devotion eucharistique

1868

Saint Pierre-Julien Eymard, apôtre éminent de l’Eucharistie

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Fasciné par le mystère de l’Eucharistie, le Père Pierre-Julien Eymard fonde la Congrégation du Saint-Sacrement au milieu du XIXe siècle en Isère. Uni au Christ, il souhaite relier l’activité missionnaire et la contemplation, adorer et faire adorer. Après sa mort, il est béatifié par le pape Pie XI le 12 juillet 1925, avant d’être canonisé le 9 décembre 1962 par saint Jean XXIII.

Saint Pierre-Julien Eymard est né à La Mure (Isère) le 4 février 1811 et est décédé dans la même ville le 1er août 1868. Dieu a conduit cet homme, d’étape en étape et par des voies providentielles, parfois insolites, à découvrir sa vocation eucharistique. Aussi pouvait-il écrire, trois ans avant sa mort : « Comme le bon Dieu m’a aimé ! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement ! Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation. Tous mes états, un noviciat ! Toujours le Très Saint-Sacrement a dominé » (NR 44, 14)*. Et trois mois avant sa mort, il écrivait : « La plus grande grâce de ma vie a été une foi vive au très Saint-Sacrement » (NR 45, 3).   

Cette « foi vive » dans l’Eucharistie représente le « fil rouge »
 qui traverse les grandes étapesde l’existence du Père Eymard et l’a amené à découvrir sa vocation et samission à une époque de grands défis pour l’Église et de grands changementssociaux et politiques. Il a travaillé à remettre l’Eucharistie au centre de la vie chrétienne et sociale de son temps, convaincu qu’elle est la vraie force pour renouveler l’Église et la société.  

Pierre-Julien Eymard passe par différentes étapes. Dès ses premières années, où sa mère très pieuse l’emmène tous les jours à l’église, il est attiré par l’Eucharistie. À sept ans, il est surpris par sa grande sœur derrière l’autel, sur un escabeau, la tête penchée ; il s’explique ainsi : « C’est que j’écoute et je l’entends mieux d’ici. » Sa première communion, à 12 ans, est un jour de grandes grâces qui fait naître en lui le désir d’être prêtre. Après un essai chez les Oblats de Marie Immaculée à Marseille (1829), il entre au Grand Séminaire de Grenoble (1831). Devenu prêtre le 20 juillet 1834, il s’occupe successivement de deux paroisses de l’Isère : il est d’abord vicaire à Chatte (1834-1837), puis curé à Monteynard (1837-1839). Suivant l’appel à la vie religieuse, il entre chez les Maristes (1839) où il reste jusqu’à la fondation de la congrégation du Saint-Sacrement à Paris (13 mai 1856). Tous ces passages laissent percevoir le cheminement qu’il a parcouru intérieurement, un chemin qu’il est important pour nous de rappeler.   

Parfois nous connaissons la vie d’un saint par les œuvres ou les fioretti
 qui se racontent de bouche-à-oreille. Chacun de nous a une image de tel ou tel autre saint. Mais, comme l’a dit un auteur spirituel contemporain, le saint, surtout « le saint fondateur ne se réduit pas à cette image. Le fondateur est un homme qui est allé jusqu’au bout des vouloirs de Dieu. Qui s’est efforcé – par un don de soi à Dieu toujours plus total et plus ample – d’être parfait comme le père (Matthieu 5, 48) » (Chiara Lubich, Méditations, p. 142). « Les saints se sont donnés à Dieu et Dieu les prend en charge. Artiste unique, il fait d’eux les chefs d’œuvre de son amour » (Chiara Lubich, Méditations, p. 144).   

Conduit par des grâces à la fois simples et profondes, Pierre-Julien comprend sa vocation. 
En 1845 à l’église Saint-Paul de Lyon, pendant la procession avec le Saint-Sacrement un jour de Fête-Dieu, il est saisi d’une foi forte en Jésus-Christ présent dans l’Eucharistie et demande à Dieu la grâce d’avoir le zèle apostolique de saint Paul. En 1849, alors qu’il est Provincial, il visite la maison mariste de Paris. Il découvre en cette ville l’œuvre de l’Adoration nocturne, et par la même occasion, il entre en relation avec le comte Raymond de Cuers qui sera son premier compagnon dans la fondation de l’œuvre eucharistique. Il fait aussi connaissance de la fondatrice de l’Adoration réparatrice, la Mère Marie-Thérèse Dubouché. Le 21 janvier 1851, au sanctuaire de Notre-Dame de Fourvière (Lyon), il discerne l’urgence de travailler au renouvellement de la vie chrétienne par l’Eucharistie et voit l’importance d’une formation approfondie pour les prêtres et les laïcs.   

Le 18 avril 1853, à La Seyne-sur-Mer (Var), le Père Eymard reçoit un nouvel appel,
 une « grâce de donation », au regard des projets eucharistiques qu’il élabore avec Raymond de Cuers et quelques personnes. Ce nouvel appel le met dans la disposition de faire le sacrifice de quitter la Congrégation mariste pour fonder la Congrégation du Saint-Sacrement. Finalement, non sans difficultés, son projet est accueilli par l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, le 13 mai 1856.   

La vie eucharistique que Pierre-Julien propose ne se borne pas à la seule dimension contemplative 
; il veut prendre toute la pensée eucharistique, unir l’action à la contemplation, adorer et faire adorer, s’occuper de la première communion des jeunes ouvriers et mettre le feu aux quatre coins de la France. « Une vie purement contemplative, écrit-il, ne peut être pleinement eucharistique ; le foyer a une flamme » (CO 1030). Le 6 janvier 1857, il inaugure la première communauté adoratrice avec l’exposition du Saint-Sacrement. C’est dans la pauvreté et le dénuement que la vie s’organise. Puis progressivement, la communauté grandit. Le 25 mai 1858, Marguerite Guillot arrive de Lyon à Paris et le 2 juillet suivant, le Père Eymard la place à la tête du petit groupe de candidates venues à Paris en vue de la fondation de la branche féminine, les Servantes du Saint-Sacrement.   

Dès le début et tout au long de son ministère, l’apostolat du Père Eymard est multiforme. Il associe des laïcs à son œuvre par l’Agrégation du Saint-Sacrement, il met sur pied l’œuvre de la première communion des adultes, des jeunes ouvriers, des chiffonniers et des marginaux des banlieues ; il s’adonne à la prédication et à la direction spirituelle. Il promeut la liturgie romaine plutôt que les liturgies gallicanes, et tente d’alimenter la vie spirituelle des prêtres par l’Eucharistie. Tout ce qu’il fait part de l’Eucharistie, est motivé par l’Eucharistie et a comme but faire connaître mieux l’Eucharistie. Fasciné par ce mystère, le Père Eymard affirme : « La sainte Eucharistie, c’est Jésus passé, présent et futur » (PG 356, 1). Il est assoiffé de pénétrer ses secrets, d’ouvrir son cœur aux richesses d’intériorité de l’Évangile de saint Jean qu’il médite si souvent : « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jean 6, 56). Le temps qu’il passe en adoration est très fécond pour son ministère ; un dynamisme et une force nouvelle l’imprègnent. Sa vision de l’Eucharistie évolue sans cesse et devient vie en lui.   

Un parcours plus intérieur le conduit à un sommet spirituel 
: le « vœu de la personnalité », le don de lui-même (21 mars 1865). Le Père Eymard se laisse façonner par l’Esprit Saint afin que le Christ vive en lui (cf. Galates 2, 20), pour devenir Eucharistie, « un pain savoureux » pour la vie de ses frères.   

Les dernières années du Père Eymard ont été marquées par la maladie et des souffrances de tout genre : problèmes financiers, oppositions, incompréhensions, humiliations, perte de l’estime des évêques, nuit spirituelle. Malgré cela, ses paroles sont restées ardentes comme le feu et ses lettres de direction spirituelle riches d’invitations à la joie et à l’action de grâce pour les bienfaits de Dieu. Après avoir travaillé sans cesse, jusqu’à l’épuisement, il meurt à La Mure d’Isère le 1er août 1868. L’épitaphe sur sa tombe nous livre son message :« Aimons Jésus, qui nous aime tant dans son divin Sacrement. »   

Au terme des procès ordinaires de Grenoble et de Paris, ouverts en 1898, il est béatifié par Pie XI le 12 juillet 1925. 
Le 9 décembre 1962, à la fin de la première session du Concile Vatican II, le pape Saint Jean XXIII proclamait « Saint » Pierre-Julien Eymard. Ce jour-là, le Pape dans son homélie disait : « Sa note caractéristique, l’idée directrice de toutes ses activités sacerdotales, on peut le dire, ce fut l’Eucharistie : le culte et l’apostolat eucharistiques. » Le pape saint Jean-Paul II l’a désigné à tous les fidèles comme un apôtre éminent de l’Eucharistie (9 décembre 1995), et a fixé sa fête liturgique à la date du 2 août.     

Les lignes de la spiritualité du Père Eymard

Saint Pierre-Julien Eymard a été baptisé le lendemain de sa naissance, le 5 février 1811. Le rappel de ce jour revient souvent dans ses notes. Le baptême représente la pierre fondamentale de sa vie. Dès son enfance, il a toujours été à l’écoute de Dieu, et a donné une grande place à sa Parole qu’il cite sans cesse. Un passage important qui a provoqué un tournant dans sa vision de la vie et qui a marqué sa spiritualité a été la découverte de l’amour de Dieu. Sa vocation eucharistique s’est précisée pas à pas, grâce à des rencontres et à des moments forts qui le conduisent à fonder la congrégation des religieux du Saint-Sacrement et celle des Servantes du Saint-Sacrement. L’adoration est restée toujours importante dans sa vie, c’est pour cela qu’il a fortement encouragé la communion fréquente, même quotidienne. « La sainte Communion est la table des pauvres, des infirmes, des faibles, comme elle l’est aussi des aigles et des parfaits. Ainsi ma bonne fille, allez à la sainte Communion avec vos misères, et votre pauvreté, c’est tout ce que vous pouvez faire de mieux, c’est la vie et la vie éternelle ! » (CO 406). Le cheminement spirituel du Père Eymard a évolué continuellement ; ce qu’il a appelé le « vœu de la personnalité » (que nous pouvons comprendre à la lumière de Romains 12, 1 : offrir notre personne et notre vie à Dieu, représente l’adoration véritable) constitue son sommet. 
À travers sa vie, nous pouvons admirer la transformation qu’opère l’Eucharistie, son dynamisme, sa dimension pascale. Le « vœu de la personnalité » le conduit à une union plus profonde avec le Christ (c’est la réalisation de Galates 2, 20 : ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ vit en moi) et à une vie toute transformée dans l’amour et par l’amour. La vie eucharistique que le Père Eymard propose s’adresse aux laïcs et aux prêtres, il y a là une vision d’Église comme communion et échange des dons. Elle a une forte dimension d’intériorité, et nous pouvons contempler comment Dieu, à travers son Esprit, façonne une âme en la faisant passer par des tunnels ténébreux avant de l’introduire dans la résurrection. La spiritualité que propose le Père Eymard est comme la salle du festin pour les noces du fils du roi, elle est ouverte à tous les hommes, tout particulièrement aux pauvres. Il est convaincu que l’homme a faim de Dieu, que Jésus est sa seule nourriture, et que sa mission était de répondre à cette faim. La Vierge Marie a toujours été présente dans sa vie, c’est elle qui l’a conduit tout au long de son chemin, qui l’a aidé dans tous les passages, même douloureux, qui se présentaient. « Que ton Règne vienne », c’est le message final que le Père Eymard nous confie, en ce temps qui est le nôtre, il nous encourage à œuvrer pour une nouvelle évangélisation.     

Pierre-Julien Eymard et Marie.
 
L’amour de l’Eucharistie n’éloigne pas le Père Eymard de la Sainte Vierge, mais oriente sa dévotion mariale dans un sens original. Peu après son entrée chez les Maristes, Pierre-Julien Eymard est directeur du Tiers-Ordre de Marie en 1845 à Lyon, groupe auquel il va donner une structure, une formation et un rayonnement remarquables. Il doit abandonner ce poste en 1851 pour partir dans le Midi, tout en gardant de nombreux contacts épistolaires avec ses membres. Ensuite, lorsqu’il crée la Congrégation du Très-Saint Sacrement, il entend la placer « sous les auspices et la conduite de l’Immaculée Vierge Marie ». Le Père Eymard insiste sur l’adoration qu’a vécue la Sainte Vierge elle-même et qu’il souhaite imiter : « Oh ! Que je voudrais adorer Notre-Seigneur comme l’adorait cette bonne Mère !... Je vais faire toutes mes adorations en union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle » (21 mars 1865).   

Le Concile Vatican II et le Père Eymard. 
Nous pouvons affirmer que l’Esprit Saint a conduit saint Pierre-Julien Eymard sur des routes ouvertes, qui nous permettent d’entrevoir des perspectives, des voies nouvelles. Les acquis du Concile Vatican II illuminent et mettent en valeur certaines intuitions et certains aspects du message du Père Eymard ; et ainsi nous pouvons mieux comprendre son actualité. 
Voici quatre exemples : 
1 - Au sujet de la Parole de Dieu, le Père Eymard écrit : « Toute l’Écriture doit être lue dans le même esprit qui l’a dictée »(NV 3, 34). Dans la Constitution sur la Révélation du Concile Vatican II nous lisons ce passage : « L’Écriture Sainte doit être lue et interprétée avec le même Esprit qui l’a faite écrire » (DV 12). 
2 – Pour le Père Eymard, la messe est : « La merveille eucharistique qui résume toutes les autres, et qui, à elle seule, vaut tous les amours, tous les sacrifices, toutes les gloires que le Sauveur a rendus à son Père durant sa vie de passage » (PG 244, 4). Toute vie chrétienne, qui veut porter du fruit, doit partir de Jésus-Christ et y aboutir, s’alimenter et se centrer sur l’Eucharistie (cf. PG 241, 5). Cette centralité de la célébration eucharistique annonce, avec un siècle d’avance, l’enseignement de Vatican II (cf. SC 10), quand il parle de l’Eucharistie comme source et sommet de la vie chrétienne. 
3 - Par le don de la personnalité se réalise dans le Père Eymard l’effet propre de l’Eucharistie : la transformation en Jésus-Christ, la transformation de l’homme en Dieu. C’est ce qu’ont affirmé les saints, comme Thomas d’Aquin, ou le Concile Vatican II : « La participation au corps et au sang du Christ n’a pas d’autre résultat que de nous transformer en ce que nous recevons » (LG 26). 
4 - Le pape Jean-Paul II, dans son encyclique Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), dit que Marie, dans le mystère de l’incarnation, a anticipé la foi eucharistique de l’Église, elle qui a été le premier « tabernacle » de l’histoire (cf. EE 55). À l’école de Marie, femme « eucharistique », il nous invite à nous conformer au Christ, en nous laissant accompagner par elle (cf. EE 57). C’est aussi la conviction du Père Eymard : la grande mission de Marie est de former Jésus en nous ; pour cela il faut imiter sa vie, surtout son attitude intérieure : « Elle pensait la pensée de Jésus. (…) Elle ne s’occupait en elle-même que de Jésus ou pour Jésus ou en Jésus. Puis elle était si douce, si humble, si servante de tous ! (…) Sa charité était celle de son divin Fils. Je lui ai bien demandé, à cette bonne Mère, l’esprit de douceur, sa douceur, son calme, sa patiente prudence et sagesse » (NR 44, 94).   

En conclusion, le langage reste simple, parfois étrange et difficile à notre compréhension, mais l’ardeur, l’amour, la passion que le Père Eymard nous transmet sont un message actuel pour nous aujourd’hui. L’Eucharistie était devenue pour lui une passion de vie et une passion d’amour : « Ayez une passion eucharistique. Aimez comme un homme aime par passion une personne (…) Celui qui voit notre Seigneur au Saint-Sacrement, qui le voit et en est ravi, va fixer sa pensée en notre Seigneur. Ses pensées suivront : il le connaîtra, le contemplera ; il verra son amour qui se donne et, s’étonnant, il entre dans les profondeurs de l’amour » (PR 124, 1).

Source : notrehistoireavecmarie.mariedenazareth.com/