SA VIE
Textes extraits de son Autobiographie [1]
Remarque: C’est pour répondre à une demande expresse de sa supérieure que Sœur Marie Sainte Cécile de Rome,(Dina Bélanger) commença, dès mars 1924, à écrire son Autobiographie.
1 - L’ENFANCE ET LA JEUNESSE
Dina naît à Québec, au Canada, le 30 avril 1897, dans une famille aisée, mais très pieuse. Pianiste, elle devient une véritable virtuose et donne de nombreux concerts. Le 11 août 1921 elle entre chez les Religieuses de Jésus-Marie, à Sillery, et prend le nom de Sœur Marie Sainte Cécile de Rome. Atteinte de tuberculose pulmonaire elle meurt le 4 septembre 1929 à l’âge de 33 ans. Elle fut béatifiée par le pape Jean-Paul II le 20 mars 1993.
C’est à partir de l’âge de 10-11 ans, que la piété de Dina s’affirma ainsi que son amour pour Jésus-Eucharistie: “Une fois, Jésus, dans son ostensoir d’or captiva tout mon être; je le regardais fixement, sans bouger; je lui disais intérieurement: Jésus, je sais que c’est vous qui êtes là, dans l’hostie. Ô montrez-vous donc aux yeux de mon corps; je désire tant vous voir! Je le contemplai très longtemps. Le désir de le voir m’enflammait; le doux Prisonnier répondit à ma naïve supplique par une grande augmentation de foi en sa présence réelle au Saint Sacrement. Ce fut une grâce de choix.”
Vers l’âge de 17 ans, Dina se livra à l’amour divin en qualité de victime. Les études musicales supérieures, qu’elle continua à New-York pendant deux ans, la fatiguèrent un peu, et on lui conseilla du repos, c’est-à-dire de ne plus aller à la messe tous les jours. Heureusement, le prêtre à qui elle s’adressa lui conseilla de ne jamais manquer le banquet sacré. Elle écrivit à ce sujet: “En réalité les forces que je puisais durant la sacrifice sacré et dans l’ineffable communion étaient bien supérieures à celles que m’auraient procurées un repos prolongé. D’ailleurs, aurais-je pu me reposer loin de Jésus?”
Ses succès artistiques étaient nombreux à cette époque. Le Seigneur lui fit la grâce de ce que nous appellerions de nos jours un complexe d’infériorité pour la faire grandir dans l’humilité: “J’apprenais, dit-elle, à chérir l’humilité comme une perle inestimable, et je désirais l’acquérir un jour... Combattre quand le Sauveur manie les armes, c’est une joie. Je revenais souvent à la pensée: je n’ai de valeur que ce que je vaux devant Dieu. Jésus ne voulait pas que je jouisse de mes efforts, et il permettait que, par ma manière d’agir, les autres ne puissent pas supposer ce qui se passait en moi.”
2 - PREMIÈRES FAVEURS DIVINES
À partir de l’âge de vingt ans, Dina semble s’établir dans une étroite union avec Dieu. Elle bénéficie de quelques faveurs divines qu’elle ne comprend pas et qui l’effraient un peu. Elle écrit: “À certains moments, la voix de Jésus se faisait entendre au fond de mon cœur. Sa lumière présentait aux yeux de mon imagination des tableaux que je ne connaissais pas. Au sujet de cette voix et de ces tableaux, j’ai prié beaucoup. J’étais assurée que c’étaient là les enseignements de mon divin Maître: ce qui parle d’obéissance, d’humiliation, de renoncement ne peut venir que de lui. La faveur que j’implorais était de ne pas me laisser prendre aux pièges du démon qui est capable d’inventions si rusées et si habiles, de ne pas être victime des chimères de mon imagination...”
Un jour le Seigneur lui enseigna comment reconnaître ses interventions à Lui, et comment faire la différence entre sa voix divine et celle du démon qui veut jouer les imitations: “Le Sauveur ne se fait entendre que dans le recueillement, la paix, le silence. Sa voix est si douce que, en l’âme, tout doit se taire; c’est une mélodie suave. Le langage satanique est bruyant: c’est l’agitation, la précipitation, le trouble, la brusquerie.”
Jésus donna deux guides à Dina: l’Hostie et l’Étoile: “L’Hostie, c’était Lui-même; l’Étoile, c’était sa Sainte Mère. Il me représenta un chemin d’épines dans lequel il était passé le premier et où il désirait me voir marcher. D’abord les épines étaient peu nombreuses; elles se multipliaient à mesure que j’avançais... Et je voyais sans cesse l’Hostie et l’Étoile, qui figuraient Jésus et Marie, au-dessus de ma route, un peu en avant de moi...
Cela se produisait dans mon imagination; le tableau était net et clair. Aux heures où Jésus me le présentait, je l’apercevais plus fidèlement que je voyais une image matérielle avec les yeux de mon corps... Mon Seigneur m’apprit que j’avais une mission à remplir... Il me montra la nécessité et l’importance de m’y préparer... Je compris que le salut d’un grand nombre d’âmes y était attaché.
Par une lumière très vive il m’enseigna la valeur inestimable de la moindre des grâces parce qu’elle est un don de Dieu. Aucun des bienfaits divins ne peut-être appelé petit, mais notre langage humain est si pauvre que, lorsque nous avons parlé des faveurs extraordinaires et frappantes que sont les grandes grâces, il nous reste des termes moindres pour les grâces journalières qui se multiplient à chaque seconde. Je vis la multitude des dons que je recevais comme une chaîne précieuse, composée d’anneaux; une infidélité cassait un anneau et rompait la chaîne. Et là, Jésus me dit que mon manque de correspondance à une seule grâce pourrait me faire manquer ma mission.
Je saisis comment le plus léger refus pouvait me priver d’une immense quantité de grâces; après un premier manquement, la volonté a moins de résistance... Par contre, la correspondance à l’inspiration sainte attire un autre secours du ciel... Par ma faute, il m’était possible de compromettre ma mission... Et toutes ces âmes qui attendaient la lumière de ma fidélité! Je renouvelai à Jésus ma ferme résolution de répondre à ses désirs. J’étais confiante en son amour, en sa bonté, et confondue en ma misère extrême. Mon doux Maître me dit:
— Je veux me servir de toi parce que tu n’es rien, je veux prouver ma puissance par ta faiblesse.
Cette dernière phrase, il me l’a répétée en d’autres circonstances par des mots qui reviennent toujours à cette idée:
— C’est justement parce que tu es incapable et faible que je me sers de toi, afin que mon action seule apparaisse.
Il mit en mon cœur le désir ardent et sincère du mépris, de l’humiliation, ces biens sans prix que le monde abhorre parce qu’il ne connaît pas leur valeur cachée... Chaque matin et chaque soir, je disais la supplique suivante: “Mon Dieu, accordez-moi la grâce d’être méprisée et humiliée autant que vous pouvez vouloir que je le sois, et que tous ceux qui me mépriseront et m’humilieront ne soient pas coupables.”
Je pensais d’abord que cette prière était celle du renoncement total à la jouissance ici-bas; ce fut tout le contraire: juste à partir du moment où mon âme ne souhaitait que le sacrifice, elle fut enivrée de bonheur. C’est ici le secret de l’amour divin. Je me trouvai dans une sainte indifférence à l’égard de tout.
Jésus me familiarisait avec l’idée de la souffrance. Il se servit encore d’un tableau. Sa main tenait une croix. Une première fois il entra le pied de la croix dans mon cœur. Plus tard, il l’enfonça davantage. Enfin, il la plaça en entier, avec les deux bras, en l’entrant profondément; il avait fallu déchirer. Ce dernier acte figurait que le Sauveur, avec sa croix, régnait en moi. Puis il entoura mon cœur d’une couronne d’épines, symbole de la sienne.
Il m’initia à la vie d’union avec lui. Au commencement, il me semblait qu’il était à mes côtés, qu’il marchait près de moi. Ensuite, je le trouvai en moi. J’aimais à causer intérieurement avec lui quand je sortais seule sur la rue... Ensuite, il mit sa volonté à la place de la mienne... L’idéal divin m’apparaissait comme exigeant de moi que je devienne une très grande sainte. Je n’étais pas capable de désirer moins.
Jésus commença ainsi à me brûler de ses flammes d’amour... La réparation envers le Cœur divin outragé, le zèle du salut des âmes me devenaient deux devoirs impérieux... Je compris, par une grâce, que je devais consoler Notre Seigneur et prier pour l’amendement des âmes aveuglées. Matin et soir, régulièrement, je priais pour les prêtres, les religieux, les religieuses. Les personnes consacrées ont une si lourde responsabilité. Elles ont la meilleure part; elle reçoivent les grâces de choix de l’Époux. Puissent les moissonneurs répondre en tout, partout et toujours, aux vœux du divin Semeur.
À la même époque, Dina est admise dans le Tiers-ordre de Saint Dominique. Après un an de probation elle fut admise à la profession et reçut le nom de Sainte Catherine de Sienne.
Dina put terminer ses études musicales à New-York. Cette période fut celle des concerts. Elle travaillait avec acharnement, se demandant quel pouvait être le but de son travail musical. Jésus lui répondit:
— Tes connaissances musicales protégeront ta vocation; mais tu feras du bien surtout par tes écrits... Oui, au couvent, tu te livreras à un travail littéraire.
3 - LA VIE RELIGIEUSE-PREMIÈRE PARTIE
Le 11 août 1921, Dina Bélanger entra chez les Religieuses de Jésus-Marie, à Sillery [2]. Elle portera désormais le nom de Sœur Marie Sainte Cécile de Rome. On lui confia l’enseignement du piano à quelques élèves. Sa vie intérieure s’approfondit. Parfois Jésus lui montrait les fleurs de son Jardin et lui expliquait quels actes de vertu produisaient la croissance des tiges, l’éclosion et l’épanouissement des fleurs. “Dans un endroit à part, où leur splendeur était beaucoup plus éclatante et leur parure plus riche, il me dit que celles-là étaient cultivées par les âmes consacrées. Il me montra celles qu’il attendait de moi. Puis, un jour, il me fit entrer dans le parterre des âmes privilégiées. Oh! les pures délices! Au centre était sa croix divine, à la teinte sombre, et de bois: les amis de Notre Seigneur n’obtiennent ce titre de noblesse qu’à la condition du renoncement. Les fleurs superbes, à la corolle pleinement ouverte, autour de la croix, étaient l’offrande du sacrifice parfait, de l’amour pur. Elles me semblaient le sourire des crucifiés d’amour à l’Amour crucifié.”
À L’Automne 1922 Dina dut passer quelques semaines à l’infirmerie. “Ce furent des jours de bienfaits célestes.” Dina commence à écrire, essentiellement des poésies. Elle comprend vite que son travail, c’est le travail de Jésus. Elle écrit: “C’est si bien son travail à lui que souvent je sais à peine ce que j’écris, j’y suis poussée par une force douce et supérieure et, quand je me relis, j’ai maintes fois la surprise d’avoir émis des idées sans les avoir pensées.”
Le Seigneur demande à Dina de consoler son Cœur outragé dans la Sainte Eucharistie. Un premier vendredi du mois, le Saint Sacrement étant exposé, durant son adoration, Dina “crut voir une multitude d’âmes qui couraient à leur perte éternelle. Quelques-unes étaient sur le bord de l’abîme; elles allaient tomber. Jésus me dit que je pouvais sauver ces dernières en priant pour elles avec ferveur, en lui offrant de petits sacrifices, par amour; ce que je fis immédiatement. Alors je vis ces âmes, vaincues par la grâce divine, abandonner le camp du démon.
La miséricorde de Dieu est infinie. Dina écrit: “Notre Rédempteur a soif de pardonner et d’oublier. Il n’attend souvent qu’un geste ou une pensée d’amour de notre part pour accorder à tel ou tel pécheur la grâce extraordinaire qui l’arrachera des mains de Satan.
Dina revient à de nombreuses reprises sur le désir de Jésus: être consolé. “Jésus voulait être consolé. Il me présenta son Cœur tout meurtri, frappé de tous côtés par une infinité de lourds marteaux que je voyais s’abattre sur lui avec violence; il me le montra ensuite victime dans toutes ses parties d’une multitude de lances qui s’enfonçaient plus ou moins avant et le déchiraient. Chaque coup de marteau ou de lance était l’outrage causé par un péché. Puis je le vis blessé par un nombre incalculable d’aiguilles, la plupart étaient petites, même très petites.
— Ce sont là, dit Jésus, les indélicatesses des âmes religieuses; oh! qu’elles me font souffrir, ces aiguilles, parce qu’elles me viennent des âmes que j’aime le plus.
Dina précise: “C’est dans l’éternité seulement que nous comprendrons un peu la peine qu’éprouve Notre Seigneur à cause de nos péchés, de nos négligences, de nos manques d’amour. Et dire que nous pouvons le consoler!”
Comment comprendre ces mystères? Jésus s’abaisse jusqu’à nous, suppliant qu’on lui verse quelques gouttes de baume sur les plaies de son Cœur! “Ô mystère de l’amour d’un Dieu! Charité infinie du Pasteur envers ses brebis!”
Parfois Jésus demande des prières parce qu’un grand crime va se commettre, ou en prévision d’outrages. “Ah! que les plaintes de Jésus sont déchirantes! Comme il souffre le Captif silencieux de nos tabernacles, emprisonné jour et nuit par l’amour! Ma plus grande douleur devint alors celle de la souffrance du Cœur Eucharistique... Comment rester insensible quand c’est Jésus qui est délaissé et méprisé!”
Le noviciat de Dina se poursuit. Sa faim de l’Eucharistie croissait toujours. La Sainte Vierge l’assiste souvent dans son action de grâces: “Durant mon action de grâces, souvent Marie parlait pour moi; je n’avais qu’à l’écouter, à m’unir à elle, à contempler mon Sauveur, à l’aimer. Parfois je me voyais comme une petite brebis dans les bras du Bon Pasteur; je me laissais porter par lui. J’ai ressenti d’ineffables consolations dans ce tableau.” Le Seigneur éduque toujours Dina, et Il insiste pour que jamais elle ne néglige ses devoirs d’état. Nous sommes en 1922. Une nouvelle étape se prépare: “Vers ce temps, Notre-Seigneur me dit de le laisser agir, et qu’il allait commencer à me préparer à la mort d’une manière plus immédiate.”
En mai 1924, Dina écrit: “Mon Jésus, ah! que je t’aime! Je veux vivre et mourir martyre d’amour, victime d’amour, apôtre d’amour pour vous seul, mon Dieu! Marie, ma bonne Mère, vous que j’aime tant, accordez-moi d’aimer toujours Jésus et de le faire aimer avec son Cœur à lui, et avec votre Cœur à vous.”
L’éducation de Dina se poursuit. Jésus lui demanda d’accepter avec amour et reconnaissance les petites croix qu’il lui présenterait, de ne pas en désirer d’autres, mais de le laisser faire. Peu de temps avant sa profession, Jésus lui dit:
— Tu vas faire profession; et puis, un an plus tard, aussi le 15 août, en la fête de l’Assomption de ma Mère, je viendrai te chercher par la mort.
L’union de Dina avec Jésus se fait de plus en plus intime. Dina écrit: “Je me cache à jamais dans ton Cœur, ô Jésus, j’y établis ma demeure et pour cette vie et pour l’éternité...
Ô Jésus, je veux vivre et mourir apôtre d’amour, victime d’amour, martyre d’amour! Pour me satisfaire, il me faut t’aimer avec ton Cœur divin; je veux aimer Marie, ma bonne Mère, comme tu l’aimes; je veux aimer les âmes, surtout celles des pécheurs, du même amour que le tien, à la folie.
Ô Jésus, je veux souffrir pour me détruire en ton Cœur et te laisser vivre seul en moi; je veux souffrir pour te consoler; je veux souffrir pour sauver les âmes et pour diminuer le péché sur la terre; je veux souffrir parce que je t’aime!... Mon Dieu, je me meurs de ne pas mourir, tellement est intense mon désir d’union parfaite avec vous...”
Dina exprime l’intensité de son amour pour Dieu dans ses poésies, et notamment dans la strophe qui suit:
Ah! tu le sais combien je t’aime!
Ta pensée est mon seul bonheur:
Tu m’as ravi mon pauvre cœur...
C’est toi, Jésus, beauté suprême
Qui captives ma faible ardeur,
Rends mon désir d’amour, extrême.[3]Comme la plupart des grands mystiques, Dina découvre le lien existant entre l’amour et la souffrance: “L’amour m’apparaissait comme unissant la souffrance et la joie; je les voyais naître toutes deux dans le Cœur de Jésus.”
3-1-Jésus se substitue à Dina
Le 13 novembre 1923, Dina va bénéficier d’une grâce étonnante qui éclairera tout le reste de sa vie, et qui est comme le prélude à sa mort annoncée pour le 15 août suivant: “Le 13 novembre au matin, dixième jour (de ténèbres intérieures) et fête de Saint Stanislas Kostka, patron des novices, Notre Seigneur revint avec ses consolations et chargé de ses miséricordes à mon égard. Il me montra un autel assez élevé sur lequel s’élevaient de brillantes flammes: c’était l’autel de son amour. Dans sa main, je vis mon cœur, le mien, celui qu’il m’avait enlevé à la retraite du postulat; il me le fit regarder, comme pour me donner l’avantage de me livrer une fois de plus entièrement et librement à lui, puis il le plaça sur l’autel; le feu l’enveloppa, je le vis brûler jusqu’à la dernière fibre; il n’en resta rien, absolument rien.
Ensuite, Jésus m’invita à monter moi-même sur l’autel. Il y avait à gravir cinq degrés en l’honneur des cinq plaies sacrées. Ce qui se passa en moi ne se définit pas. Je sentis comme une répulsion, une révolte de ma nature; dans mon âme, je possédais la paix et le bonheur. Je posai le pied sur la première marche, la deuxième, et, continuant avec abandon, j’arrivai vite au centre de l’autel. Les flammes écartées de chaque côté ne me touchaient pas.
Le Bon Maître me regardant toujours me fit ouvrir les bras en croix; aussitôt, les flammes se précipitèrent sur moi, avec violence dans leur intensité, mais néanmoins avec une certaine lenteur dans leur action. Elles consumèrent mon être entier.
Durant l’incendie divin, il me semblait que ma nature frémissait, gémissait, et, enfin, elle me parut morte au moment de la destruction complète. Quand le brasier n’eut plus d’aliment, le feu s’abaissa et s’éteignit. Au centre, il restait des cendres. Jésus s’approcha, souffla sur elles et les anéantit. Enfin, il ne restait rien de moi-même.
Néanmoins, si j’étais morte selon les desseins du Sauveur, n’étais-je pas encore vivante sur la terre? Oui, mais alors, Jésus prit ma place. Il se substitua à mon être. Il venait de me faire disparaître, le champ était libre. Il pouvait agir lui-même en liberté. Il me démontra que mes apparences extérieures n’étaient plus qu’un manteau dont il était obligé de se servir, un manteau qui le dérobait aux regards humains et lui permettait de continuer sa vie ici-bas. Puis il ajouta:
— Afin de te prouver que ce tableau n’est pas un effet de ton imagination et que cette action d’anéantissement de ton être vient en vérité de moi, Jésus, ton Dieu, je te donne un signe extérieur.
À ce moment même Dina se mit à sangloter. Jésus lui dit:
— C’est moi, qui te fais pleurer; voilà le signe que je t’accorde.”
Les larmes de Dina coulèrent pendant longtemps, mais, curieusement, elle n’eut pas les yeux rougis... Après cette faveur insigne de la substitution de Jésus en elle, souvent la voix de Jésus lui disait:
— Laisse-moi faire.
Et souvent aussi Jésus répétait sa soif des âmes:
— J’ai soif des âmes! J’ai soif d’amour! Je mendie les cœurs... On ne m’écoute pas, on me repousse, on m’insulte et on me frappe!... Oh! que j’ai soif et que je souffre!...
Et encore:
— Aujourd’hui, je veux ramener beaucoup de brebis égarées; je vais les chercher; toi, pour leur obtenir la grâce du retour, laisse-moi faire en tout.
Dina ajoute: “Le divin mendiant me pénétra de la vérité que les hommes sur la terre sont solidaires les uns des autres, dans la vie spirituelle comme dans la vie sociale.”
3-2-Et Jésus fit parler son Cœur Eucharistique
— Je veux parler, dans un écrit, de l’amour excessif dont mon Cœur est embrasé pour les âmes; je veux me plaindre d’être oublié, refusé; je veux demander de l’amour comme un pauvre supplie pour obtenir un morceau de pain. Ah! Je les aime tant, les âmes, et si souvent, je ne suis pas compris et pas aimé! Non, l’Amour n’est pas aimé!
Ainsi, à partir de cette époque, Dina ne devait s’occuper de rien d’autre que de se laisser faire, et de laisser faire Marie, la Mère bénie. “Mes fautes et mes misères sont grandes et incalculables, mais Ma Mère est là pour me recouvrir de son manteau parfait et me donner Jésus avec ses trésors infinis.”
Les jours passent... Dina les compte car Jésus lui a dit qu’elle mourrait le 15 aoüt 1924. Elle est souvent malade et fréquente l’infirmerie de plus en plus. Du 6 au 15 août, Dina commence une grande retraite avec la communauté, mais à l’infirmerie. Le grand jour approche... Grande déception! Le 15 août passe. Dina est toujours vivante. S’était-elle trompée? Dina ne comprenait plus rien. Elle fit un acte d’abandon plus parfait et un acte d’amour plus pur, et... elle recommença une vie toute nouvelle.
Dina avait compris qu’elle était bien morte à sa vie ancienne, et qu’elle venait de naître à une vie de véritable perfection.
4 - LA VIE RELIGIEUSE-DEUXIÈME PARTIE
Désormais Dina ne veut que ce que Jésus veut: “Rien de plus, mais rien de moins.” Son Éternité est déjà commencée, elle vit dans le Cœur de Dieu, perdue, anéantie en lui, abandonnée totalement à l’action de la Trinité Sainte en son être. Mais les mots de la terre ne peuvent plus exprimer ses pensées et ses sentiments: “Pour parler justement de la vie du ciel, il faudrait le langage du ciel...” Et ses lectures sont toutes contenues dans le grand livre du Cœur de Jésus. Elle y savoure “les délicieux chapîtres de l’abandon” et du silence:”Le silence! Quelle fontaine d’allégresse!”
Le 3 octobre 1924 Dina prononce le vœu du plus parfait. À partir du 2 septembre 1926, elle participe, tous les jeudis et vendredis, au calice de la Passion de Jésus.
Les stigmates invisibles
Dina est de plus en plus associée à l’Agonie de Jésus. Ce jour-là, Samedi 22 janvier 1927, le Saint-Sacrement était exposé et Dina méditait: ”J’éprouvais déjà la présence de mon divin Maître, mais il y avait quelque chose de plus que dans l’union ordinaire, pourtant si intime du jeudi au vendredi. En effet, Notre Seigneur m’accorda une grande faveur: les stigmates d’amour de ses plaies sacrées. De son Cœur divin, des flammes rayonnaient sur les mains, les pieds et le cœur de mon être anéanti dans le sien. La très sainte Vierge posa ces flammes sur mes membres et Jésus y imprima les stigmates d’amour de ses plaies sacrées... Depuis mes membres sont comme consacrés par une impression divine.”
Dina venait de recevoir les stigmates invisibles. Depuis ce jour, Jésus appelle Dina: sa petite “Moi-même”, et lui demande l’oubli absolu d’elle-même et de tout ce qui la concerne. Sa vie spirituelle s’approfondit de plus en plus et son union à Dieu est quasi permanente.
Le 30 avril 1929, elle entre définitivement à l’infirmerie plus ne plus en sortir. À partir de juillet 1929 elle n’a même plus la force d’écrire. On ne sait d’elle que ce que ses sœurs ont rapporté, mais il semble que, malgré ses souffrances, elle ait su conserver une joie inaltérable.
Le mercredi matin 4 septembre elle se sentit soudain plus faible. Elle conserva sa connaissance jusqu’à la fin, son regard fixé sur l’image du Cœur Eucharistique. Elle mourut vers trois heures de l’après-midi.
[1] L’Autobiographie de Dina Bélanger est éditée par Les Religieuses de Jésus-Marie, au Canada.
[2]La Congrégation des Religieuses de Jésus-Marie a été fondée à Lyon en 1818. Son but: l’éducation de la jeunesse. La Maison-mère est à Lyon, et la Maison générale est à Rome.
[3] On ne peut manquer de remarquer la similitude de pensée et d’expression entre Dina et Thérèse de Lisieux.