par Saint-Grégoire le Grand

      
  
… …25 et il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et sur la terre les nations angoissées seront inquiètes du bruit de la mer et du fracas de ses flots, 26 et les hommes expireront de terreur et d’anxiété à cause des événements du monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors ils verront le Fils de l’homme venir sur une nuée avec puissance et grande gloire.
28 Or quand ces choses commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche ».
29 Et Il leur dit une parabole: « Voyez le figuier et tous les arbres, 30 dès qu’ils se mettent à bourgeonner vous savez bien, à cette vue, que l’été approche. 31 De même, quand vous verrez venir ces choses, sachez que le Règne de Dieu est proche. 32 Amen, je vous le dis: cette génération ne passera pas sans que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, Mes paroles ne passeront pas
Notre Seigneur et Rédempteur désirant nous trouver prêts, nous avertit des malheurs qui accompagneront la consommation de ce monde, afin de nous éviter d’y placer notre affection. Il fait connaître les désastres qui annonceront cette fin prochaine, afin que nous, qui sommes rebelles à Dieu au temps de la tranquillité, soyons, du moins, inquiétés par ces noires afflictions et le jugement qui vient.
Dans le passage qui précède immédiatement l’Évangile que vous venez d’entendre, mes frères, le Seigneur nous avertit en ces termes: « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, il y aura de grands tremblements de terre et selon les lieux, des pestes et des famines… »
Après avoir annoncé encore d’autres choses, Il ajoute cet avertissement que vous avez entendu: « Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et sur la terre les nations angoissées seront inquiètes du bruit de la mer et du fracas de ses flots… ». (Lc 21: 10) Parmi toutes ces choses nous voyons que certaines ont déjà eu lieu; d’autres, qui nous remplissent d’effroi, sont encore à venir. Oui, nous avons vu les nations se dresser contre les nations et leurs angoisses se répandre sur la terre, plus encore en ce temps où nous vivons que ce qu’il est dit dans les livres à propos des temps anciens. Vous le savez bien: nous entendons si souvent dire qu’un tremblement de terre a détruit de nombreuses villes, dans l’une ou l’autre des parties du monde; la peste: nous en souffrons constamment!
Les signes dans le soleil, la lune et les étoiles, en revanche, nous ne les avons pas encore vus clairement; mais qu’ils soient imminents nous le comprenons bien par l’altération du climat. Juste avant que l’Italie ne soit livrée au glaive des païens, nous avons vu dans le ciel apparaître des hordes de feu et briller le sang humain qui allait être répandu par la suite. Un fracas extrême des flots ne s’est pas encore produit; mais comme beaucoup de ce qui était prédit s’est déjà réalisé, nul doute que le peu qui reste ne s’accomplisse; car ce qui est déjà accompli donne l’assurance de ce qui suivra.
    Nous vous racontons cela, frères très  chers, afin que vos esprits restent éveillés pour une observation scrupuleuse et attentive, qu’ils  ne soient pas pris par la torpeur de la sécurité, ni ne languissent dans  l’ignorance, mais que, la peur les inquiétant toujours, cette inquiétude les  affermisse  dans  les œuvres du bien, méditant ces paroles de notre Rédempteur:
    « Les hommes expireront de terreur et  d’anxiété à cause  des événements du monde,  car les puissances des  cieux seront ébranlées ».
Qui d’autre est appelé par le Seigneur «  puissances des cieux  » sinon les  Anges, les Archanges, les Trônes, les Dominations, les Principautés et  les  Puissances, qui, à la venue de notre  juste Juge apparaîtront  visiblement à nos yeux, afin qu’elles puissent  exiger  un  compte rigoureux de ce que le Créateur  supporte avec patience d’une manière  invisible.
    Puis Jésus ajoute encore: « Alors ils verront le fils de l’homme venir sur une nuée avec Puissance et grande gloire ». C’est comme s’Il disait  ouvertement: « Ils verront dans Sa puissance et Sa grande gloire Celui qu’ils n’ont pas voulu entendre dans Son humilité; plus ils refusent  aujourd’hui d’humilier leurs cœurs  devant Sa patience,  plus  ils éprouveront alors  Sa sévérité ».  
    Mais puisque ces paroles sont adressées  aux  réprouvés, Il se tourne  ensuite vers les  élus  avec  des paroles de réconfort.
    Il dit en effet: « Quand ces choses commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche. » C’est comme si la Vérité instruisait clairement Ses élus en disant: « Quand  les fléaux de ce monde  s’amoncellent, quand  les Puissances même laissent voir en tremblant leur terreur du jugement, relevez  la tête, c’est- à-dire: réjouissez-vous dans vos cœurs, parce que le monde, dont vous n’êtes pas les amis,  touche à sa fin,  et la rédemption,  que  vous recherchez, se  fait proche. »
    Dans l’Écriture Sainte la tête symbolise souvent  l’esprit, car de même  que  la tête gouverne les membres, ainsi l’esprit dirige les pensées. Relever la tête signifie donc: élever notre esprit vers la joie de la patrie  céleste. Ceux,  donc, qui aiment  Dieu sont exhortés à la joie  et à l’allégresse à cause de la fin de ce monde, car il est  évident  qu’ils rencontreront bientôt Celui qu’ils  aiment,  et que disparaîtra celui qu’ils  n’ont  jamais  aimé.
    Que le deuil  causé par les malheurs  de  ce monde s’éloigne donc des fidèles qui désirent voir Dieu, car nous savons bien que le monde finira  dans  ces malheurs-là; il est écrit en effet: « Quiconque désire devenir ami du monde, devient ennemi de Dieu ». (Jc 4: 4) Celui, donc, qui ne se réjouit pas de la fin prochaine de ce monde atteste qu’il  est ami  de  ce monde et se révèle par-là même ennemi de Dieu.
    Que cela soit étranger aux cœurs des fidèles! Que cela soit étranger à ceux qui ont la foi dans une autre vie, et qui l’aiment déjà par leurs actes. Qu’ils pleurent  donc  la ruine de ce monde ceux qui  ont enraciné  leur  affection en lui, qui ne recherchent pas la vie à venir, et n’ont pas  conscience même qu’elle existe. Mais  nous, qui connaissons la joie éternelle de la patrie céleste, nous devons nous hâter vers elle autant que  nous  le pouvons; c’est notre désir d’y parvenir en toute hâte, et par le plus court  chemin.
    Par quelle misère le monde lui-même ne nous y invite-t-il pas avec instance? Quelle  tristesse, quelle adversité,  ne nous  y pousse-t-elle pas? Qu’est-ce donc que cette vie mortelle sinon un chemin? Et quelle  folie ce serait, mes frères, songez-y, si,  accablés de fatigue par ce  long chemin, nous refusions  de  terminer le voyage?
    Que ce monde doive être foulé aux pieds et  méprisé, cela notre Rédempteur l’enseigne ensuite par une comparaison bien à propos, en  continuant ainsi: « Voyez le figuier et tous les arbres: dès qu’ils se mettent à bourgeonner,  vous savez bien, à cette vue, que l’été approche.  De même  quand vous verrez venir  ces choses, sachez  que le règne de Dieu est proche. » C’est comme s’Il disait clairement: « De même que  vous  savez, par les fruits des arbres, que l’été est  proche, ainsi  par  la ruine du monde vous  saurez  que le règne de Dieu est  proche  également ».
    De telles paroles on peut induire aussi que le fruit du monde c’est la ruine: il ne s’élève que pour tomber, il ne germe que pour consumer  son  fruit dans les désastres. Heureuse comparaison du règne de Dieu  avec  l’été, car alors disparaîtront les brumes de notre tristesse et les jours  de  notre vie resplendiront de la gloire du soleil éternel.  
    Tout cela est confirmé par la phrase qui suit: « Amen, Je vous le dis: cette génération ne passera pas sans  que  tout cela ne soit  arrivé.  Le ciel et la terre passeront, Mes  paroles ne passeront pas ».
    Rien parmi les choses matérielles ne paraît plus durable que le ciel et  la terre, et rien dans la  nature n’est plus  éphémère que la parole.  Tant qu’elles ne sont pas achevées  les paroles ne sont  même  pas des paroles, et dès qu’elles sont prononcées  elles cessent d’exister, car elles ne peuvent  s’accomplir que dans leur  propre disparition.
    Jésus dit donc: - le ciel et la terre passeront, Mes paroles ne passeront pas  -, comme s’Il disait clairement:  « Rien  de ce  qui vous  semble  durable n’est ferme ni  immuable dans l’éternité. Et  tout ce qui en Moi semble éphémère est en réalité durable et sans changement, car la parole  que  Je prononce et qui aussitôt s’efface, exprime des vérités immuables qui  subsistent à jamais  ».  
    Voyez, mes frères, nous commençons à comprendre ce que nous avons entendu;  chaque jour le monde est affligé de  misères nouvelles et  grandissantes; combien d’hommes survivront-ils parmi ce peuple que vous  voyez ici, alors que  chaque jour de nouveaux tourments nous affligent, que tombent sur  nous des catastrophes  soudaines et inouïes?  Au temps de la jeunesse le corps est vigoureux, le cœur est fort et intact, les épaules musclées et les poumons fonctionnent bien; à l’âge de la vieillesse, par  contre, le corps se courbe, les  épaules tombent, la respiration est entrecoupée de soupirs fréquents, la vigueur fait défaut et la parole est embarrassée par une respiration haletante; bien que la décrépitude  soit encore lointaine, l’infirmité  corporelle est  devenue notre état habituel. Ainsi en est-il du monde: en ses premières années il  fleurissait dans sa force  printanière, vigoureux  pour propager la semence de l’humanité, resplendissant dans la santé des corps, riche de l’abondance des biens. Désormais il tombe dans sa propre sénilité et le voici, proche de la mort, opprimé par des  misères grandissantes.
    Non, mes  frères, ne vous  attachez pas à ce qui n’a pas la force de subsister! Ayez à l’esprit le conseil de l’apôtre qui nous met en garde en ces termes: « N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le monde; si  quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est  pas en lui » (I Jn 2: 15) Avant  hier, mes  frères, vous avez appris qu’une terrible tempête a déraciné des arbres centenaires, détruit des maisons  et rasé  des églises jusqu’à leurs  fondations; combien  d’entre  nous, tranquilles et bien portants la veille, croyant accomplir leur tâche le lendemain, ont-ils trépassé dans la nuit d’une mort soudaine, pris au piège de cette destruction?  
    Considérons-en de telles choses, mes  bien-aimés,  la main du Juge invisible, qui  fait souffler la moindre brise, qui tire  l’orage du moindre  nuage, secoue la terre et  détruit  les fondements de tant d’édifices.  Qu’en  sera-t-il donc quand le Juge apparaîtra en personne, quand Sa  colère  s’enflammera contre les pécheurs, si nous ne pouvons supporter ce qu’Il nous  inflige par le moindre  nuage? Devant Sa colère,  quelle chair subsistera s’Il fait souffler le vent, trembler la terre et  s’écrouler les  édifices?
    Paul, considérant la rigueur de ce Juge qui vient, nous dit: « C’est une chose terrible de tomber aux mains du Dieu vivant  » (He 10: 31). Et le psalmiste: « Il vient, notre Dieu, Il ne reste pas en silence; devant Lui brûle un feu dévorant, autour de Lui se déchaîne la tempête ». (Ps  49:3).  Le feu et la tempête accompagneront  la rigueur de cette justice,  car la tempête passera au crible ceux que le feu consumera.
    Frères, gardez le souvenir  de ce jour devant  les yeux et tout  ce  qui semble un pesant fardeau vous paraîtra léger en comparaison. De ce  même  jour il est dit par la bouche du prophète: « Il est proche, le grand  jour  du Seigneur, il est proche, il se hâte; le cri du jour du Seigneur est amertume, le puissant même y trouvera la tribulation. Jour de colère  que  ce jour-là, jour d’angoisse  et d’affliction, jour de désolation et de  misère, jour de ténèbres et  de  profonde obscurité,  jour de brume et  de tempête, jour de trompette et de clameurs. » (So 1: 14-16) De cela le  Seigneur a encore parlé par la bouche d’Aggée le prophète: « Une fois  encore J’ébranlerai les  cieux et la terre ». (Ag 2: 22)
Voyez, comme nous l’avons dit, Il fait souffler le vent et la terre n’y résiste pas… Qu’en sera-t-il s’Il fait trembler les cieux? Que dire des terreurs que nous subissons maintenant sinon qu’elles sont les prémices de la colère qui vient; rappelons-nous que ces tribulations présentes sont autant inférieures aux ultimes tribulations, que le héraut est inférieur en puissance au juge qu’il annonce.
Frères très chers, méditez de tout  votre cœur sur ce jour, corrigez votre  vie, changez  vos coutumes, soyez vainqueurs de vos  penchants mauvais par une ferme  résistance, et lavez par  les larmes, les méfaits déjà  commis. Car plus vous  vous préparerez, maintenant, à la rigueur  de la justesse de Dieu, en Le servant avec crainte, plus vous contemplerez  avec  sérénité l’avènement  de  ce Juge éternel,
  Lui qui vit  et règne dans les  siècles des siècles,  Amen.