histoire

1253

CLAIRE D’ASSISE, L’AUDACE D’UNE FEMME LIBRE

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À l’âge de 18 ans, Claire d’Assise (1193-1253) renonce à son héritage et quitte sa famille par amour du Christ pauvre et humilié pour vivre dans la pauvreté à la manière de saint François d’Assise. Retirée dans le petit couvent de Saint-Damien (San Damiano, au sud de la vieille ville d’Assise, en Ombrie, Italie centrale), elle devient la Sœur et la Mère d’une communauté de femmes qui deviendra au fil des siècles une immense famille religieuse, celle des Clarisses.

Une enfance aisée. Claire naît à Assise en 1193 d’une illustre lignée, les Offreduccio. Son père Favarone est chevalier. Sa mère Ortolona est aussi de naissance honorable, elle est pieuse et a fait le pèlerinage outremer vers des lieux saints. Alors qu’elle est prête à accoucher, elle reçoit la promesse de ne pas craindre car elle donnera la vie à une lumière qui illuminera très clairement ce monde. C’est ainsi que la petite fille reçoit le prénom de Claire (d'origine latine, il dérive de l'adjectif « clarus », qui donne au féminin « clara », signifiant éclatant, brillant). Celle-ci passe son enfance et son adolescence dans un milieu familial aisé, mais l’enfant pourvoie volontiers aux besoins des pauvres. Parvenue à l’âge où les jeunes filles se marient, elle refuse tous les hommes que ses parents lui présentent, voulant se garder pour le Christ. 

La conversion de François.
 En 1206 sur la place publique, en présence de l’évêque, François Bernardone renonce avec fracas à la fortune de son père, prend l’habit des pénitents et s’en va sur les routes prêcher l’Évangile. Claire entend parler de François, elle va l’écouter durant le carême de 1210 puis le rencontre. Celui-ci l’engage à se convertir à Jésus-Christ et lui montre le chemin parcouru par le Fils de Dieu qui s’est fait homme, a été humilié, a souffert et a été crucifié. 

La conversion de Claire. Le soir du dimanche des Rameaux de 1211 (certains disent 1212), Claire quitte la maison paternelle avec l’approbation de l’évêque Guido qui, à la messe du matin, lui a remis lui-même la palme (remplacée en France par du « buis »). Elle doit d’abord déblayer seule une porte obstruée par des poutres et des pierres, franchir grâce à une complicité la porte de la ville fermée à cette heure tardive, et rejoindre avec une escorte de Frères la chapelle de Sainte-Marie-de-la-Portioncule (la « petite partie »). Cette humble chapelle est aujourd’hui comprise dans la nef de la basilique Sainte-Marie-des-Anges d’Assise, construite à l’époque moderne. Là, auprès de l’autel de la Vierge Marie et sous sa protection, François coupe les cheveux de Claire et la consacre à Dieu. La biographie primitive rédigée par Thomas de Celano (vers 1190-vers 1260, franciscain italien, premier hagiographe de François et de Claire d'Assise) nous décrit l’événement avec un peu d’emphase : « Il n’aurait pas convenu qu’au soir des temps, l’Ordre de la virginité florissante soit suscité ailleurs que dans le sanctuaire de celle qui, la première et la plus digne entre toutes, seule fut mère et vierge. C’est là le lieu où la nouvelle milice des pauvres, sous la conduite de François entamait ses heureux débuts : ainsi sembla-t-il évident que la Mère de Miséricorde enfanta l’une et l’autre religion en son hôtellerie. » Claire est ensuite conduite par François au monastère des bénédictines de Bastia (à l’ouest d’Assise) puis, quelques jours plus tard, à Saint-Angelo de Panzo (au sud-est d’Assise) où sa jeune sœur Agnès la rejoindra. Elles affrontent toutes les deux avec courage la violente opposition des membres de leur famille. Un peu plus tard, Claire et Agnès se rendent à Saint-Damien, la petite église restaurée par saint François. Là, elles commencent leur vie de sœurs pauvres bientôt rejointes par d’autres compagnes. L’ordre des Pauvres Dames, plus tard dit des Clarisses, était né. 

La vie à Saint-Damien
. Le procès de canonisation qui se déroule trois mois après la mort de Claire et dont les témoignages ont été retrouvés nous donne des informations précieuses sur la vie de Claire et de ses Sœurs au monastère de Saint-Damien. Les Sœurs qui ont vécu avec elle durant de très nombreuses années, pour certaines plus de 40 ans, apportent leurs témoignages sur sa vie, sa conversion et sa conduite. Il en ressort que Claire a mené une vie au plus près de l’Évangile, passant de longues heures en prière. Elle est fascinée par le Christ et n’a de cesse de lui rendre amour pour amour. Claire est une femme passionnée qui veut suivre le chemin de pauvreté emprunté par François, elle s’y donne corps et âme et y laisse sa santé. Elle doit rester plus ou moins alitée pendant 20 ans. Ce qui ne l’empêche pas de filer et de faire faire ensuite dans un tissu très fin des linges d’autel pour les églises des environs d’Assise. 

Des guérisons et des miracles. Claire sert ses Sœurs, surtout les malades, avec beaucoup d’amour. On rapporte plusieurs guérisons qui ont eu lieu grâce à sa prière, ainsi celle de Sœur Bienvenue qui avait une grande plaie sous le bras, ou celle de Sœur Christiane qui était atteinte de surdité, ou celle encore de Sœur Aimée qui était gravement malade d’hydropisie, de fièvre, de toux et avait une douleur au côté. Pour cette dernière, Claire fit un grand signe de la croix avec sa main et aussitôt elle la libéra. La vie à Saint-Damien est rude. Les Sœurs n’ont pas toujours de quoi manger. Il arrive que les produits de première nécessité viennent à manquer. Les Sœurs s’affolent mais Claire remédie au manque par la confiance, et le Seigneur comble ses servantes. Il faut relire le témoignage de Sœur Cécile, le VIe témoin, qui explique que les Sœurs n’avaient plus qu’un demi-pain et que néanmoins Claire commande d’en couper cinquante tranches et de le porter aux Sœurs. Incrédule, la sœur rétorque : « Pour que, de cela on fasse cinquante tranches, il faudrait ce miracle du Seigneur, des cinq pains et des deux poissons », mais Claire lui dit : « Va et fais comme moi, je te dis », et le Seigneur multiplia ce pain de telle sorte que sœur Cécile en fit cinquante tranches bonnes et grandes comme sainte Claire lui avait commandé. 

La mort de François.
 En 1226, Claire est gravement malade et François aussi. Le 4 octobre, elle apprend avec une très grande peine la mort de son saint père François qui était « sa colonne, son unique consolation après Dieu et son appui » (Testament de Sainte Claire, §11). Désormais, elle est bien seule pour défendre l’idéal de pauvreté auquel tous les deux ont cru. Face à Grégoire IX (pape de 1227 à 1241) qui veut lui faire accepter des possessions, elle s’oppose de toutes ses forces. Finalement le 17 septembre 1228, le Pape concède à Claire et à ses sœurs le privilège de la pauvreté. 

Protégées par la prière
. Vers 1240-1241, la vie à Saint-Damien n’est pas sans danger en ces temps où le Pape et l’empereur germanique Frédéric II se font la guerre. Sœur Bienvenue, Sœur Philippa et d’autres Sœurs ont eu la peur de leur vie en voyant les Sarrasins franchir le mur du monastère et descendre dans le cloître. Claire qui est alitée dit à ses Sœurs et filles : « Ne craignez pas, car ils ne pourront pas nous nuire. » Elle se met aussitôt en prière et le danger cesse. L’année suivante, la ville d’Assise est menacée, cette fois encore grâce à sa prière Claire réussit à faire fuir les soldats qui ne causeront aucun dommage. 

Ses écrits. Claire d’Assise est une des rares femmes du Moyen-Âge dont les écrits ont été conservés. Ces textes sont rédigés en latin. Dès 1234, elle entre en contact avec Agnès de Prague, princesse de sang royal qui a connu la vie évangélique de Saint-Damien par les Frères mineurs arrivés à Prague, et qui voudrait elle aussi consacrer sa vie à Jésus-Christ. Claire lui écrit à plusieurs reprises pour l’encourager dans cette voie. Quatre de ses lettres sont parvenues jusqu’à nous. Dans cette correspondance, on sent l’amour de Claire pour le Christ et son désir qu’Agnès aime aussi le Christ plus que tout et le contemple sans cesse. Elle lui donne ce conseil : « Attache-toi à sa très douce Mère qui enfanta un fils tel que les Cieux ne pouvaient le contenir et qu’elle-même, cependant, recueillit dans le petit enclos de son ventre sacré et porta en son sein de jeune fille » (3e Lettre à Agnès 18, 19). 

Vers Jésus avec Marie.
 Outre les lettres à Agnès, Claire est la première femme à avoir écrit une règle qui sera approuvée par le pape Innocent IV, peu de jours avant sa propre mort. Cette forme de vie reprend ce que Claire et ses Sœurs vivent à Saint-Damien. Ce qui lui tient le plus à cœur, c’est la vie en très haute pauvreté que ses Sœurs maintiendront du mieux qu’elles le pourront. Il est à remarquer que lorsque Claire dit qu’elle veut suivre la pauvreté du très haut Seigneur Jésus-Christ, elle associe toujours la Vierge, sa Mère. À quatre reprises dans la règle, nous trouvons cela. Il en est de même dans son testament. Citons comme exemple : « Par amour de l’Enfant très saint et bien-aimé, enveloppé de pauvres petits langes, couchés dans une crèche, et de sa Très Sainte Mère, j’avertis, je supplie et j’exhorte mes Sœurs à toujours se vêtir de vêtements vils » (Règle de Claire 2, 24). Pour Claire, la Vierge Marie est la Mère qu’elle ne dissocie jamais de son Fils, le très haut Seigneur Jésus-Christ. Elle vit d’une spiritualité christique et près du Fils, elle rencontre Marie sa Mère. 

Dies natalis, 11 août 1253. Le lendemain de la fête de saint Laurent, le Seigneur vient chercher sa fidèle épouse âgée de 59 ans. La Sœur qui la veille voit de ses yeux de chair la Vierge Marie venir à son chevet. Thomas de Celano raconte : « Voici qu’entre une foule de vierges en vêtements blancs, qui portaient toutes sur la tête des couronnes d’or. Parmi elles, avance une vierge plus éclatante que les autres, dont la couronne, offrant à son sommet l’apparence d’un encensoir ajouré, rayonne d’une splendeur si grande qu’elle change en lumière du jour la nuit régnant à l’intérieur de la maison. Elle avance vers le petit lit où était couchée l’épouse du Fils et s’inclinant sur elle avec un très grand amour, elle lui donne une douce étreinte. » C’est ainsi que la bienheureuse Claire est passée de ce monde au Père. 

La naissance d’une sainte.
 Le pape Innocent IV, présent à Assise, célèbre lui-même les obsèques de Claire, avec les prélats de la Curie. Deux années plus tard, le 15 août 1255, elle est canonisée par le pape Alexandre IV en la cathédrale Santa Maria d'Anagni. Presque simultanément, commencent les travaux d'une église à Assise, la basilique Sainte-Claire destinée à honorer la sainte. En 1260, le corps de sainte Claire est transféré dans cette église et il n’en bougera pas. Actuellement ses ossements sont dans un reliquaire déposé sous le gisant de cire que vénèrent les pèlerins.   

 Claire d’Assise a été proclamée patronne de la télévision dans le monde par Pie XII le 14 février 1958. En effet, une nuit de Noël, clouée au lit depuis près de 30 ans, elle aurait vu et entendu la messe chez les Frères, donc bien loin de son lieu d'alitement. Elle est aussi la patronne des télécommunications, des brodeuses, des lavandières, des blanchisseurs et des repasseuses. Grâce à son nom, et parce qu'elle aurait eu, sur son lit de mort, la vision de ses obsèques, elle est aussi la patronne des aveugles.

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 Les écrits de sainte Claire. 
 Claire d’Assise a écrit : 
-       Forme de vie, inspirée par la Règle des Frères mineurs, que l’on nomme plus couramment la Règle, mot que Claire n’emploie pas ; 
 -       un Testament ; 
 -       quatre lettres à Agnès de Prague ; 
 -       une lettre à Ermentrude de Bruges, que l’on soupçonne fortement d’être une compilation par un copiste de deux lettres aujourd’hui perdues ; 
 -       une Bénédiction de Claire à ses Sœurs. 
Si la liste peut paraître courte, il convient de se rappeler que les femmes écrivaient peu à l’époque. Claire est la première femme à avoir écrit une règle religieuse. On peut également noter un parallèle – limité – avec certains écrits de saint François. 
Deux autres textes importants nous font connaître Claire et la vie à Saint-Damien : La Vie de Claire, de Thomas de Celano, et surtout les Actes du procès de canonisation de Claire, qui contiennent les dépositions des Sœurs de Claire, qui ont vécu avec elle. 
Les témoignages et les lettres sont en quelque sorte l’application pratique de la Règle, avant que celle-ci fut écrite. 

Les fondations des Clarisses. 
De nombreux monastères adoptèrent le mode de vie, puis les différentes règles des Clarisses. On n’en connaît pas avec certitude les dates de fondation, sauf pour certains, comme le monastère de Monticelli, 1221, où Agnès d'Assise, sœur de Claire, fut envoyée comme abbesse, ou celui de Prague, créé en 1233 par Agnès de Prague, fille du roi de Bohême Ottokar Ier, qui bénéficia d’une correspondance suivie avec sainte Claire (au moins 4 lettres qui nous sont parvenues) ; ou celui de Bruges créé, vers 1245, par Ermentrude, autre correspondante de Claire. Une lettre du cardinal Raynald, futur Alexandre IV, fait état de 24 couvents en 1228. À la mort de Claire, on en compte environ 130, dont 76 en Italie, 22 en Espagne, 13 en France et deux en Terre-Sainte. Aujourd’hui, il existe plus de 13 000 Clarisses dans le monde au sein d’environ 900 monastères.   

Les Clarisses en France. 
Par son insistance sur l’intériorité et sa dévotion mariale, l’ordre des Clarisses a rapidement séduit la France, qui devient dès les origines un des principaux pays de son implantation. Le premier couvent fut celui de Reims vers 1220, environ dix ans après la rencontre entre Claire et François d’Assise. Quelques années plus tard, sont fondés les couvents de Béziers (1240), de Nîmes (1240), de Perpignan (1240) et de Toulouse (1247). En 1255, le roi saint Louis participe à la création d’une communauté de Clarisses à Longchamp (près de l’actuel hippodrome, non loin du bois de Boulogne) pour sa sœur Isabelle. Aujourd’hui encore, la France abrite un millier de Clarisses.   

Audience générale du pape Benoît XVI sur Claire d’Assise (15 septembre 2010).
 
Chers frères et sœurs, 
L’une des saintes les plus aimées est sans aucun doute sainte Claire d’Assise, qui vécut au XIIIe siècle, et qui fut contemporaine de saint François. Son témoignage nous montre combien l’Église tout entière possède une dette envers des femmes courageuses et riches de foi comme elle, capables d’apporter une impulsion décisive au renouveau de l’Église. 
Qui était donc Claire d’Assise ? Pour répondre à cette question, nous possédons des sources sûres : non seulement les anciennes biographies, comme celles de Thomas de Celano, mais également les Actes du procès de canonisation promu par le Pape quelques mois seulement après la mort de Claire et qui contiennent les témoignages de ceux qui vécurent à ses côtés pendant longtemps. 
Née en 1193, Claire appartenait à une riche famille aristocratique. Elle renonça à la noblesse et à la richesse pour vivre dans l’humilité et la pauvreté, adoptant la forme de vie que François d’Assise proposait. Même si ses parents, comme cela arrivait alors, projetaient pour elle un mariage avec un personnage important, à 18 ans, Claire, à travers un geste audacieux inspiré par le profond désir de suivre le Christ et par son admiration pour François, quitta la maison paternelle et, en compagnie de son amie, Bona de Guelfuccio, rejoignit en secret les frères mineurs dans la petite église de la Portioncule. C’était le soir du dimanche des Rameaux de l’an 1211. Dans l’émotion générale, fut accompli un geste hautement symbolique : tandis que ses compagnons tenaient entre les mains des flambeaux allumés, François lui coupa les cheveux et Claire se vêtit d’un habit de pénitence en toile rêche. A partir de ce moment, elle devint l’épouse vierge du Christ, humble et pauvre, et se consacra entièrement à Lui. Comme Claire et ses compagnes, d’innombrables femmes au cours de l’histoire ont été fascinées par l’amour pour le Christ qui, dans la beauté de sa Personne divine, remplit leur cœur. Et l’Église tout entière, au moyen de la mystique vocation nuptiale des vierges consacrées, apparaît ce qu’elle sera pour toujours : l’Épouse belle et pure du Christ. 
L’une des quatre lettres que Claire envoya à sainte Agnès de Prague, fille du roi de Bohême, qui voulut suivre ses traces, parle du Christ, son bien-aimé Époux, avec des expressions nuptiales qui peuvent étonner, mais qui sont émouvantes : « Alors que vous le touchez, vous devenez plus pure, alors que vous le recevez, vous êtes vierge. Son pouvoir est plus fort, sa générosité plus grande, son apparence plus belle, son amour plus suave et son charme plus exquis. Il vous serre déjà dans ses bras, lui qui a orné votre poitrine de pierres précieuses... lui qui a mis sur votre tête une couronne d'or arborant le signe de la sainteté » (Première Lettre : FF, 2862). 
En particulier au début de son expérience religieuse, Claire trouva en François d’Assise non seulement un maître dont elle pouvait suivre les enseignements, mais également un ami fraternel. L’amitié entre ces deux saints constitue un très bel et important aspect. En effet, lorsque deux âmes pures et enflammées par le même amour pour le Christ se rencontrent, celles-ci tirent de leur amitié réciproque un encouragement très profond pour parcourir la voie de la perfection. L’amitié est l’un des sentiments humains les plus nobles et élevés que la Grâce divine purifie et transfigure. Comme saint François et sainte Claire, d’autres saints également ont vécu une profonde amitié sur leur chemin vers la perfection chrétienne, comme saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise de Chantal. Et précisément saint François de Sales écrit : « Il est beau de pouvoir aimer sur terre comme on aime au ciel, et d’apprendre à s’aimer en ce monde comme nous le ferons éternellement dans l’autre. Je ne parle pas ici du simple amour de charité, car nous devons avoir celui-ci pour tous les hommes ; je parle de l’amitié spirituelle, dans le cadre de laquelle, deux, trois ou plusieurs personnes s’échangent les dévotions, les affections spirituelles et deviennent réellement un seul esprit. » (Introduction à la vie de dévotion, III, 19). 
Après avoir passé une période de quelques mois auprès d’autres communautés monastiques, résistant aux pressions de sa famille qui, au début, n’approuvait pas son choix, Claire s’établit avec ses premières compagnes dans l’église Saint-Damien où les frères mineurs avaient préparé un petit couvent pour elles. Elle vécut dans ce monastère pendant plus de quarante ans, jusqu’à sa mort, survenue en 1253. Une description directe nous est parvenue de la façon dont vivaient ces femmes au cours de ces années, au début du mouvement franciscain. Il s’agit du compte-rendu admiratif d’un évêque flamand en visite en Italie, Jacques de Vitry, qui affirme avoir trouvé un grand nombre d’hommes et de femmes, de toute origine sociale, qui « ayant quitté toute chose pour le Christ, fuyaient le monde. Ils s’appelaient frères mineurs et sœurs mineures et sont tenus en grande estime par Monsieur le Pape et par les cardinaux... Les femmes... demeurent ensemble dans divers hospices non loin des villes. Elle ne reçoivent rien, mais vivent du travail de leurs mains. Et elles sont profondément attristées et troublées, car elles sont honorées plus qu’elles ne le voudraient, par les prêtres et les laïcs » (Lettre d’octobre 1216 : FF, 2205.2207). 
Jacques de Vitry avait saisi avec une grande perspicacité un trait caractéristique de la spiritualité franciscaine à laquelle Claire fut très sensible : la radicalité de la pauvreté associée à la confiance totale dans la Providence divine. C'est pour cette raison qu'elle agit avec une grande détermination, en obtenant du Pape Grégoire IX ou, probablement déjà du Pape Innocent III, celui que l’on appela le Privilegium Paupertatis (cf. FF, 3279). Sur la base de celui-ci, Claire et ses compagnes de Saint-Damien ne pouvaient posséder aucune propriété matérielle. Il s'agissait d'une exception véritablement extraordinaire par rapport au droit canonique en vigueur et les autorités ecclésiastiques de cette époque le concédèrent en appréciant les fruits de sainteté évangélique qu’elles reconnaissaient dans le mode de vie de Claire et de ses consœurs. Cela montre que même au cours des siècles du Moyen-Âge, le rôle des femmes n'était pas secondaire, mais considérable. A cet égard, il est bon de rappeler que Claire a été la première femme dans l'histoire de l’Église à avoir rédigé une Règle écrite, soumise à l'approbation du Pape, pour que le charisme de François d'Assise fût conservé dans toutes les communautés féminines qui étaient fondées de plus en plus nombreuses déjà de son temps et qui désiraient s'inspirer de l'exemple de François et de Claire. 
Dans le couvent de Saint-Damien, Claire pratiqua de manière héroïque les vertus qui devraient distinguer chaque chrétien : l'humilité, l'esprit de piété et de pénitence, la charité. Bien qu'étant la supérieure, elle voulait servir personnellement les sœurs malades, en s'imposant aussi des tâches très humbles : la charité en effet, surmonte toute résistance et celui qui aime accomplit tous les sacrifices avec joie. Sa foi dans la présence réelle de l'Eucharistie était si grande que, par deux fois, un fait prodigieux se réalisa. Par la seule ostension du Très Saint Sacrement, elle éloigna les soldats mercenaires sarrasins, qui étaient sur le point d'agresser le couvent de Saint-Damien et de dévaster la ville d'Assise. Ces épisodes aussi, comme d'autres miracles, dont est conservée la mémoire, poussèrent le Pape Alexandre IV à la canoniser deux années seulement après sa mort, en 1255, traçant un éloge dans la Bulle de canonisation, où nous lisons : « Comme est vive la puissance de cette lumière et comme est forte la clarté de cette source lumineuse. Vraiment, cette lumière se tenait cachée dans la retraite de la vie de clôture et dehors rayonnaient des éclats lumineux ; elle se recueillait dans un étroit monastère, et dehors elle se diffusait dans la grandeur du monde. Elle se protégeait à l'intérieur et elle se répandait à l'extérieur. Claire en effet, se cachait : mais sa vie était révélée à tous. Claire se taisait mais sa renommée criait. » (FF, 3284). Et il en est véritablement ainsi, chers amis : ce sont les saints qui changent le monde en mieux, le transforment de manière durable, en insufflant les énergies que seul l'amour inspiré par l’Évangile peut susciter. Les saints sont les grands bienfaiteurs de l'humanité ! 
La spiritualité de sainte Claire, la synthèse de sa proposition de sainteté est recueillie dans la quatrième lettre à sainte Agnès de Prague. Sainte Claire a recours à une image très répandue au Moyen-Âge, d'ascendance patristique, le miroir. Et elle invite son amie de Prague à se refléter dans ce miroir de perfection de toute vertu qu'est le Seigneur lui-même. Elle écrit : « Heureuse certes celle à qui il est donné de prendre part au festin sacré pour s'attacher jusqu'au fond de son cœur [au Christ], à celui dont toutes les troupes célestes ne cessent d'admirer la beauté, dont l'amitié émeut, dont la contemplation nourrit, dont la bienveillance comble, dont la douceur rassasie, dont le souvenir pointe en douceur, dont le parfum fera revivre les morts, dont la vue en gloire fera le bonheur des citoyens de la Jérusalem d'en haut. Tout cela puisqu'il est la splendeur de la gloire éternelle, l'éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache. Ce miroir, contemple-le chaque jour, ô Reine, épouse de Jésus-Christ, et n'arrête d'y contempler ton apparence afin que... tu puisses, intérieurement et extérieurement, te parer comme il convient... En ce miroir brillent la bienheureuse pauvreté, la sainte humilité et l'ineffable charité» (Quatrième lettre :FF, 2901-2903). 
Reconnaissants à Dieu qui nous donne les saints qui parlent à notre cœur et nous offrent un exemple de vie chrétienne à imiter, je voudrais conclure avec les mêmes paroles de bénédiction que sainte Claire composa pour ses consœurs et qu'aujourd'hui encore les Clarisses, qui jouent un précieux rôle dans l’Église par leur prière et leur œuvre, conservent avec une grande dévotion. Ce sont des expressions où émerge toute la tendresse de sa maternité spirituelle: « Je vous bénis dans ma vie et après ma mort, comme je peux et plus que je le peux, avec toutes les bénédictions par lesquelles le Père des miséricordes pourrait bénir et bénira au ciel et sur la terre les fils et les filles, et avec lesquelles un père et une mère spirituelle pourraient bénir et béniront leurs fils et leurs filles spirituels. Amen. » (FF, 2856).

Source : Sœur Claire-AlixOsc, monastère des Clarisses de Senlis - Marie de Nazareth

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