Tapisseries de la vie de la Vierge

Reconstitution du chœur de Notre-Dame dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Reconstitution du chœur : Laurence Stefanon pour Parigramme – Montage : NDP

Laine, soie.
Livrées entre 1638 et 1657 pour le chœur de Notre-Dame de Paris, aujourd’hui conservées à la cathédrale de Strasbourg.
Charles Poerson, dessin. Atelier de Pierre Damour, tissage.

Le 10 février 1638, le roi Louis XIII consacre la France à la Vierge. De par ce vœu, sont instaurées dans tout le royaume les processions mariales aux fêtes de l’Assomption. La première eut lieu à Notre-Dame de Paris le 15 août 1638. La cathédrale de Paris devient ainsi le mémorial perpétuel de cet acte de consécration. Chaque année, le vœu royal y sera et y est toujours commémoré.

Dans son vœu, Louis XIII prend l’engagement de faire « reconstruire de nouveau le grand autel de l’Église Cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge, qui tienne entre ses bras celle de son précieux Fils descendu de la Croix », et de se faire représenter « aux pieds, et du Fils et de la Mère, comme leur offrant nostre Couronne et nostre Sceptre ». Cette représentation sera peinte par Philippe de Champaigne (1602-1674) pour le 15 août 1638. Pour s’associer à l’initiative du roi, le cardinal de Richelieu (1585-1642), premier ministre, décide d’offrir quatre tapisseries sur le thème de la vie de la Vierge. Cette donation se fait par l’intermédiaire de son intendant, Michel Le Masle (1587-1662), chanoine de Notre-Dame de Paris. La série complète, achevée en 1657, comprend quatorze tapisseries qui ornent le chœur de la cathédrale lors des grandes fêtes jusqu’à la fin du XVIIe siècle : 1. La Naissance de la Vierge, 2. La Présentation de la Vierge au Temple, 3. Le Mariage de la Vierge, 4. L’Annonciation, 5. La Visitation, 6. La Nativité, 7. L’Adoration des mages, 8. La Purification de la Vierge, 9. La Fuite en Égypte, 10. Jésus parmi les docteurs de la Loi, 11. Les Noces de Cana, 12. La Dormition de la Vierge, 13. L’Assomption de la Vierge, 14. Le Couronnement de la Vierge. Trois illustres peintres interviennent successivement pour les dessins des tapisseries : Philippe de Champaigne (1602-1674), Jacques Stella (1596-1657) et Charles Poerson (1610-1667) ; ce dernier réalise le tableau du May de 1642, La Prédication de saint Pierre à Jérusalem, visible aujourd’hui dans la chapelle Saint-Pierre.

La reconstruction du maître-autel voulu par Louis XIII ne se concrétise que dans la dernière partie du règne de Louis XIV ; la réalisation « d’une magnificence au-dessus du premier projet » débute en 1699 et aboutit à la réfection de l’ensemble du chœur. Un décor baroque grandiose est mis en place ; il en subsiste encore aujourd’hui les stalles et la Piéta entourée des statues de Louis XIII, remettant sa couronne et son sceptre à la Vierge, et de Louis XIV. Terminé en 1717, le nouveau chœur est orné de marbres, bronzes, boiseries et grands tableaux ; les tapisseries sont reléguées dans les réserves. Les chanoines en accordent alors des dépôts temporaires dans les églises de Paris qui en font la demande, ce qui nuit à leur état de conservation. Dès 1720, ils font mention de l’inutilité de cet ensemble, plus souvent roulé qu’exposé, et de son entretien couteux. Décision est alors prise en 1730 de vendre les tapisseries « …au meilleur prix… ».

En 1739, l’offre du Chapitre de la cathédrale de Strasbourg est acceptée, les quatorze pièces quittent Paris, une inscription est ajoutée dans la partie basse pour rappeler cette date d’acquisition : Sumptibus Reverentissimi Et Illustrissimi Capituli Argentinesis Pro Usu Cathedralis Ecclesiae – Anno 1739. « Acquis par le très révérend et très illustre chapitre de Strasbourg à l’usage de l’Église cathédrale en 1739. » Ne pouvant trouver place dans le chœur de la cathédrale de Strasbourg, c’est dans la nef que les quatorze tapisseries seront et sont toujours suspendues, tous les ans au mois de décembre, pendant l’Avent et le temps de Noël.

 

L’Annonciation Livrée entre 1652 et 1654. Charles Poerson, dessin. Atelier de Pierre Damour, tissage. © David Bordes. L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge […] ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. […] Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. » […] Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » Évangile selon saint Luc (1, 26-38)

La Visitation Livrée entre 1652 et 1654. Charles Poerson, dessin. Atelier de Pierre Damour, tissage. © David Bordes. Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. […] » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur… » Évangile selon saint Luc (1, 39-56)

L’Assomption Livrée entre 1654 et 1657. Charles Poerson, dessin. Atelier de Pierre Damour, tissage. © David Bordes Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste. Pie XII, Constitution apostolique Munificentissimus Deus, 1950

Le Couronnement de la Vierge Livrée en 1657. Charles Poerson, dessin. Atelier de Pierre Damour, tissage. © David Bordes. Ave, Regína cælórum, Ave, Dómina Angelórum, Sálve rádix, sálve, pórta, Ex qua múndo lux est órta. Gáude, Vírgo gloriósa, Super ómnes speciósa ; Vále, o valde decóra, Et pro nóbis Christum exóra. Salut, Reine des cieux ! Salut, souveraine des anges ! Salut, tige de Jessé ! Salut, porte d’où la lumière s’est levée sur le monde ! Réjouis-toi, Vierge glorieuse, qui l’emportes sur toutes en beauté ! Adieu, ô toute belle, et prie le Christ pour nous. Ave Regina Cælorum, antienne mariale, XIIe siècle

 

Notre-Dame de Paris et le vœu de Louis XIII, une dévotion contemporaine

Le 10 février 1638, le roi Louis XIII consacre la France à la Vierge. De par ce vœu sont instaurées dans toute la France les processions mariales aux fêtes de l’Assomption, la première à Notre-Dame le 15 août 1638. La cathédrale de Paris devient ainsi le reliquaire perpétuel de cet acte de consécration, chaque année y sera commémoré le vœu royal. Certaines années seront plus particulièrement marquées, au rang desquelles : le centenaire, en présence de Louis XV, le tricentenaire et, en 1988, le 350ème anniversaire présidé par le cardinal Lustiger alors archevêque de Paris.

Louis XIII prendra aussi parallèlement à ce vœu l’engagement de faire reconstruire le chœur et le maître-autel de Notre-Dame de Paris. Ce chantier, débuté en 1699, ne sera exécuté que dans la dernière partie du règne de Louis XIV. Sera ainsi mis en place un décor baroque grandiose conçu par Hardouin-Mansart et de Cotte, dont subsiste encore aujourd’hui les stalles et, dominant la perspective de la cathédrale, la Piéta de Coustou entourée des statues de Louis XIII, remettant sa couronne et son sceptre à la Vierge, et de Louis XIV.

Si la tradition du renouvellement du vœu s’est perpétuée (hormis pendant les périodes révolutionnaires), celle de la procession dans Paris s’était éteinte au XIXe siècle au profit d’une procession à l’intérieur de la cathédrale. C’est en 1988, à l’occasion du 350ème anniversaire du vœu, que le Père Jacques Perrier, alors curé-archiprêtre de la cathédrale, réinitia cette tradition en « sortant » de la cathédrale la statue en argent de la Vierge offerte par Charles X en 1826. Cette procession mariale se perpétue depuis, s’étendant même au fil des années, et parcourt aujourd’hui les Îles de la Cité et Saint-Louis via les quais de la Rive Gauche. Au milieu des 150 000 pèlerins, fidèles et visiteurs qui passeront à Notre-Dame pour ces fêtes de l’Assomption, 5 000 assisteront le 14 au soir à la procession fluviale embarqués dans treize bateaux sur la Seine et plus de 10 000, le 15 après-midi, à la procession dans les rues de Paris. Cette dernière se clôt dans la cathédrale, comme depuis 1638, par le renouvellement du vœu de Louis XIII :
Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis, et que, soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix, que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire.

Si ces célébrations ont toujours été présidées par le cardinal-archevêque de Paris ou l’un de ses auxiliaires, elles le sont depuis plusieurs années par des cardinaux-préfets (en 2010 le cardinal Claudio Hummes, préfet de la Congrégation pour le clergé, en 2011 le cardinal Marc Ouellet, préfet pour la Congrégation pour les évêques et président de la Commission pontificale pour l’Amérique Latine, en 2012 Monseigneur Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation). Outre l’intérêt particulier porté et renouvelé chaque année par le Saint Père à ces célébrations à Notre-Dame de Paris, il y a dans ces manifestations le signe fort que la nouvelle évangélisation, au travers des prières pour la France, engage l’avenir et s’appuie sur la Vierge au travers de l’acte de consécration de Louis XIII.

Projet d’accrochage des quatre tapisseries dans les transepts de la cathédrale. Photos : P. Lemaître, D. Bordes. Montage : NDP.

Source - www.notredamedeparis.fr