COURTE MÉDITATION AVEC ...

Saint-Augustin

  

DE LA CITÉ DE DIEU

   Il importe peu à cette cité, qu'en professant la foi qui conduit à Dieu, l'on adopte tel ou tel genre de vie, pourvu qu'il ne soit pas contraire aux préceptes divins. Elle n'impose donc pas aux philosophes eux-mêmes, quand ils se font chrétiens, de changer leur tenue et leurs manières de vivre, si elles n'ont rien de contraire à la religion, mais bien de renoncer à leurs fausses doctrines. Quant aux trois genres de vie: loisir, action, union des deux, chacun est libre, la foi étant sauve, d'adopter celui qu'il veut, pour parvenir ainsi aux récompenses éternelles; l'important est de ne pas perdre de vue ce que l'amour de la vérité nous fait conserver et ce que le devoir de la charité nous fait sacrifier.
   Mais on ne doit pas vivre dans le loisir au point d'oublier au cours de ce loisir le souci d'être utile au prochain, ni dans l'activité, au point de négliger la recherche de la contemplation de Dieu. Dans le loisir, ce n'est pas le désoeuvrement qu'on doit aimer, mais la recherche ou la découverte de la vérité, pour y faire des progrès, sans refuser de partager avec autrui ce qu'on aurait trouvé. Dans l'action, ce n'est pas aux dignités de cette vie ni au pouvoir qu'il faut s'attacher, car tout est vanité sous le soleil; c'est à l'oeuvre elle-même, accomplie dans l'exercice de ces dignités et de ce pouvoir, pourvu qu'elle soit droite et utile, c'est-à-dire capable de contribuer, selon le plan divin, au salut de ceux qui nous sont soumis.
   Ainsi la recherche de la vérité n'est interdite à personne; elle fait partie du loisir digne de louange: mais une haute fonction indispensable au gouvernement du peuple, fût-elle tenue et exercée comme il convient, il ne convient pas de la désirer. C'est donc l'amour de la vérité qui recherche le saint loisir; la fonction légitime, c'est le devoir de la charité qui la fait accepter. Si personne ne nous impose ce fardeau, il faut s'adonner à l'étude et à la contemplation de la vérité; si l'on nous l'impose, il faut l'accepter comme l'exige le devoir de la charité; même alors, cependant, il ne faut pas renoncer complètement aux joies de la vérité, de peur que la suavité de l'une ne vienne à nous manquer, et la nécessité de l'autre à nous accabler.

 

HAUT DE PAGE