Psaume 51, un commentaire.

Le roi David à la harpe. Gerard van Honthorst, 1622 – Musée central d’Utrecht, NL.              

En ces temps chahutés, et pour des raisons évidentes, sauf pour bien des inconscients dont on rencontre un grand nombre, y-compris parmi nous, le Psaume 51 mérite une petite incursion. Le plus célèbre des quatre Psaumes Pénitentiels évoque la prière devant le prophète Nathan quand David reconnaît son plus grave péché. Il ne suppose pas que le péché puisse être impossible, ou quelque faute qu’on pourrait éventuellement commettre dans quelque vague et lointain avenir.

La prière débute au temps passé, reconnaissant un fait : nous avons péché. C’est un fait, et non une question théorique. « où allons-nous ? » Quand on va commettre un péché, on ne réécrit pas l’histoire. On le commet. La seule solution pour notre condition désordonnée se trouve dans la miséricorde de Dieu. David veut que sa faute soit "pleinement" lavée.

Comme St. Augustin, David ouvre son cœur : « je reconnais ma faute. » Bien sûr, la plupart des gens au palais étaient au courant. Mais le fait qu’il la reconnaisse personnellement est un premier pas essentiel. Même si le pécheur a reçu le pardon, son péché demeure constamment à ses yeux, guère facile à oublier. Il ajoute alors, ce qui est surprenant, 6« contre toi, toi seul, j’ai péché. » David n’a-t-il pas péché contre l’homme qu’il a tué pour couvrir sa retraite ? Pourquoi implorer Dieu ?

Dans Phédon, de Platon, dans Le Tartare, la rémission du péché ne peut être accordée que par le pardon de la victime du meurtre. Quant à nous, il faut « pardonner à ceux qui nous ont offensés ». Mais ce n’est pas tout. En fait, tous les péchés sont commis contre une créature aimée de Dieu. Nous avons "commis le mal" devant Dieu comme le déclare le Psalmiste.

Pécher aux yeux de Dieu, c’est, en fait, se savoir privé de cachette. Chaque instant de nos existences a un sens car c’est en leur cours que nous pouvons "commettre le mal" aux yeux de Dieu. C’est là qu’on trouve un élément essentiel de ce qu’on appelle "dignité humaine". Le Psalmiste précise que le péché étant commis contre Dieu mérite la "sentence" prononcée dans le jugement et la "condamnation" par le Seigneur si nécessaire.

Et le Psalmiste poursuit : « Vois, mauvais je suis né, . . . ». Ce passage ne signifie nullement que les petits enfants soient privés de l’innocence accordée par le Seigneur. Mais il précise que nous sommes nés porteurs des conséquences d’un désordre, qu’on appelle "péché originel ». Nous devons reconnaître que le pire peut survenir, de notre fait. En vérité, c’est bien nous qui choisissons de commettre le péché qui se présente.

La situation n’est pas désespérée, même si « pécheur ma mère m’a conçu. » Ces mots bien crus ne sont pas écrits pour attirer quelque aspersion sur nos braves mères. Ils nous préparent à aborder la "vallée de larmes" qui accompagne toute vie humaine, même si avec St. Paul nous soutenons qu’en définitive « la mort ne peut vaincre ». David, s’adressant au Seigneur, déclare : « Vois, tu apprécies la sincérité du cœur, et tu enseignes la sagesse au plus profond de mon être. » Nous ne sommes pas lotis ainsi par nous-mêmes. La sagesse surpasse le péché, mais n’en conteste pas la réalité.

« Ôte mes taches avec l’hysope, je serai pur ; lave moi, je serai blanc plus que neige. » Une obscure existence de péché reste entourée de la clarté de la neige fraîchement tombée. Le péché n’a pas le dernier mot sauf si nous en décidons ainsi. Dieu ne nous pousse pas à agir contre notre propre gré. En fait, Il ne pourrait pas nous rendre libres puis S’éloigner et nous faire agir hors du péché. Là n’est pas le problème.
Que désire entendre le pécheur ? « Rends-moi le son de la joie et de la fête, .

. . . . Détourne ta face de mes fautes, et tout mon mal, efface-le. » À tout grand pécheur, grand remède. David désire entendre ces immenses retentissements de joie et de bonheur alors qu’il sait avoir contrevenu aux conditions pour les mériter. Il souhaite simplement que toute faute soit effacée.

En fait, il promet, avec ce pardon, « Aux rebelles j’enseignerai tes voies ». D’évidence, il a reçu une nouvelle forme de sagesse après sa faute et le pardon. Parfois, les gens les plus compréhensifs envers les pécheurs sont d’autres pécheurs ayant assez vécu dans le péché pour savoir que le péché n’est pas une plaisanterie.

Le pardon est indispensable pour retrouver une existence normale. On ne conseillera nullement de repartir, puis pecca fortiter, selon Luther. Sur toute vie humaine plane l’idée "nul ne connaît le jour et l’heure".

Et voici ma dernière citation de ce Psaume : « Dieu, crée pour moi un cœur pur, restaure en ma poitrine un esprit magnanime. » Hauts les cœurs ! La rédemption est proche.

par le père James V. Schall, S.J. - The Catholic Thing