de bonheur elles trouveraient si elles consentaient à vivre en son intimité. » (Lettre 302) 
« Crois toujours à l’Amour et chante toujours merci ! » (Lettre 269) 

Aux jeunes : 
« Il a mis en mon cœur une soif d’infini et un si grand besoin d’aimer que Lui seul peut rassasier... Alors je vais à Lui... » (Lettre 169) 
« Tu ne veux pas avoir la vie facile, marche en Jésus-Christ, il te faut cette voie large, tu n’es pas fait pour les sentiers étroits d’ici-bas. » (La Grandeur de notre vocation 10) 
« Vois-tu, il faut lui donner sa place dans ta vie, dans ton cœur qu’Il a fait si aimant, si passionné. » (Lettre 161) 
« Lui, il veut être l’Ami que tu peux trouver toujours. Il se tient à la porte de ton cœur... Il attend... Ouvre-lui... » (Lettre 174) 
« Une âme unie à Jésus est un vivant sourire qui Le rayonne et qui Le donne. » (Lettre 252) 
« Le secret de la paix et du bonheur, c’est de s’oublier. » (Lettre 249) 
« Comprendrons-nous jamais combien nous sommes aimés ? » (Lettre 191) 

Aux pères et mères de famille : 
« Avec quelle ferveur j’ai prié pour les fiancés... Il vous aime, ma Guite, votre union est toute bénie de Lui... Le mariage est aussi une vocation ! » (Lettre 242) 
« Laisse-toi toute envahir de sa vie divine, afin de la donner au cher petit qui arrivera au monde, tout comblé de bénédictions. » (Lettre 183) 
« Soyez son sacrement en lequel vos deux chères petites filles le voient toujours. » (Lettre 241) 
« Si tu savais comme Il t’aime, et comme, en passant par toi, Il veut se faire aimer. » (Lettre 233)
« Apprends aux petites à vivre sous le regard du Maître. » (Lettre 269) 
« Vivez avec Lui, où que vous soyez, quelque chose que vous fassiez. » (Lettre 291) 
« Vous ne serez jamais banal si vous êtes éveillé en l’Amour. » (Laisse-toi aimer 6) 

Aux prêtres et consacrés :
 
« La vie du Prêtre est un Avent qui prépare l’Incarnation dans les âmes. » (Lettre 250) 
« Qu’il est puissant sur les âmes, l’Apôtre qui reste toujours à la Source des eaux vives ; alors il peut déborder autour de lui sans que jamais son âme se vide puisqu’il communie à l’infini. » (Lettre 124)
« Que tout en vous soit divin et marqué du sceau de Dieu, afin que vous soyez un autre Christ travaillant pour la gloire du Père. » (Lettre 124) 
« Être épouse du Christ, c’est un cœur à cœur pour toute une vie... C’est être féconde, corédemptrice, multiplier les adoptés du Père, les rachetés du Fils... » (Note intime 13) 
« Que ma vie soit une oraison continuelle, un long acte d’amour. » (Note intime 5) 
« Ne trouvez-vous pas que dans l’action, l’âme peut demeurer toute adorante, se tenant à cette Source... C’est ainsi que je comprends l’apostolat. » (Lettre 158)

Source : Aleteia

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