Bx Nunzio Sulprizio

« Le petit saint boiteux »
(1817-1836)

5 mai

Nunzio Sulprizio naît à Pescosansonesco (Pescara, Italie) le 13 avril 1817, dimanche “in albis” de Domenico, un pauvre cordonnier, et Rosa Luciani, fileuse ; il est baptisé le jour même.
Domenico meurt en août 1820, à 26 ans, et Nunzio se retrouve orphelin à l’âge de 3 ans.

Ouvrier à Naples, et battu par son oncle, il portait une plaie infectée à la jambe. Mais, par sa patience, sa douceur joyeuse, sa présence aux autres, on l’appelait « le petit saint boiteux ».

Il a à peine 19 ans quand, le 5 mai 1836, Nunzio va voir Dieu pour toujours.
Autour de lui se répand un parfum de roses. Son corps, défait par la maladie, devient singulièrement beau et frais, on l’expose pendant cinq jours.

Dès le 9 juillet 1859, le Bx Pie IX (Giovanni Mastai Ferretti, 1846-1878) reconnaît l’héroïcité de ses vertus et le proclame vénérable.
Le 01 décembre 1963, devant tous les évêques du monde réunis au Concile Vatican II, le Bx Paul VI (Giovanni Battista Montini, 1963-1978) éleva Nunzio Sulprizio à la gloire des autels, le proposant comme modèle des ouvriers, de tous les jeunes, mêmes ceux d’aujourd’hui :
« Il vous dira que vous, jeunes, pouvez régénérer en vous-mêmes le monde dans lequel la Providence vous a appelés à vivre et qu’il vous appartient à vous, les premiers, de vous consacrer au salut d’une société qui a précisément besoin d’âmes fortes et intrépides. »
« À vous, travailleurs, disait encore le Bx Paul VI, ce collègue pauvre et souffrant apporte un message aux nombreux chapitres. Il dit avant tout que l’Église pense à vous, qu’elle vous estime et a confiance en vous, qu’elle voit dans votre condition la dignité de l’homme et du chrétien. Il dit encore combien le travail a souffert et qu’il a encore besoin de protection, d’assistance et d’aide pour être libre et humain et pour permettre à la vie son expansion légitime. […] Nunzio Sulprizio vous dira combien il est injuste de priver la vie du travailleur de son aliment supérieur et de son expression spirituelle qu’est la prière. »

 

Un jeune homme, exploité comme un esclave, doux comme son Seigneur !

Domenico Sulprizio était un pauvre cordonnier de Pescosansonesco (Pescara, Italie) marié à Domenica Rosa Luciani. Un fils leur est né le 13 avril 1817. A son baptême, l’enfant reçut le nom de Nunzio en l’honneur de l’Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie. Pauvres comme ils étaient, ils éveillèrent en leur jeune enfant, dès son jeune âge, la conscience de la discipline et de la piété. Il fut confirmé à l’âge de 3 ans. La première d’une succession de tragédie survint en 1820. Nunzio avait à peine trios ans quand son père mourut, laissant sa mère dans la misère. La famille perdit alors toute source de revenues. Contrainte par cette situation, Domenica décida d’épouser un certain Giacomo De Fabiis de la ville voisine de Corvara. Le beau-père de Nunzio se montra un homme sévère. Il avait peu d’affection pour l’enfant et le frappait facilement de ses mains pour la moindre bêtise. Ces humiliations eurent pour conséquence un certain degré de timidité chez l’enfant. A l’âge de six ans, un enfant devient particulièrement sensible à tout ce qui lui arrive Or c’est à cette époque de sa vie, en 1823, que Domenica mourut, laissant Nunzio complètement orphelin.

Le peu sympathique beau-père n’était certainement pas l’idéal du père adoptif. Pour cette raison, Anna Rosario Luciani, grand-mère de Nunzio, prit volontiers la responsabilité de la garde de l’enfant. C’était une femme très pieuse et chrétienne exemplaire. Elle inculqua dans l’enfant un sens plus profond de révérence envers Dieu. Par son exemple, elle fit grandir dans l’enfant le désir de conduire une vie droite. Analysant les réactions de Nunzio aux épreuves qu’il allait subir dans sa vie, il devient clair que sa grand-mère eut sur lui une influence très puissante. In 1826, nouvelle tragédie. Anna Rosario mourut, mais non sans avoir eut un impact profond dans la vie de son petit-fils. Nunzio, âgé alors de neuf ans, fut orphelin pour la troisième fois.

Un de ses oncles maternels le prit sous sa garde, et allait se servir de lui. Domenico Luciani était une personne “rude”, “extrêmement colérique”, “alcoolique”, “brutale”, “grossière”, et “cruelle”. Nunzio, par contraste, était gentil, serein et obéissant. L’affrontement était inévitable. Domenico Luciani était forgeron. Il n’avait pas l’intention d’envoyer l’enfant à l’école ni de lui donner une quelconque instruction de la foi, il avait besoin d’un ouvrier dans sa forge. Nunzio devint donc un apprenti. La relation entre eux devint rapidement non pas celle d’un oncle et de son neveu, mais celle d’un employeur et son employé.

A cette époque, les propriétaires d’entreprise collectaient des orphelins et des enfants de familles pauvres et utilisaient leur service en échange, simplement, de leur nourriture et logement. Cette pratique était universellement acceptée et tolérée. Hébergé par son oncle, Nunzio se devait de le récompenser par son travail. Il fut contraint de travailler au-delà des forces de son âge. Au travail plus de 12 heures par jour, de la nuit à la nuit, il était envoyé, également, porter de l’huile à des clients lointains. Domenico n’avait aucune considération pour le temps. Que ce soit l’été étouffant ou les hivers gelés de la montagne, son neveu se devait de parcourir les distances. Cela dura six ans, sans que Nunzio ne reçoive aucun salaire. Les conditions de travail aussi étaient immorales. En dépit du travail épuisant, Nunzio recevait une nourriture misérable. Il y eut des occasions où l’enfant, épuisé de fatigue et de faim, demandait de l’aide aux voisins. S’il était malade il ne recevait aucun soin, mais était contraint de continuer le travail. Amaigri, l’enfant s’évanouissait mais l’oncle n’en tenait aucun compte. Le développement physique de l’enfant fut perturbé. L’oncle était coléreux. L’enfant subissait donc ses furies, recevant toutes sortes de projectiles, barres de fer ou marteaux. Il fut parfois projeté à terre et frappé sans ménagement. D’autres hommes travaillaient à la forge. Eux aussi le traitèrent avec cruauté. Conscients de la sensibilité de l’enfant, ils s’amusaient avec blasphémer devant lui. Le pauvre enfant s’enfuyait en se bouchant les oreilles.

A côté de l’humiliation constante de la part des gens avec lesquels il vivait, il subissait aussi l’impudence d’autres personnes. Il alla un fois laver ses plaies à une fontaine. Une femme y lavait son linge. Voyant que l’eau était salie par l’enfant, elle lui jeta une pierre pour le faire fuir. Nunzio s’enfuit immédiatement, chantant un cantique à la Vierge Marie. Comment en effet réagissait-il à tous ses abus ? En dépit de la cruauté de son oncle, Nunzio ne questionna jamais son autorité. Il fit tout ce qu’il put pour travailler et lui plaire, évitant tout ce qui pourrait provoquer sa colère. Personne ne peut se souvenir d’une plainte de Nunzio contre ce qu’il endurait. Il acceptait tout avec une incroyable « résignation héroïque”. N’avait-il donc aucune estime de soi ? Son attitude était sans doute étonnante, mais il vivait dans un autre monde, dans une spiritualité tout à fait unique. La succession des trois deuils fit de lui un enfant raide. Il apprit à tout accepter des adultes. Il prit la souffrance dans la lumière de la foi. Comme il ne pouvait se rendre à l’église, il prenait le temps de la dévotion et de la prière et de la communion avec Dieu. Il refusa l’influence de gens moins vertueux que lui car il garda toujours à l’esprit les conseils de sa grand-mère.

Il résuma lui-même sa spiritualité : “souffrir est peu de chose, tant que je suis assuré de mon salut.” Sa longanimité était ainsi enracinée dans une expérience de foi. Il ne perdit jamais sa douceur et sa sérénité. Il préserva les enseignements de ses parents en dépit d’une formation religieuse adéquate après leur mort. Il persévéra dans la vie droite dans une forge où ne vivaient que des personnes grossières. Sa préoccupation constante était : “Je veux devenir un saint, un grand saint en peu de temps.”

Le manque de nourriture eu un effet pervers sur son corps. Une plaie sur son pied gauche, à cause d’un marteau jeté sur lui, se développa en gangrène et ulcère. A cause de cela, il ne pouvait plus travailler proprement et accomplir ses tâches. Mais Domenico le faisait rester debout toute la journée. Il en arriva même à l’attacher aux chaînes du soufflet et lui commanda de continuer à travailler. Mais il devint clair que l’enfant était trop malade pour travailler. Domenico lui permit enfin de recevoir un traitement médical approprié dans une ville voisine, spéculant que ce neveu « inutile » ne reviendrait plus. In 1831, Nunzio fut admis à l’hôpital S. Salvatore of L’Aquila. Il put respirer un peu. Mais la blessure, cependant, ne recevait aucun traitement. Nunzio demeura à l’hôpital trois mois, attendant des soins, puis il fut renvoyé pour manque de place. Domenico n’était pas content de le revoir à la forge. Et en dépit de la faiblesse des on neveu, Il le remi au travail. La situation devenait pour Nunzio un véritable calvaire. Mais il ne se plaint jamais. Francesco Sulprizio, aussi un oncle Nunzio, était caporal dans le premier régiment de l’armée des Bourbons à Naples. En 1832, Il vint à la forge de Domenico Luciani et demanda que Nunzio lui soit confié, car il avait entendu parler du traitement cruel endure par son neveu. Il voulait y mettre fin. Le forgeron fut plus qu’heureux de le lui donner. Après tout, c’était un travailleur inutile et il n’avait guère besoin d’un handicapé. Ainsi, après six ans d’abus, Nunzio fut en mesure de quitter la forge de Domenico Luciani.

Avec un oncle plus compréhensif, il partit pour Naples. Plus tard, il se dit qu’il n’avait pas révéré suffisamment son oncle. La vision de l’enfant maigrelet marchant avec des béquilles affecta profondément Francesco. Il savait que l’enfant avait besoin d’attention médicale immédiate. Il le présenta à son officier supérieur, le Colonel Felice Worchinger. Francesco lui raconta le traitement inhumain que l’enfant avait endure avec sérénité si longtemps le colonel, un home pieux et charitable, fut lui aussi ému de ce qu’il entendit et vit. Il se déclara volontaire pour soigner le garçon. Immédiatement, Nunzio fut emmené à l’Hôpital Santa Maria del Popolo, pour les incurable. Déjà des caries avaient attaqué ses os. En dépit des douleurs, Nunzio ne gémit jamais. C’est à l'hôpital que ses vertus furent reconnues des gens. Les infirmiers, les médecins et les autres patients finirent par entendre parler de la cruauté supportée par l’enfant de façon héroïque. Sa réputation fit aussi apprécier sa présence chaleureuse et joyeuse, sautant de son lit sur ses béquilles pour porter des encouragements et de la consolation par ses paroles ; il trouvait même le temps d’enseigner le catéchisme à des malades plus jeunes que lui. Il eut finalement la joie de faire sa première communion à l’hôpital à l’âge de quinze ans.

Alors sa spiritualité s’enracina profondément dans l’Eucharistie et la dévotion à la Vierge Marie. Il se donna davantage à la prière. Ceux qui vivaient près de lui attestent que la nuit, Nunzio était constamment au pied de son lit, absorbé dans la prière. Le Colonel en vint à l’aimer comme son fils. « Comment pourrais-je me plaindre des épreuves que le Seigneur me donne quand je vois l’héroïque courage avec lequel Nunzio porte son mal ? Comment puis-je retarder le moment de partager mon abondance avec les pauvres lorsque lui, qui est sans doute le plus pauvre de tous, refuse ce qu’on lui offre et le donne à d’autres, disant simplement : « Quoi, est-ce que celui qui appartient à Dieu ne devrait pas, lui aussi, recevoir ? » Dans l’espoir de lui trouver la guérison, le colonel l’envoyait souvent aux eaux thermales de Casamicciola. En avril 1834, le colonel Worchinger décida d’emmener Nunzio avec lui à Maschio Angioino, le Castel Nuovo de Naples. C’était un ancien palais, utilisé par la suite comme caserne. L’officier espérait que le jeune homme serait mieux soigné. Mais les résidents de l’hôpital Santa Maria del Popolo furent consternés. Ils n’avaient reçu auparavant tant de consolation ni vibré à une telle sainteté. Il sembla un moment que la santé de Nunzio s’améliorait. Il fit par de son désir d’entrer au séminaire, et le Colonel voulut lui trouver un professeur de latin. Mais son état se compliqua.

À l’automne 1835, les médecins recommandèrent l’amputation de la jambe infectée. On ne put guère le faire tant la santé se détériorait. Mais Nunzio continuait de vivre avec le Seigneur, en dépit de sa maladie extrême, il prit sur lui des actes de mortification. Il ne se plaignait pas quand les serviteurs de son bienfaiteur, par envie, le négligeaient. Il écrivit une règle de vie à laquelle il adhéra fidèlement. En 1836, son état empire. En mai, tout espoir de guérison disparut. Sur son lit de mort, Nunzio gardait continuellement son regard sur une peinture à l’huile de la Vierge Marie, accroché au mur.

Quelques instants avant d’expirer, il s’exclama: “La Vierge Marie: Regarde comme elle est belle. C’était le 5 mai 1836. “Il n’est ni juste ni humain de broyer des homes par un travail excessif qui stupéfie leurs esprits et exhausse leurs corps. Les forces de l’homme, comme sa nature humaine sont limitées et ne peuvent pas excéder certaines limites. Le travail qui est adapté à l’homme fort ne peut pas être requis d’une femme ou d’un enfant. Pour ce qui regarde les enfants, un grand soin devrait être apporté pour ne pas les placer dans des usines ou des entreprises jusqu’à ce que leur esprit et leur corps se soient suffisamment développés.” (Léon XIII, Encyclique sur la condition des classes laborieuses, Rerum Novarum n. 33)

Il n’existe qu’une lettre écrite par Nunzio. Elle est adressée à son oncle, Domenico Luciani, quelques mois avant sa mort. Nunzio s’adresse à son oncle avec le plus grand respect et avec tendresse. Comment a-t-il pu faire cela ? L’homme auquel il écrivit était le même forgeron aigri dont la rudesse lui avait causé une misère permanente et finalement la mort. Pourquoi Nunzio ne parla-t-il pas de son amertume, de son ressentiment et de sa colère ? C’est simple, il n’en avait pas. Nunzio sera une énigme pour tous jusqu’au moment où nous comprenons, que, à la différence avec nous, il n’y avait dans l’apprenti meurtri aucune trace de haine, seulement de l’amour. Mais, par sa patience, sa douceur joyeuse, sa présence aux autres, il était un exemple en butte aux moqueries des enfants ou des serviteurs. Lui, sert et console les autres avec amour. On l’appelait « le petit saint boiteux ».

 

Aux jeunes, selon Paul VI, « Il vous dira que vous pouvez régénérer en vous-mêmes le monde dans lequel la providence vous a appelés à vivre et qu’il vous appartient à vous, les premiers, de vous consacrer au salut d’une société qu a précisément besoin d’âmes fortes et intrépides ». Et aux ouvriers : « Ce collègue pauvre et souffrant dit avant tout que l’Eglise pense à vous, qu’elle vous estime et a confiance en vous, qu’elle voit dans votre condition la dignité de l’homme et du chrétien. Il dit encore combien le travail a souffert et qu’il a encore besoin de protection, d’assistance et d’aide pour être libre et humain et pour permettre à la vie son expansion légitime…. Nunzio Sulprizio vous dira combien il est injuste de priver la vie du travailleur de son aliment supérieur et de son expression spirituelle qu’est la prière. »

Il est mort le 5 mai 1836 à Naples, à l’âge de 19 ans.

Béatifié par Paul VI le 1er décembre 1963