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   Le jour est venu pour la Vierge Marie où doit se  réaliser pleinement en elle la prophétie de Siméon: « Un glaive percera votre  âme » (Luc. II,  35). — De même qu'elle s'était unie  à Jésus en l'offrant jadis au Temple, elle veut plus que jamais entrer dans ses  sentiments et partager ses souffrances, à cette heure où Jésus va consommer  son sacrifice. Elle se rend au Calvaire où elle sait que son Fils doit être  crucifié. Sur la route, elle le rencontre. Quelle immense douleur de le voir  dans cet affreux état! Leurs regards s'échangent, et l'abîme des souffrances de  Jésus appelle l'abîme de la compassion de sa Mère. Que ne ferait-elle pas pour  lui!
   Cette rencontre fut à la fois une source de douleur et  un principe de joie pour Jésus. Une douleur, en voyant la profonde désolation  en laquelle son état si triste plongeait l'âme de sa mère; une joie, à la  pensée que ses souffrances allaient payer le prix de tous les privilèges dont  elle était et devait être comblée.
   C'est pourquoi il s'arrête à peine. Le Christ avait le  coeur le plus tendre qui soit; au tombeau de Lazare, il versait des larmes; il  pleurait sur les malheurs de Jérusalem. Jamais fils n'a aimé sa mère comme  lui; quand il l'a rencontrée si désolée sur la route du calvaire, il a dû  sentir s'émouvoir toutes les fibres de son coeur. Et pourtant, il passe outre,  il continue son chemin vers le lieu de son supplice, parce que c'est la volonté  de son Père. Marie s'associe à ce sentiment, elle sait que tout doit s'accomplir pour notre salut; elle prend sa part  des souffrances de Jésus en le suivant jusqu'au Golgotha, où elle deviendra Corédemptrice.
   Rien d'humain ne doit nous retenir dans notre marche  vers Dieu; aucun amour naturel ne doit entraver notre amour pour le Christ:  nous devons passer outre pour lui demeurer unis.
   Demandons à la Vierge de nous associer à la contemplation  des souffrances de Jésus et de nous donner part à la compassion qu'elle lui  témoigne, afin d'y puiser la haine du péché qui a exigé une telle expiation. Il  a plu parfois à Dieu, pour manifester sensiblement le fruit que produit la  contemplation de la Passion, d'imprimer dans le corps de quelques saints, comme  S. François d'Assise, les stigmates des plaies de Jésus. Nous ne devons pas  désirer ces marques extérieures; mais nous devons demander que l'image du Christ  souffrant soit imprimée dans notre coeur. Sollicitons de la Vierge cette grâce  précieuse: Sancta mater istud agas, crucifixi fige plagas cordi meo valide (Prose Stabat Mater).
Ô Mère, « voilà votre Fils »; par l'amour que vous lui portez, faites que le souvenir de ses souffrances nous suive partout; c'est en son nom que nous vous le demandons; nous le refuser, serait le refuser à lui-même puisque nous sommes ses membres. Ô Christ Jésus, voilà votre Mère; à cause d'elle, accordez-nous de compatir à vos douleurs pour vous devenir semblables.
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