CHEMIN DE CROIX



IV. — JÉSUS RENCONTRE SA MÈRE


   Le jour est venu pour la Vierge Marie où doit se réaliser pleinement en elle la prophétie de Siméon: « Un glaive percera votre âme » (Luc. II, 35). — De même qu'elle s'était unie à Jésus en l'offrant jadis au Temple, elle veut plus que jamais entrer dans ses sentiments et partager ses souffrances, à cette heure où Jésus va con­sommer son sacrifice. Elle se rend au Calvaire où elle sait que son Fils doit être crucifié. Sur la route, elle le rencontre. Quelle immense douleur de le voir dans cet affreux état! Leurs regards s'échangent, et l'abîme des souffrances de Jésus appelle l'abîme de la compassion de sa Mère. Que ne ferait-elle pas pour lui!
   Cette rencontre fut à la fois une source de douleur et un principe de joie pour Jésus. Une douleur, en voyant la profonde désolation en laquelle son état si triste plongeait l'âme de sa mère; une joie, à la pensée que ses souffrances allaient payer le prix de tous les privi­lèges dont elle était et devait être comblée.
   C'est pourquoi il s'arrête à peine. Le Christ avait le coeur le plus tendre qui soit; au tombeau de Lazare, il versait des larmes; il pleurait sur les malheurs de Jéru­salem. Jamais fils n'a aimé sa mère comme lui; quand il l'a rencontrée si désolée sur la route du calvaire, il a dû sentir s'émouvoir toutes les fibres de son coeur. Et pourtant, il passe outre, il continue son chemin vers le lieu de son supplice, parce que c'est la volonté de son Père. Marie s'associe à ce sentiment, elle sait que tout doit s'accomplir pour notre salut; elle prend sa part des souffrances de Jésus en le suivant jusqu'au Golgotha, où elle deviendra Corédemptrice.
   Rien d'humain ne doit nous retenir dans notre marche vers Dieu; aucun amour naturel ne doit entraver notre amour pour le Christ: nous devons passer outre pour lui demeurer unis.
   Demandons à la Vierge de nous associer à la contem­plation des souffrances de Jésus et de nous donner part à la compassion qu'elle lui témoigne, afin d'y puiser la haine du péché qui a exigé une telle expiation. Il a plu parfois à Dieu, pour manifester sensiblement le fruit que produit la contemplation de la Passion, d'imprimer dans le corps de quelques saints, comme S. François d'Assise, les stigmates des plaies de Jésus. Nous ne devons pas désirer ces marques extérieures; mais nous devons demander que l'image du Christ souffrant soit imprimée dans notre coeur. Sollicitons de la Vierge cette grâce précieuse: Sancta mater istud agas, crucifixi fige plagas cordi meo valide (Prose Stabat Mater).

   Ô Mère, « voilà votre Fils »; par l'amour que vous lui portez, faites que le souvenir de ses souffrances nous suive partout; c'est en son nom que nous vous le de­mandons; nous le refuser, serait le refuser à lui-même puisque nous sommes ses membres. Ô Christ Jésus, voilà votre Mère; à cause d'elle, accordez-nous de compatir à vos douleurs pour vous devenir semblables.