SAINTE AGATHE - VIERGE ET MARTYRE

5 février

   Déjà deux de ces quatre illustres Vierges dont le souvenir est associé aux mérites de l'Agneau, dans la célébration du Sacrifice, ont passé devant nous dans leur marche triomphale sur le Cycle de la sainte Église; la troisième se lève aujourd'hui sur nous, comme un astre aux plus doux rayons. Après Lucie et Agnès, Agathe vient nous consoler par sa gracieuse visite. La quatrième, l'immortelle Cécile, se lèvera en son temps, lorsque l'année inclinant à sa fin, le ciel de l'Église paraîtra tout à coup resplendissant de la plus magnifique constellation. Aujourd'hui fêtons Agathe, la Vierge de Sicile la sœur de Lucie. Que les saintes tristesses du temps où nous sommes n'enlèvent rien à la plénitude des hommages qui sont dus à Agathe. En chantant sa gloire, nous contemplerons ses exemples; du haut du ciel elle daignera nous sourire, et nous encourager dans la voie qui seule peut nous ramener à celui qu'elle a suivi noblement jusqu'à la fin, et auquel elle est réunie pour jamais.
   Lisons d'abord le récit que nous offre l'Église des vertus et des combats par lesquels s'est distinguée l'Épouse du Christ. 

   La vierge Agathe, dont les villes de Palerme et de Catane se disputent l'origine, naquit en Sicile de parents nobles, et obtint à Catane la couronne d'un glorieux martyre, sous la persécution de l'empereur Décius. Comme elle était également renommée pour sa beauté et pour sa pudeur, Quintianus, gouverneur de Sicile, s'éprit pour elle d'une violente passion. Après avoir tendu tous ses pièges à la chasteté d'Agathe, n'ayant pu la faire consentir à ses désirs, il la fit arrêter comme étant engagée dans la superstition chrétienne, et la livra pour la corrompre à une femme nommée Aphrodise. La compagnie de cette femme n'ayant pu ébranler la fermeté d'Agathe dans sa foi, ni sa résolution de garder la virginité, elle annonça à Quintianus que tous ses efforts avaient été inutiles. Le gouverneur se fait amener la vierge: « N'as-tu pas honte, lui dit-il, étant d'une naissance illustre, de mener la vie basse et servile des chrétiens? » Agathe répondit: « L'humilité de la servitude chrétienne vaut mieux que tous les trésors et tout l'orgueil des rois. » 
   Le gouverneur, irrité, lui donne le choix, ou d'adorer les dieux, ou de souffrir la rigueur des tourments. La vierge demeurant constante dans la foi, il lui fait donner des soufflets, après quoi on la conduit en prison. Elle en fut tirée le lendemain, et comme elle n'avait pas changé de sentiments, elle fut tourmentée sur le chevalet, avec l'application des lames ardentes; on lui coupa ensuite la mamelle. Dans ce supplice, la vierge s'adressant à Quintianus: « Cruel tyran, lui dit-elle, n'as-tu pas honte d'arracher à une femme ce que toi-même as sucé dans ta mère? » On la remit en prison; mais la nuit suivante elle fut guérie par un vieillard, qui lui dit être un des Apôtres de Jésus-Christ. Conduite de nouveau devant le gouverneur, et persévérant dans la confession du nom de Jésus-Christ, on la roula sur des têts déchirants et des charbons enflammés. 
   Tout à coup au même moment un grand tremblement de terre ébranla toute la ville, et deux murailles en s'écroulant écrasèrent Silvin et Falconius, amis intimes du gouverneur. La ville étant en proie à une vive émotion, Quintianus, qui craignait quelque sédition dans le peuple, fait ramener secrètement Agathe demi-morte dans sa prison. Elle y fit cette prière à Dieu: « Seigneur, qui m'avez gardée dès mon enfance, qui avez enlevé de mon cœur l'amour du monde, et qui m'avez fait surmonter la rigueur des tourments, recevez mon âme. » En finissant cette prière, elle passa de la terre au ciel, le jour des nones de février; son corps fut enseveli par les chrétiens.

Dom Prosper Guéranger

 

HOMÉLIE DE S. MÉTHODE DE SICILE POUR LA FÊTE DE STE AGATHE

C'est la commémoration annuelle de la sainte martyre qui nous a tous rassemblés ici, vous le savez, vous qui m'écoutez. Martyre ancienne et même toute première, si l'on considère son magnifique combat ; mais martyre contemporaine, puisqu'elle semble triompher par un combat actuel, si l'on considère les miracles qui chaque jour la couronnent et augmentent son éclat.

Elle est vierge parce que le Verbe du Dieu immortel (mais qui a connu la mort dans sa chair à cause de moi), parce que le Fils inséparable du Père l'a engendrée selon la parole de Jean le Théologien : Tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.

C'est donc cette vierge qui vous a invités à notre religieux banquet, elle qui a été fiancée à un époux unique, le Christ, pour employer les expressions de l'Apôtre Paul, et sa comparaison avec l'union conjugale.

Par la lumière de la connaissance, par la couleur du sang de l'Agneau véritable et divin, cette vierge embellissait et rougissait ses lèvres, ses joues et sa langue ; bien davantage, par l'attention continuelle de son esprit, elle méditait et contemplait sans cesse la mort de son époux passionné, comme s'il venait tout juste de répandre son sang. Ainsi la robe dont la revêtait son martyre portait la marque ineffaçable du sang du Christ, dont la pourpre l'imprégnait alors profondément ; en outre, elle voulait communiquer à la postérité les trésors de son éloquence virginale avec tout son charme délicat, par un jaillissement intarissable de paroles.

Comme le dit son nom qui signifie « bonne », Agathe est véritablement bonne, puisqu'elle appartient à Dieu ; c'est par Dieu, la source de toute bonté, qu'elle a été accordée, c'est par sa libéralité qu'elle a été donnée à son Époux et par suite à nous-mêmes, en nous faisant communier au bien.

Qu'y a-t-il de plus bienfaisant que le souverain bien ? Que peut-on découvrir qui mérite davantage d'être loué que sainte Agathe ?

La bonté de sainte Agathe correspond à son nom et à sa réalité même ; sainte Agathe, à cause de ses hauts faits, se distingue par son bon renom, et son nom même signale ses exploits ; sainte Agathe, qui déjà par son nom invite tous les hommes à venir à elle, les instruit encore par son exemple : que tous, sans attendre, s'élancent avec elle vers le vrai bien, qui n'est autre que Dieu.