Dialogues du Pape saint Grégoire le Grand

Vie et miracles du saint Abbé Benoît / 1

Saint-Grégoire le Grand

Le pape saint Grégoire le Grand vécut de 540 à 604. Il est docteur de l'Eglise, sa fête a lieu le 3 septembre. Né à Rome dans une famille patricienne, il devint préfet de la ville. En 575, ayant renoncé à ses charges et à sa fortune, il devint moine et se retira dans un monastère qu'il fonda et établit sous la règle bénédictine. Après une ambassade à Byzance pour le compte du pape Gélase II, il fut élu pape et eût à organiser la défense et l'organisation de Rome lors de l'invasion des lombards ainsi qu'à négocier avec eux, pour éviter un plus grand malheur à la ville. Ce fut lui qui envoya saint Augustin de Cantorbéry en Grande-Bretagne pour évangéliser ce pays. Il tourna l'Eglise vers les jeunes nations barbares qui s'étaient implantées dans les ruines de l'ancien empire Romain d'Occident. On doit à saint Grégoire de nombreuses lettres, homélies, dialogues et traités de pastorale. Il est à l'origine d'une réforme liturgique et le chant dit "grégorien" porte son nom.
Il nous a rapporté la vie de saint Benoît de Nursie (480-547) au livre II de ses dialogues sur les miracles des pères d'Italie, dont on trouvera ci-après une traduction.

 

 

Saint-Grégoire le Grand

Extrait de l'introduction

1. Un beau jour, alors que je me sentais oppressé par le tumulte des affaires séculières, car nous sommes bien forcés de nous y plonger pour les résoudre, ce qui, certes, ne relève pas du devoir de notre charge, je me retirai dans un endroit secret confident de mes peines, où tout ce qui me déplaisait dans mes occupations m'apparaîtrait ouvertement, et où toutes les affaires qui m'infligent une continuelle douleur pourraient librement se rassembler devant mes yeux.
2. J'étais là depuis longtemps, assis et prostré dans mon silence: arrive alors mon très cher fils le diacre Pierre; depuis la fleur de sa jeunesse, il s'est attaché à moi comme à sa famille, par des liens amicaux, et il est devenu mon compagnon pour scruter la parole sacrée. Voyant que mon cœur se consumait de tristesse, il me dit: "Est-il donc arrivé quelque chose de nouveau, que tu sois tenaillé par le chagrin plus qu'à l'ordinaire?"
3. A quoi je répondis: cette peine, Pierre, dont je souffre quotidiennement m'est toujours ancienne par un long usage, et toujours nouvelle parce qu'elle augmente.
6. Parfois, pour augmenter encore ma douleur, me revient en mémoire la vie de ceux qui ont quitté de tout leur cœur le siècle présent: regardant le sommet où ils sont parvenus, je prends encore davantage conscience des bas-fonds où je gis. La plupart ont plu à leur Créateur en menant une vie retirée, et pour que l'usure des affaires humaines ne ternisse pas leur fraîcheur d'âme, le Dieu tout-puissant n'a pas voulu qu'ils soient employés aux labeurs de ce monde.
7. Mais maintenant, je me ferai mieux comprendre si je distingue questions et réponses en mettant devant le nom de chacun.
Pierre: Je n'en connais pas beaucoup en Italie dont la vie ait brillé par les miracles.
8. Grégoire: Si je me contentais de raconter les seuls exemples d'hommes parfaits et éprouvés que moi, pauvre petit homme, j'ai appris de témoins bons et fidèles, le jour tomberait, je pense, avant que ne cesse mon récit.

De la vie et des miracles du saint Abbé Benoît

Introduction

1. Il y eut un homme de sainte vie, Benoît, béni par la grâce et par le nom. Dès le temps de sa jeunesse, il portait en lui un cœur digne de celui d’un vieillard: dépassant son âge par ses mœurs, il ne livra son âme à aucune jouissance, mais alors qu’il vivait encore sur cette terre et qu’il avait la possibilité d’en user librement pour un temps, il méprisa d’emblée le monde avec sa fleur comme un sol aride. Issu d’une très bonne famille libre de la province de Nursie, on l’envoya à Rome pour s’y livrer à l’étude libérale des lettres. Mais il s’aperçut que c’était l’occasion pour beaucoup de tomber dans l’abîme des vices: aussi – pour ainsi dire – à peine avait-il mis les pieds dans le monde qu’il les retira, de peur que, pour avoir pris quelque contact avec ladite science, il ne soit en contrepartie précipité tout entier dans l’abîme. Méprisant donc l’étude des lettres, il se mit en quête d’un genre de vie sainte. Aussi se retira-t-il, savamment ignorant et sagement inculte. 2. Je n’ai pas pris connaissance de toutes ses actions, mais le peu que je raconte, je le tiens de quatre de ses disciples: Constantin, un saint homme, qui lui a succédé dans le gouvernement de son monastère, Valentinien qui, pendant de longues années, fut à la tête de celui du Latran, Simplicien qui fut le troisième à diriger la communauté après lui; Honorat, enfin, qui gouverne encore le petit monastère où il vécut tout d’abord.

... à suivre.

 

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